Docteur Jerry et Mister Love (1963) : le test complet du 4K UHD

The Nutty Professor

4K Ultra HD

Réalisé par Jerry Lewis
Avec Jerry Lewis, Stella Stevens et Del Moore

Édité par Paramount Pictures France

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Le 07/09/2023
Critique

Il aura fallu attendre 20 ans la réédition du chef-d’oeuvre de Jerry Lewis, la première en haute définition, avec une flopée de suppléments.

Docteur Jerry et Mister Love

Julius Kelp, professeur de chimie dans une université, timide et peu avantagé par son physique, se transforme en Buddy Love, un arrogant séducteur, grâce à une potion de sa fabrication dont les effets se dissipent après quelques heures…

Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor) est très librement inspiré de The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde, le roman de Robert Louis Stevenson (1850-1894), paru en 1886, sur le thème de la cohabitation chez un seul individu du bien et du mal, que reprendra Italo Calvino dans son roman publié en 1952, Il Visconte dimezzato qui est aussi une forme d’hommage à L’Île au trésor, le plus célèbre roman de Stevenson.

L’oeuvre du romancier, particulièrement L’Île au trésor, inspira plus de 300 adaptations pour le grand et le petit écran. The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde, à lui seul, sans compter les pièces de théâtre, bandes dessinées, jeux vidéo et une trentaine de chansons, dont celle de Serge Gainsbourg, qu’il a inspirés, a suscité, dès 1908, pas loin de 70 adaptations pour le grand et le petit écran dans le lot desquelles se distinguent le Docteur Jekyll et Mr. Hyde de Rouben Mamoulian en 1931, le Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Victor Fleming en 1941 (que Jerry Lewis confie avoir apprécié), et d’autres peu respectueuses du texte original, comme Abbott et Costello contre le Dr Jekyll et Mr Hyde (Abbott and Costello Meet Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Charles Lamont, 1953), l’intéressant Docteur Jekyll et les femmes de Walerian Borowczyk en 1981. Une des meilleures adaptations récentes est celle faite en 2007 par Steven Moffat pour la minisérie Jekyll avec un James Nesbitt impressionnant dans le rôle-titre. Au rayon des curiosités se cache un surprenant Dr Jekyll et Sister Hyde pour lequel Roy Ward Baker a eu l’idée de transformer le docteur Jekyll en une lascive meurtrière. L’idée d’incarner Hyde en femme est aussi venue à Serge Bozon en 2018 pour l’oubliable Madame Hyde, avec Isabelle Huppert.

Une vie bien remplie

Né en 1926, Jerry Lewis accompagne ses parents sur les planches dès l’âge de 5 ans, crée en solo un numéro de pantomime à 15 ans et acquiert une réputation mondiale vers la fin des années 40 dans le tandem de comiques Martin & Lewis qu’il forme avec le chanteur Dean Martin, avec lequel, sous la bannière de Paramount Pictures, il partagera la vedette de 17 films, la plupart réalisés par Frank Tashlin et Norman Taurog. Tout en poursuivant sa carrière d’acteur, il se lance dans l’écriture et la réalisation de ses propres films avec le ferme soutien du studio qui met à sa disposition exclusive un énorme plateau. En sortiront, dans les années 60, une dizaine de films, avec la complicité pour l’écriture de Bill Richmond, parmi lesquels Docteur Jerry et Mister Love occupe la place de chef-d’oeuvre.

Docteur Jerry et Mister Love

Après un passage difficile, consécutif à une mauvaise chute, il revient au cinéma, mais abandonnera la réalisation de films en 1983. Il continuera de diriger quelques épisodes de séries jusqu’en 1991 et d’apparaitre comme acteur sur le grand et le petit écran, applaudi par la critique en 1983 pour un rôle décalé dans La Valse des pantins (The King of Comedy, Martin Scorsese). Il tint son dernier rôle dans Le Casse (The Trust, Alex Brewer et Benjamin Brewer, 2014), un des nombreux films oubliables avec Nicolas Cage en tête d’affiche.

Enchaînant les succès publics, il fut assez négligé par la critique américaine, alors que son talent avait été salué en France par les Cahiers du cinéma qui retinrent Docteur Jerry et Mister Love parmi les dix meilleurs films de l’année 1963.

Docteur Jerry et Mister Love, outre qu’il reste une belle démonstration de slapstick comedy, révèle aussi l’inventivité du réalisateur et son sens du montage, grâce auxquels les gags font mouche, notamment dans les scènes de la salle de gym où Julius Kelp, sans ses lunettes, après un enchaînement de catastrophes, lance une boule de bowling sur des joueurs qu’il avait pris pour des quilles. On est aussi, et surtout, frappé par la parfaite interaction de l’image et du son, qu’il s’agisse des bruits d’ambiance ou de la musique, démontrée dans d’autres de ses films. Une scène mémorable du film est celle où, mal remis des excès de consommation d’un cocktail explosif ingurgité par Buddy Love, Julius Kelp perçoit tous les bruits de sa classe douloureusement amplifiés.

Jerry Lewis, au mieux de sa forme dans son interprétation d’un personnage Janus bifrons, a su bien s’entourer : de Stella Stevens, au début d’une longue carrière qui l’amènera à tenir près de 250 rôles jusqu’en 2010, de Kathleen Freeman qui lui donna la réplique dans une douzaine de films et de Del Moore qui campe avec bonheur le compassé Dr. Mortimer S. Warfield, doyen de l’université.

Docteur Jerry et Mister Love a suscité deux remakes, le premier commis par Tom Shadyac en 1996, Professeur foldingue (The Nutty Professor), à oublier malgré son Oscar du maquillage, et une pitoyable suite, La Famille Foldingue 2 (The Nutty Professor II: The Klumpsv, Peter Segal, 2000).

Docteur Jerry et Mister Love était curieusement resté absent de nos catalogues depuis l’épuisement de l’édition spéciale sur DVD sortie en 2004 pour le quarantième anniversaire du film. Il aura fallu attendre son soixantième anniversaire pour cette réédition, la première en UltraHD, enrichie pour l’occasion par un bon lot de bonus inédits. On peut s’étonner que l’éditeur n’ait pas proposé simultanément la sortie d’un Blu-ray 1080p aux nombreux fans de Jerry Lewis pas encore équipés pour en 4K.

Docteur Jerry et Mister Love

Présentation - 2,0 / 5

Docteur Jerry et Mister Love (107 minutes) et ses généreux suppléments (200 minutes, sans compter le commentaire audio du film) tiennent sur un Blu-ray 4K UltraHD BD-66 logé dans le traditionnel boîtier noir, glissé dans un fourreau.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’anglais, avec le choix entre deux formats audio DTS-HD Master Audio 5.1 et Dolby Digital 2.0 mono, ainsi que dans un doublage en français et en espagnol Dolby Digital 2.0 mono.

Sous-titres français, ainsi qu’anglais pour malentendants et espagnol.

Pas de réédition Blu-ray BD-50 ou DVD encore annoncée.

Bonus - 5,0 / 5

Le commentaire du film par Jerry Lewis, interrogé par son ami le chanteur Steve Lawrence, a été enregistré pour l’édition DVD sortie par Paramount en 2004. Jerry Lewis rappelle qu’il a « volé » la voix de Julius Kelp à un admirateur rencontré dans le train de New York à Chicago, que 90% des séquences sont filmées en une seule prise, après une sérieuse répétition, que les prises de la scène de la transformation de Julius Kelp en Buddy Love se sont étalées sur deux jours et qu’il a souvent remanié le scénario, la nuit pendant le tournage, avec Bill Richmond. Il présente les acteurs, Stella Stevens, Kathleen Freeman, Del Moore…, sans oublier les extras, comme Richard Kiel, 2,18 m sans chaussettes, l’interprète de Jaws dans les films de James Bond…

Coup de projecteur (2014, 8’), avec le critique Leonard Maltin. Après le succès des films avec Dean Martin et de sa première réalisation, The Bellboy, Jerry Lewis devint la poule aux oeufs d’or de Paramount Pictures qui mit à sa disposition un énorme plateau où il put tourner, pendant les années 60, deux films par an, l’un sortant au printemps, l’autre en décembre. Jerry Lewis confirme que The Nutty Professor fut son film le plus ambitieux…

Des deux côtés de la caméra : le génie de Jerry Lewis  (Both Sides of the Camera: The Innovative Genius of Jerry Lewis, 2012, 44’). Ce montage réalisé par Paramount Pictures montre l’énorme plateau pouvant accueillir jusqu’à 600 invités pendant les prises, rappelle que Jerry Lewis, pour le tournage de The Bellboy, avait été le premier à s’équiper d’un monteur vidéo (« video assistant ») qu’il avait fait construire pour corriger la parallaxe dans les plans rapprochés et contrôler les éclairages. Il fut aussi le premier à utiliser un enregistreur portable Nagra pour la prise de son, jusque-là faite avec un équipement remplissant un énorme camion. Des extraits de films illustrent l’attention portée par Jerry Lewis à l’interaction du son, de l’ambiance et de la musique, et de l’image…

Jerry Lewis et Frank Tashlin discutent du scénario (49’, inédit), un entretien téléphonique de septembre 1962. Jerry Lewis avait soumis sa première version du scénario de The Nutty Professor au cinéaste Frank Tashlin, de 13 ans son aîné, qui l’avait dirigé comme acteur dans huit de ses films, depuis Artists and Models (1955) jusqu’à The Disorderly Orderly qui sortira en 1965. Frank Tashlin, après avoir rappelé qu’il avait découvert Stella Steven en 1959 pour son film Say One for Me, suggère des modifications du scénario et des dialogues : certaines seront écartées, d’autres retenues. C’est lui qui a trouvé un des bons gags, celui où Julius Kelp se gratte les pieds dépassant de la couette avec les mains au bout de bras accidentellement allongés par des haltères.

Jerry Lewis : sans filtre (Jerry Lewis: No Apologies, 2014, 21’). Jerry Lewis, « dans un corps rouillé demandant une attention permanente », à 87 ans, « un âge où on peut se souvenir des meilleurs moments de sa vie », rappelle que The Nutty Professor fut le film qu’il avait rêvé de faire pendant 30 ans, pour lequel il s’est investi jusqu’à huit jours pour une seule séquence…

Jerry au musée de cire de Movieland (1973, 1’), avec le commentaire de son fils, Chris Lewis.

Bande-annonce cinéma (2’11”).

Bouts d’essai : Kelp (0’44”) et Dr Warfield (1’45”).

Docteur Jerry et Mister Love : perfectionner la formule (The Nutty Professor: Perfecting the Formula, 16’, 2004), avec Jerry Lewis, son fils, Chris Lewis, Stella Stevens, et James Neibaur, auteur de The Jerry Lewis Films: An Analytical Filmography of the Innovative Comic qui paraîtra en 2013. Jerry Lewis se souvient d’avoir écrit neuf versions du scénario, la dernière avec Bill Richmond (1921-2014), de sa collaboration avec le chef-opérateur W. Wallace Kelley pour obtenir les couleurs vives du film, du bon accueil de ses films par la critique française, notamment par les Cahiers du cinéma… Un intéressant document, utilement illustré par des extraits de films.

Jerry Lewis au travail (Jerry Lewis at Work, 2004, 30’), avec Jerry Lewis, son fils, Chris Lewis, Stella Stevens, et James Neibaur. Le document s’ouvre sur des extraits de ses premiers films, The Delicate Delinquent, une variation comique sur un thème voisin de celui du Rebel Without a Cause de Nicholas Ray, coréalisé avec Don McGuire en 1967, et de Cinderfella, réalisé en 1960 par Frank Tashlin, avec Count Basie et son orchestre et les fameux costumes d’Edith Head qui collectionna huit Oscars au cours d’une longue carrière…

Cinq scènes coupées inédites (7’) : Kelp rêve des résultats de sa formule, Kelp confond un enfant avec une boule de bowling, Buddy Love reçoit des demandes, Apparition de Gary Lewis, Entrée sensuelle de Stella. Jerry Lewis rappelle son invention du « video assistant » dont le prototype coûta 860 000 dollars et fut utilisé pour le tournage de The Bellboy. Il souligne la difficulté du mime…

Bêtisier (Gag reel, 13’).

Scène additionnelle : Kelp appelle son père (3’).

Promos avec Jerry Lewis et Stella Stevens (4’).

Docteur Jerry et Mister Love

Image - 5,0 / 5

L’image 2160p, 4K HEVC - Dolby Vision, HDR10, au ratio original 1.85:1 (l’édition de 2004 imposait à recadrage à I.78:1), d’une irréprochable propreté, propose des blancs lumineux et des noirs denses et déploie les couleurs vives voulues par Jerry Lewis en Technicolor. Une résolution poussée a été obtenue, en respectant le grain du 35 mm, fin et régulier.

Son - 5,0 / 5

Le son mono d’origine, remixé au format DTS-HD Master Audio 5.1 (comme il l’avait été pour l’édition du cinquantième anniversaire sortie aux USA en 2014) est aussi disponible en DTS-HD Master Audio 2.0 mono. Propre, sans souffle, il restitue les dialogues avec la clarté attendue. Une ouverture satisfaisante de la bande passante et une bonne dynamique mettent en valeur le rôle important joué par les bruitages et l’ambiance qui reste cantonnée sur le plan frontal, comme elle l’était lors de la sortie du film en salles. Le multicanal bénéficie toutefois à la musique dans les séquences avec l’orchestre de Les Brown. Parfait, vu l’âge du film.

Le doublage en français au format standard Dolby Digital 2.0 mono, très propre lui aussi, assez soigné, étouffe un peu, surtout dans le haut du spectre, l’ambiance, la musique et les dialogues. De plus, il nous prive de la voix inimitable de Julius. Il n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © Paramount Pictures

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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5
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Philippe Gautreau
Le 8 septembre 2023
Le chef-d’œuvre de Jerry Lewis, curieusement resté absent de nos catalogues depuis après l’édition DVD de 2004, nous revient enfin pour le soixantième anniversaire du film, parfaitement restauré, enrichi d’un bon lot de bonus inédits, avec les honneurs du format UltraHD, le seul disponible à ce jour. Une occasion à saisir pour les cinéphiles équipés en 4K !
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Guy
Le 9 avril 2023
Que l'on me pardonne, mais il il a des éditeur qui se f..... de ceux qui ne possèdent pas le 4K, comme entre autres "La Guerre des Mondes" 1952.

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