4 mouches de velours gris (1971) : le test complet du 4K UHD

Première édition Ultra HD attendue du troisième volet de la trilogie animale qui révéla l’inventivité de Dario Argento.

Voilà plusieurs jours que Roberto Tobias, batteur d’un groupe de rock, est suivi par un homme dans la rue. Lorsqu’il finit par intercepter l’inconnu, la situation dérape et l’homme s’écroule, blessé au ventre. Pris en photo un poignard à la main, Roberto reçoit bientôt des menaces. Il devient alors victime d’un odieux harcèlement tandis que d’autres assassinats sont commis autour de lui…

4 mouches de velours gris (4 mosche di velluto grigio), sorti en 1971, est le troisième film de Dario Argento, après L’Oiseau au plumage de cristal (L’Uccello dalle piume di cristallo, 1970) et Le Chat à neuf queues (Il Gatto a nove code, 1971), avec lesquels il forme ce qu’on appellera sa « trilogie animalière ».

4 mouches de velours gris met en images un scénario original coécrit par le réalisateur avec Mario Foglietti et Luigi Cozzi qui avait contribué à l’écriture du film précédent. Comme les deux autres volets de cette trilogie, ce troisième film continue d’exploiter le filon pratiquement épuisé du giallo. Ce genre, tirant son nom de la couleur jaune de la collection de romans policiers lancée en 1929 par l’éditeur Mondadori, inspira les cinéastes italiens dès le début du parlant et assura, dans les années 60, la réputation de Mario Bava qui avait, en quelque sorte, codifié le genre avec Six femmes pour l’assassin (6 donne per l’assassino, 1964).

4 mouches de velours gris, avec la liberté que lui assurait la production du film par son père, Salvatore Argento, a permis au réalisateur, s’appuyant sur l’expertise de Franco Di Giacomo, un des grands chefs-opérateurs italiens, de concrétiser son intention de renouveler l’approche du genre, soulignée par le montage avant-gardiste de Françoise Bonnot qui venait de recevoir un Oscar pour Z de Costa-Gavras.

Michael Brandon, tout au début d’une longue carrière, avec aujourd’hui plus de 160 rôles à son tableau, principalement à la télévision, mais aussi pour le grand écran avec The Lost Battalion (Russell Mulcahy, 2001) ou Hawking (La passion n’a pas de limites) (Philip Martin, 2004), a été choisi par Dario Argento pour interpréter Roberto, en remplacement de Michael York, indisponible. Le second rôle, celui de Nina, l’épouse de Roberto, a été dévolu à Mimsy Farmer qui s’était taillé une réputation internationale, deux ans plus tôt, avec More de Barbet Schroeder.

4 mouches de velours gris propose un insolite mélange des genres en ajoutant au thriller policier et à l’horreur, les ingrédients de base du giallo, des situations et des personnages burlesques, notamment un curieux détective privé homosexuel campé par Jean-Pierre Marielle, un facteur bon à prendre tous les coups et, pourquoi pas, Dieu lui-même, « Dio », diminutif de Diomede, interprété par Bud Spencer, Carlo Pedersoli pour l’état civil, disparu en 2016, devenu célèbre en tant que compère de Terence Hill dans près d’une vingtaine de films, dont les fameux western spaghetti Dieu pardonne, moi pas (Dio perdona… Io no! , Giuseppe Colizzi, 1967) et On l’appelle Trinita (Lo chiamavano Trinità… , Enzo Barboni, 1970).

Cette réédition vient combler le vide laissé par l’épuisement de l’édition Wild Side sortie en 2012.

4 mouches de velours gris (103 minutes) et ses suppléments (102 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-100 4K UltraHD logé dans un SteelBook orné, comme le disque et le menu principal, d’un visuel baroque emblématique de l’oeuvre.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’italien, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0 et dans un doublage en français et en anglais, au même format. Dans ce montage, plus long que celui projeté à la première sortie en salle, s’ajoutent au doublage des scènes en italien, avec sous-titrage.

Une édition single BD-50 est disponible avec les mêmes suppléments.

Repris de l’édition Wild Side de 2012 :

Le giallo perdu : entretien avec Dario Argento et Luigi Cozzi (27’). Dario Argento insiste sur son intention, affirmée dès le premier film de la trilogie animalière, de « révolutionner le giallo » avec cette nouvelle histoire écrite à trois. Luigi Cozzi, coscénariste, rappelle la longue enquête menée pour récupérer les droits d’un film qui, pendant de longues années, n’est resté disponible qu’en VHS. Jean-Pierre Marielle fait partie de la distribution de cette coproduction franco-italienne. Michael York, pressenti pour le rôle principal, était retenu sur le plateau de Zeppelin. Des prises à Rome, Turin et Milan reconstituent la ville imaginaire du film.

Dans l’oeil de la peur : le film vu par Doug Headline (auteur et réalisateur), Bruno Forzani (réalisateur), Pascal Laugier (réalisateur) et Jean-Baptiste Thoret (historien du cinéma et réalisateur) (26’). Les chroniqueurs relèvent une progression de la mise en scène, d’un film à l’autre de la trilogie. Jean-Baptiste Thoret y voit « un glissement du familier à l’étrange, du réalisme au mental », avec un « montage avant-gardiste » de Françoise Bonnot donnant au film une « dimension surréaliste ». Pour Doug Headline, Dario Argento, resté « sidéré » par le pouvoir qu’avait l’image animée sur les spectateurs de L’Entrée du train en gare de La Ciotat, projette sur l’écran « ses obsessions ».

La contribution de Jean-Baptiste Thoret me donne une bonne occasion de rappeler son passionnant documentaire Dario Argento : Soupirs dans un corridor lointain, sorti en salles en juillet 2019 et édité sur DVD en 2020 par Tamasa Diffusion.

Suivent quatre suppléments inédits, produits par Freak-O-Rama en 2022 :

Discutons avec Dieu : entretien avec Bud Spencer (10’) sur son interprétation du personnage de Diomede et sur l’ensemble de sa carrière. Sans formation dramatique, il se perçoit comme un amateur. Mais, si le théâtre ne pardonne aucune erreur, le cinéma autorise plusieurs prises, jusqu’à la bonne. « Un intellectuel hystérique », c’est l’image qu’il garde de Dario Argento sur le plateau.

S’il vous plaît, M. le facteur : entretien avec Gildo Di Marco (HD, 16’). Pour cet interprète du facteur tabassé, devenu instituteur, le cinéma est resté une parenthèse dans sa vie. Il se souvient s’être rendu à l’adresse indiquée pour l’audition, avoir été reçu par un homme qui lui a dit que le réalisateur était absent. Il l’invita à l’attendre et discuta avec lui. Cet homme, c’était… Dario Argento !

Mort au ralenti : entretien avec Roberto Forges Davanzati (7’). Il avait été appelé comme assistant opérateur, pour la capture de la scène finale en ralenti avec la caméra Pentazet. Empruntée au réseau ferroviaire italien, cette caméra fabriquée en Allemagne de l’Est permettait d’enregistrer jusqu’à 250 images par seconde. La ligne noire verticale en haut du cadre est due à un mauvais réglage.

Le temps s’envole : entretien avec Angelo Iacono (14’). Le directeur de la production, un collaborateur régulier de Dario Argento, évoque le casting et rappelle avoir suggéré le tournage du cauchemar de décapitation dans la cour de la mosquée de Kairouan où il était en villégiature avec le réalisateur.

Bande-annonce (2’26”).

L’image, au ratio d’origine 2.35:1, après une restauration financée par la Fondazione Cineteca di Bologna et opérée en 2020 sur scan 4K des négatifs originaux par l’Immagine Ritrovata, a été débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, à l’exception de quelques infimes taches ou rayures à peine perceptibles. Un grain légèrement affiné, homogène, respecte la texture du 35 mm. L’encodage 4K HEVC - Dolby Vision, HDR10, avec des couleurs saturées, des contrastes fermes et des noirs très denses, assure, dans une totale obscurité, une meilleure lisibilité des scènes les plus sombres que l’édition de 2012.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, sans souffle, restitue clairement les dialogues, en équilibre avec l’ambiance dont la présence est assurée par une bonne dynamique. Dominé par les percussions, l’accompagnement musical d’Ennio Morricone est délivré pratiquement sans saturations.

Le doublage en français, correctement interprété, place un trop en avant des dialogues moins bien intégrés dans l’ambiance que ceux de la version originale.

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