Le Samouraï

Le Samouraï (1967) : le test complet du 4K UHD

Coffret Collector - Édition limitée - 4K Ultra HD + Blu-ray + DVD + Vinyle + Livre

Réalisé par Jean-Pierre Melville
Avec Alain Delon, François Périer et Nathalie Delon

Édité par Pathé

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Le 31/01/2024
Critique

Une des plus précieuses éditions de 2023 pour un impérissable chef d’oeuvre du cinéma qui influença de nombreux cinéastes.

Le Smaouraï

Jef Costello, dit le Samouraï, tueur à gages, abat le patron d’une boîte de nuit. Jane, sa maîtresse, répond aux soupçons de la police en affirmant qu’il était avec elle au moment du meurtre. Valérie, la pianiste, ne révèle pas à la police qu’elle l’a vu sortir du bureau du patron de la boîte de nuit juste après le meurtre. Les commanditaires de l’assassinat demandent à Jef d’éliminer ce témoin gênant.

Le Samouraï est, officiellement présenté comme l’adaptation par le réalisateur de The Ronin, publié en 1963 par la romancière Goan McLeod, non créditée au générique pour une incontestable raison : elle n’a jamais existé ! Melville, finira par avouer s’être inspiré des adaptations faites au cinéma du roman A Gun for Sale, publié en 1936 par Graham Greene, notamment de celle réalisée par Frank Tuttle en 1942, Tueur à gages (This Gun for Hire), avec Alan Ladd. En exergue du film, une citation apocryphe du Bushidō : « Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du Samouraï, si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle… ».

Jean-Pierre Melville (1917-1973), Jean-Pierre Grumbach pour l’état civil, affirma très tôt sa passion pour le cinéma : ses parents lui offrirent à six ans une caméra 9,5 mm Pathé-Baby et il affichera ouvertement son admiration de l’Amérique en adoptant, quand il rejoindra la France Libre en 1942, le patronyme de Herman Melville, l’auteur de Moby Dick, puis en arborant Stetson et Ray-Bans à verres fumés. Cette passion pour l’Amérique et le cinéma lui aurait été communiquée par Cavalcade de Frank Lloyd, Oscar du meilleur film en 1934, qu’il dit avoir vu une centaine de fois.

Le Samouraï est une parfaite démonstration du style minimaliste du réalisateur. Avec une quasi-absence de dialogues, en obtenant des acteurs un jeu aussi discret que possible, il laisse à la caméra le soin de raconter l’histoire, avec une efficacité jamais prise en défaut.

Le Samouraï est le dixième des treize longs métrages réalisés par Jean-Pierre Melville, hantés par les thèmes de la solitude, de l’échec et d’une marche inexorable vers la mort. Sa filmographie est essentiellement composée d’une trilogie sur la France occupée, avec Le Silence de la mer (1949), son premier long métrage, Léon Morin, prêtre (1961) et L’Armée des ombres (1969), et de six policiers, Bob le Flambeur (1956), Le Doulos (1962), [PROGRAM(deuxieme_souffle)] (1966), Le Samouraï (1967), Le Cercle rouge (1970) et Un Flic (1972), son dernier film.

La valeur et l’originalité de l’oeuvre de Jean-Pierre Melville furent tardivement reconnues par la critique française qui l’a longtemps perçu comme un bon faiseur de films commerciaux, alors qu’il eut une réelle influence à l’étranger, avouée par des cinéastes aux USA, à Hong Kong et en Italie.

L’accord parfait entre Jean-Pierre Melville et Alain Delon (ils se retrouveront pour Le Cercke rouge et Un flic) est un des grands atouts du film. Il est efficacement secondé par François Périer, dans le rôle du commissaire de police. Côté dames, on découvre trois débutantes, Nathalie Delon dans le rôle de la maîtresse de Jef, Cathy Rosier, dans celui de la pianiste et Catherine Jourdan dans celui de la jeune fille du vestiaire.

Le Samouraï a un autre atout majeur, la photo d’Henri Decaë, que Jean-Pierre Melville employa sept fois, directeur de la photographie de quelques 120 films, en France pendant la Nouvelle Vague, avec Ascenseur pour l’échafaud, Le Beau Serge, Les Amants, Les Quatre cents coups, Plein soleil, etc., et même à l’étranger, avec La Nuit des généraux (The Night of the Generals, Anatole Litvak, 1967), Un Chateau en enfer (Castle Keep, Sydney Pollack, 1969), Ces garçons qui venaient du Brésil (The Boys from Brazil, Franklin J. Schaffner, 1978)…

Un autre point fort du film est la musique de François de Roubaix, un autodidacte inspiré qui eut le temps de composer l’accompagnement de plus de cent films avant de mourir à 36 ans d’un accident de plongée. Auteur de la partition de Les Aventuriers de Robert Enrico, il fut recommandé par Alain Delon.

Tous les films de Jean-Pierre Melville ont été édités en vidéo depuis l’apparition du DVD, soit séparément, y compris le moins connu de tous, Quand tu liras cette lettre (1953), seul absent de la magnifique Anthologie Melville en 12 Blu-ray, sortie le 17 octobre 2017 sous la bannière Studiocanal, qui comprenait le court métrage encore inédit Vingt-quatre heures de la vie d’un clown. Peut-on espérer que ce coffret soit prochainement réédité ?

Le Samouraï vient d’être fraîchement restauré en 2022, pour Pathé en collaboration avec The Criterion Collection, par L’Image Retrouvée pour l’essentiel après scan 4K du négatif original. L’étalonnage, supervisé par le chef-opérateur Bruno Nuytten, dans une palette de couleurs très désaturées, respectueuse des choix du réalisateur, souligne la dominance du gris sur laquelle tranche l’imperméable mastic de Jef.

Le Smaouraï

Présentation - 5,0 / 5

Le Samouraï (105 minutes) tient sur un Blu-ray UHD BD-100 logé dans un Digipack à trois volets en compagnie de trois autres disques, un Blu-ray BD-50 avec le film et deux suppléments d’une durée cumulée de 45 minutes, un DVD-5 de bonus avec trois compléments d’une durée totale de 73 minutes et un disque vinyle 33 tours avec la bande originale, non fourni pour le test.

Le film est proposé au format audio, DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Piste d’audiodescription DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Sous-titres pour malentendants.

À l’intérieur du Digipack, un facsimile du scénario, 624 plans sur 120 pages, « la version la plus complète possible, d’avant le tournage et qui a donc pu être modifiée par Jean-Pierre Melville au cours du tournage et du montage du film », ainsi qu’un livret de 60 pages, intitulé Le Samouraï : Chorégraphie de la solitude et de la mort, rédigé par Bertrand Tessier. « Delon était le double de Melville - aujourd’hui, on dirait son avatar, (…) et pourtant il a fallu près de dix ans pour que les deux hommes en viennent à travailler ensemble. (…) Harmonie humaine, professionnelle, esthétique, où le hiératisme de la mise en scène de Melville s’accorde à la beauté glacée de Delon. (…) Une relation père-fils (…) entre deux loups solitaires ». Bertrand Tessier fait ressortir les « emprunts » de Melville, « cinéaste cinéphile », au Tueur à gages de Frank Tuttle, rappelle l’accord donné par Alain Delon, après sept minutes et demie de lecture du scénario, pour jouer « dans un film en noir et blanc en couleurs », les stipulations du contrat avec le producteur Raymond Borderie, le choix pour la photo d’Henri Decaë qui fut le chef-opérateur de son premier film, Le Silence de la mer, les Studios Jenner, « le Hollywood de poche » de Melville (« Il n’y a pas de poésie dans un décor naturel », disait-il), détruits par le feu. Bertrand Tessier définit parfaitement le jeu de l’acteur principal : « Mutique, minéral, Delon fait de son personnage un spectre qui avance vers la mort ». Accueilli tièdement par la critique, Le Samouraï attira près de 2 millions de spectateur, alors que 7 millions sont venus voir Oscar d’Édouard Molinaro, mais il eut une indéniable influence en Amérique, en Asie et en Europe. La reconnaissance de la valeur de son cinéma a permis à Melville de concrétiser la réponse qu’il donna à un journaliste qui demandait à l’écrivain qu’il interprétait dans À bout de souffle, quelle était sa plus grande ambition : « Devenir immortel et puis mourir ». Le livret se referme sur la reproduction de huit affiches du film.

Un beau texte et un utile complément au film !

Pathé a annoncé la sortie le 24 avril 2024 d’une nouvelle édition du film, à prix plus doux, avec les mêmes suppléments vidéo que celle-ci, sur trois disques, un Blu-ray UHD BD-100, un Blu-ray BD-50 et un DVD-25, mais sans le livret, ni le facsimile du scénario, ni le disque vinyle.

Le Smaouraï

Bonus - 5,0 / 5

Les suppléments, tous inédits, coproduits en 2023 par Pathé Films et California Prod., sont répartis sur deux disques.

Sur le Blu-ray BD-50 du film :

La restauration du Samouraï (11’). Pathé a entrepris, depuis une dizaine d’années, la restauration de ses films de patrimoine. Tessa Pontaud (Pathé) et Carole Fodor (L’Image Retrouvée) rappellent la restauration du Samouraï, entreprise en collaboration avec The Criterion Collection, à partir du négatif original, comportant quelques plans en internégatif (p. ex., les fondus-enchaînés). Elle s’opère en plusieurs phases : réparation mécanique, scan à sec ou en immersion (plus d’une semaine en résolution 4K), élimination numérique des taches et rayures avec des palettes graphiques, tests du résultat sur grand écran, étalonnage par référence à des copies ou des photos. Un travail de dix mois qui permettra le transfert du film en DCP (Digital Cinema Package) pour sa distribution en salles, sur les plateformes VOD ou son édition DVD ou Blu-ray. Un intéressant complément.

Jean-Pierre Melville, mon ami, par Philippe Labro (34’). Saisi par l’originalité formelle du film dont la critique « n’avait pas saisi la valeur et la dimension », ni la place donnée aux silences. Il souligne la maîtrise de Melville (il disait : « chaque plan doit être un film »), sa capacité à faire sortir les stars du conformisme, « à les enfermer dans leur rôle ». Il évoque ses relations amicales avec le réalisateur, sa générosité, les conseils qu’il lui a donnés pendant le tournage de Sans mobile apparent. Après le succès de Le Cercle rouge, Melville fut affecté par l’échec critique et commercial d’Un flic. Philippe Labro a vu Jean-Pierre Melville mourir d’une rupture d’anévrisme dans un restaurant. Un grand artiste !

Sur le DVD de bonus :

Jean-Pierre Melville, l’influenceur (34’), un entretien avec Philippe Rouyer, président du Syndicat de la Critique de Cinéma et des films de télévision. Ses films furent longtemps vus comme « des polars avec des stars (…) des films du dimanche soir ». Le « geste créateur » de Melville, une quasi-absence de dialogues et un jeu épuré, sera d’abord reconnu par des cinéastes qu’il influencera : Michael Winner pour Le Flingueur (The Mechanic, 1972), Fernando Di Leo pour Milan calibre 9 (Milano, calibro 9, 1972), Walter Hill pour Driver (1978), Nicolas Winding Refn pour Drive (2011), Michael Mann pour Le Solitaire (Thief, 1981), John Woo pour The Killer (1989), Johnnie To pour Vengeance (2009), Jim Jarmusch pour Ghost Dog - La voie du Samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai, 1999). Son influence limitée en France était cependant visible sur deux films d’Alain Corneau, Police Python 357 (1976) et Le Deuxième souffle (2007).

Jean-Pierre Melville et la musique de film (21’), un entretien avec Stéphane Lerouge, auteur de plusieurs ouvrages sur la musique de film. Jean-Pierre Melville créa des tensions avec « les composteurs installés » dont il attendait « la musique qu’il avait en tête ». Il laissa très peu de temps à François de Roubaix pour écrire la musique du Samouraï. Le thème minimaliste, « réduit à l’essentiel », construit sur un arpège, « a la puissance d’un engrenage », celui qui conduira Jef vers la mort. Autodidacte, François de Roubaix tirera une grande liberté d’une relative méconnaissance des règles de la composition. Le compositeur Nicolas Errera parle de sa réinterprétation de la musique du Samouraï gravée sur le vinyle 33 tours de la bande originale du film.

Le Samouraï revu par le réalisateur Taylor Hackford (en anglais, sous-titré, 19’). « I am a major fan of Jean-Pierre Melville! », nous dit le réalisateur d’Officier et gentleman (An Officier and a Gentleman, 1982), qu’il a découvert avec Le Doulos,. Melville fut « marqué au fer rouge par son expérience dans la Résistance », ce qui transparaît dans toute son oeuvre et, notamment, dès la première séquence du film montrant la solitude et le secret dans lesquels s’est enfermé Jef. Taylor Hackford montre sa profonde connaissance du film en soulignant dans plusieurs séquences la simplicité, l’efficacité, l’originalité et la beauté du style de Melville et l’influence qu’il eut sur le cinéma américain.

Le Smaouraï

Image - 5,0 / 5

L’image, au ratio originel de 1.85:1, 2160p, 4K HEVC - HDR 10, parfaitement débarrassée par une minutieuse restauration de toute trace de dégradation de la pellicule, avec une fine résolution, bénéficie d’un nouvel étalonnage équilibrant agréablement les contrastes entre des blancs lumineux et des noirs denses et soulignant la nature d’un film « en noir et blanc en couleurs » voulue par Jean-Pierre Melville. Le grain, fin et homogène, a été préservé.

Son - 5,0 / 5

Le son mono d’origine, restauré à partir de la piste magnétique du négatif 35 mm, réencodé au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, assure la clarté des dialogues, le réalisme des bruits de la ville et délivre avec finesse la musique de François de Roubaix.

Crédits images : © Pathé - CICC, Fida Cinematografica, Filmel, TC Productions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 1 février 2024
Cet impérissable chef d’œuvre de Jean-Pierre Melville eut une influence reconnue sur plusieurs cinéastes américains. Pathé lui fait les honneurs d’une sortie en UHD dans une édition majeure de l’année 2023. Un unique objet de collection !

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