Un Pistolet pour Ringo (1965) : le test complet du Blu-ray

Una pistola per Ringo

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Duccio Tessari
Avec Giuliano Gemma, Fernando Sancho et Lorella De Luca

Édité par Artus Films

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Le 11/04/2024
Critique

L’un des titres de l’âge d’or du western européen et le premier signé comme réalisateur par Tessari.

Un pistolet pour Ringo

Texas et frontière mexicaine, vers 1865. En échange d’un procès qui l’innocente et en échange de la promesse d’une intéressante récompense, Ringo aide le shérif de son village à venir à bout d’une bande de hors-la-loi mexicains sanguinaires qui, après avoir attaqué la banque, retiennent en otages les riches propriétaires d’un domaine rural proche de la frontière.

Un pistolet pour Ringo (Ital. - Esp. 1965) écrit et réalisé par Duccio Tessari est un titre historiquement important. C’est l’un des premiers de l’âge d’or italien du western européen (1964-1968). Tessari (qui apparaît dans le rôle d’un pistolero durant quelques plans) était grand cinéphile devant l’éternel : il adapte ici l’argument d’un classique du film noir policier américain, à savoir La Maison des otages (The Desperate Hours, USA 1955) de William Wyler. Cette adaptation coïncide, dans sa bio-filmographie, avec la passation de relais d’un genre du cinéma-bis italien à l’autre. Il faut, en effet, se souvenir que Tessari avait été (en compagnie d’Ennio de Concini) un des deux grands scénaristes du second âge d’or du péplum italien (1957 à 1965), qu’il s’agisse de sa section fantastique ou de sa section historique. Il avait été notamment, de 1959 à 1962, scénariste et assistant de péplums dorénavant classiques signés par des cinéastes aussi importants que Riccardo Freda, Mario Bava, Vittorio Cottafavi.

Les premiers westerns européens avaient été signés par des cinéastes aussi variés que Robert Hossein (Fr.-Ital.-RFA 1961), Michael Carreras (GB-Esp. 1961), Sergio Leone (Ital.-Esp.-RFA 1964 et 1965), Alfonso Balcazar (Esp.-Ital.-RFA, 1965). Le succès commercial du Leone de 1964 détermina la naissance de l’âge d’or italien du genre. Les westerns italiens (majoritairement italiens sur le plan financier et / ou dirigés par des cinéastes italiens) furent, en général, d’une violence graphique au moins identique et parfois supérieure à celle des westerns américains. Ils oscillèrent entre réalisme critique et surréalisme insolite parfois proche du fantastique à l’occasion d’un plan, d’une séquence, voire même de la tonalité générale (*) du script. Ils balancèrent aussi entre ironie bon enfant et cynisme ; les meilleurs retrouvèrent l’essence de la tragédie grecque antique. Ils étaient influencés par le cinéma américain mais aussi de nombreuses autres références, à commencer par les deux extrêmes culturels : les lettres grecques et latines antiques (source inépuisable d’inspiration) d’une part, les bandes-dessinées fumetti d’autre part, sans oublier une troisième source d’inspiration (jamais ouvertement revendiquée mais bien réelle et évidemment ressentie par les spectateurs informés de l’époque) à savoir l’actualité politique. Le thème des révolutions sanglantes d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, déjà illustré par Hossein dès 1961, le sera ensuite régulièrement durant l’âge d’or italien du genre. Les paysages d’Almeria (des sierras situées au sud de l’Andalousie espagnole), ses haciendas (extérieurs et intérieurs car leur surface et la qualité de leur décoration permettaient, comme on le voit dans Un pistolet pour Ringo, d’y tourner aisément des plans d’ensemble et de demi-ensemble) mais aussi ses villages artificiels, étaient, certes, proches de ceux des USA mais ils en étaient néanmoins différents : un étrange décalage (celui des lumières et des couleurs du ciel, des roches, de l’herbe même) modifiait inévitablement la donne aux yeux des connaisseurs sensibles à la moindre nouveauté. Le casting, surtout, était totalement renouvelé : actrices (par exemple la belle brune Nieves Navarro alias Susan Scott, mannequin et actrice qui vivait réellement dans une hacienda d’Almeria similaire à celle qu’on voit dans ce film) comme acteurs (par exemple Giulano Gemma et Fernando Sancho) apportaient un sang neuf, des personnalités inédites. Les distributeurs américains furent donc d’emblée preneurs des westerns européens (qu’ils exploitaient en double-programme) à la condition que leurs génériques fussent, au moins au début, relativement américanisés à l’aide de pseudonymes. Les cinéphiles américains et européens nés dans les années 1960 mirent, par la suite, un point d’honneur à décrypter ces génériques américanisés et à leur restituer leurs véritables noms.

Un pistolet pour Ringo

Un pistolet pour Ringo manifeste assez brillamment certains éléments typiques de l’alliage original opéré par les Italiens : beauté plastique, virtuosité formelle, critique sociale discrète mais acérée, hommage à la Comedia dell’arte, sens de l’humour et de l’ironie (Fernando Di Leo était sensible à cet aspect du talent de Tessari), casting renouvelé, création de personnages. Sur le plan de la mise en scène, on peut estimer que celle de Tessari était inspirée par celle de Vittorio Cottafavi avec qui il avait régulièrement travaillé comme scénariste et comme assistant. Le succès commercial fut considérable tandis que la critique (notamment française) était réticente face à un film certes intelligent mais qu’elle tenait pour un exercice de style superficiel. De 1965 à 1968, Sergio Corbucci, Antonio Margheriti, Tonino Valerii, Sergio Sollima, Damiano Damiani, Giorgio Ferroni, Giorgio Capitani, Alberto de Martino, Lucio Fulci et bien d’autres (près d’une centaine de titres furent produits en Italie) s’engouffrent dans la brèche, sans parler de la décadence du genre (1968 à 1975 environ) qui s’oriente vers la parodie mais à laquelle échappent certains titres encore remarquables (par exemple celui signé par Antonio Margheriti en 1969-1970). Tessari réussira la même année 1965 le parfait alliage du western et du péplum avec Le Retour de Ringo (Ital.-Esp. 1965), au scénario inspiré par le retour d’Ulysse auprès de Pénélope et des prétendants voleurs dans L’Odyssée d’Homère, à l’esthétique parfois influencée par le cinéma fantastique. En dépit de son titre, ce second « Ringo » n’a aucun rapport scénaristique avec le premier et Gemma y compose un personnage relevant de la tragédie et non plus de la comédie : sur le plan esthétique, en revanche, même équipe technique et mêmes éminentes qualités plastiques. Tessari servira ensuite d’autres genres du cinéma-bis (notamment legiallo et le film noir policier, par exemple son Big Guns (Les Grands Fusils) de 1972 co-produit par sa vedette Alain Delon).

(*) Note historique additionnelle : les premiers grands westerns européens longs-métrages - il faut préciser ce dernier point car, si on remonte au cinéma muet et aux courts-métrages et moyens-métrages, alors on trouve des précurseurs tels que le cinéaste et acteur français Jean Hamman alias « Joë Hamman » (1883-1974) dont les oeuvres sont contemporaines de celles, outre-Atlantique, de D.W. Griffith, de William S. Hart, d’Allan Dwan et d’autres pionniers américains - sont signés par un cinéaste français (Robert Hossein, 1961) qui admire le cinéma fantastique et y contribuera bientôt ainsi que par un cinéaste anglais (Michael Carreras, 1961 aussi) qui produit simultanément les Hammer Films fantastiques.

Certes, l’influence (esthétique et thématique) du fantastique sur le western américain classique était régulièrement repérable depuis bien longtemps. Qu’on songe (sans même remonter aux origines américaines muettes) à des plans, des séquences ou même au scénario global de certains titres parlants signés par Raoul Walsh (1947, 1951), William Wellman (1948), Hugo Fregonese (1951), Gordon Douglas (1958, 1964), John Sturges (ses deux titres de 1958), Edward Dein (1959), Ted Post (1968 co-produit et interprété par Eastwood) - mais on peut aujourd’hui considérer que le western européen de 1960-1970 en fut non moins régulièrement imprégné.

C’est à Clint Eastwood - acteur américain bien connu à la télévision US à la fin des années 1950 mais que le western européen avait rendu mondialement célèbre au cinéma à partir de 1964 - devenu producteur et réalisateur à partir de 1970, que revient l’honneur d’avoir opéré une synthèse génériquement réflexive dans son remarquable western fantastique L’Homme des hautes plaines ( High Plain Drifter, USA 1973) dont certaines séquences sont inspirées par Avec Django, la mort est là ( Joko invoca Dio… e muori, Ital.-RFA 1967-1968) d’Antonio Margheriti et par Et le vent apporta la violence ( E Dio disse a Caino…, Ital.-RFA 1969-1970) d’Antonio Margheriti.

Un pistolet pour Ringo

Présentation - 3,0 / 5

1 digipack sous fourreau Artus, sorti le 02 avril 2024 contenant 1 DVD-9 PAL zone 2 + 1 Blu-ray 50 région B. Image Technicolor au format TechniScope 2.35 original respecté, compatible 16/9, Full HD 1080p sur le Blu-ray. VOSTF italienne mono + VF d’époque mono. Suppléments : présentation par Curd Ridel, entretiens avec l’actrice Lorella de Luca et l’acteur Giulano Gemma, diaporama affiches et photos, film-annonce. Bel objet reproduisant affiches espagnole et américaine sur les rabats du digipack.

Bonus - 4,0 / 5

Présentation par Curd Ridel (2024, VF, 27 min. environ) : Ridel situe le titre dans l’histoire du genre, délivre quelques informations sur le réalisateur, résume succinctement mais précisément la genèse du film, commente en connaisseur passionné la filmographie des actrices et acteurs principaux. Anecdotes savoureuses sur le casting de Gemma par Tessari. Précisions intéressantes sur le doublage de Gemma en VF et en VI. Illustré par des extraits et quelques affiches mais (défaut récurrent de ses présentations) trop petites et apparaissant trop brièvement. Eclairage surexposé du présentateur, élocution pas toujours bien audible tant le débit peut être rapide mais le contenu mérite d’être entendu.

Entretiens avec Lorella de Luca et Giuliano Gemma (VOSTF, 20 min environ) croisés au montage par Federico Caddei : la date est créditée 2024 mais le contenu est forcément assez antérieur puisque les deux locuteurs sont, selon toutes les sources écrites consultées, respectivement morts en 2014 et 2013. Les souvenirs de l’actrice Lorella de Luca (1940-2014) sont plus amples, précis, intéressants que ceux de Gemma.

Film-annonce (VO, environ 3 min.) : c’est la bande-annonce américaine d’origine, au format original respecté mais en état vidéo et argentique médiocre, commentée par une voix-off et incrustant une partie de la fiche technique au générique.

Diaporama : l’exemple de ce qu’il faut faire ! Une vingtaine de documents environ : d’abord quelques affiches (italiennes, espagnoles, et une américaine) puis des photos d’exploitation très bien reproduites provenant du jeu espagnol et du jeu italien.

Ensemble complétant très bien les bonus sympathiques (on se souvient notamment de l’entretien avec Vera Gemma, la fille de Giuliano Gemma) mais moins amples de l’ancienne édition DVD Seven 7 sortie le 8 avril 2004, il y a presque vingt ans, jour pour jour.

Un pistolet pour Ringo

Image - 4,5 / 5

TechniScope et Technicolor au format original 2.35 respecté, en Full HD 1080p (sur Blu-ray) compatible 16/9. Belle copie argentique (restaurée en 2020 en Italie) et beau report numérique à partir d’un scan 4K. C’est la même copie intégrale italienne qui a été utilisée pour la VOSTF et pour la VF d’époque (complétée par quelques plans VOSTF). Un gel d’image d’une fraction de seconde sur un plan lors de l’évasion de Ruby en carriole, vers la fin : le reste est impeccable. Belle luminosité, beau contraste, très belles couleurs : le directeur photo Francisco Marin utilise bien l’aspect nativement flamboyant du format Scope. Son travail sur Le Retour de Ringo sera, peu de temps après, davantage baroque et sophistiqué.

Un pistolet pour Ringo

Son - 4,5 / 5

Linear PCM mono 2.0 en VOSTF italienne et VF d’époque : offre complète, nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. L’ancien DVD Seven 7 édité chez nous en 2004 ne proposait que la VF d’époque : le progrès apporté par cette édition Artus est donc notable. Quelques plans de la VF sont en VOSTF : ils étaient invisibles sur les copies exploitées à la sortie française ; ils sont ici restitués. Une ou deux fins de phrase de la VF se termine d’une manière un peu abrupte : le reste est impeccable et bien doublé. Musique composées par Ennio Morricone, dirigée par Bruno Nicolaï : c’est une de ses partitions les plus célèbres auprès des connaisseurs : la piste musique est dynamique. Notez que ni la VF d’époque ni la VOSTF italienne post-synchronisée ne comportent la véritable voix de Gemma, doublé en français par Dominique Paturel, en italien par Adalberto Maria Merli.

Crédits images : © PCM, Prod Cinematograficas Balcazar

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 12 avril 2024
L’un des titres importants de l’âge d’or italien du western européen et le premier signé comme réalisateur par Tessari : indispensable à la connaissance du genre.

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