Kenji Misumi : La Lame à l'oeil - Coffret 4 films : le test complet du 4K UHD

Zatoichi monogatari + Kiru + Ken + Ken ki

Pack

Réalisé par Kenji Misumi
Avec Shintaro Katsu, Masayo Banri et Ryuzo Shimada

Édité par The Jokers

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Le 15/02/2024
Critique

Quatre films de sabre d’excellente facture reçoivent les honneurs d’une édition UHD enrichie d’utiles bonus, proposée par The Jokers.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Kenji Misumi : La Lame à l’oeil propose quatre films d’un porte-drapeau du genre chanbara (film de sabre) qui deviendra mondialement connu après la réalisation, en 1972 et 1973, de quatre des films de la saga Baby Cart (Kozure Okami) contant les aventures mouvementées d’Ogami Itto, un ronin errant sur les routes avec son fils dans un landau.

La Légende de Zatōichi : Le Masseur aveugle (Zatōichi monogatari, 1962, noir et blanc, 2.35:1, 96 minutes). Un aveugle d’aspect pataud fait son irruption dans la petite province de Shimosa. Nommé Ichi, il se fait vite connaître pour ses talents de masseur et pour son habileté aux dés. Mais une autre réputation l’a précédé : en dépit de son handicap, c’est un bretteur hors pair. Et le boss Sukegoro du clan yakuza Iioka entend bien s’attacher ses services dans la guerre sanglante qui gronde contre son ennemi irréductible, le clan Sasagawa. Pour Zatōichi, c’est aussi la perspective d’un combat à mort contre Hirate, un mercenaire pour lequel il s’est pris d’amitié…

La Légende de Zatōichi : Le Masseur aveugle est un des six films inspirés à Kenji Misumi par un personnage imaginé par Kan Shimozawa dans une nouvelle parue en 1961, Zatōichi, un yakuza d’un rang inférieur, masseur aveugle itinérant. Réputé pour sa remarquable maîtrise du katana, il vient au secours des faibles et des opprimés. On retrouvera ce personnage dans pas moins de 25 autres films, produits pour la plupart dans les années 60 et 70. Zatōichi, personnage secondaire de la nouvelle de Shimozawa, un joueur compulsif et tricheur, fut le plus souvent incarné par Shintaro Katsu (1931-1997), titulaire de près de 200 rôles, déjà empâté en 1962. Sans le physique et l’aura du héros traditionnel, Zatōichi eut la vie longue : il a encore inspiré à Takeshi Kitano Zatōichi en 2014.

Tuer (Kiru, 1962, couleurs, 2.35:1, 71 minutes). Shingo a été adopté par le samouraï Takakura, après avoir été sauvé à la suite de l’exécution de sa mère. Avec une botte secrète qui a forgé sa réputation de bretteur invincible, il assure la protection de son tuteur…

Tuer met fidèlement en images l’adaptation d’un roman de Renzaburō Shibata faite par Kaneto Shindō, le réalisateur de L’Île nue (Hadaka no shima, 1960) et de Onibaba (1964). Shingo est interprété par Raizō Ichikawa (1931-1969), célèbre pour les quelques 150 rôles qu’il tint avant d’être fauché par le cancer à 38 ans. Ce film, remarquable pour sa poésie soutenue par la partition originale d’Ichirō Saitō (La Vie d’O’Haru, femme galante / Saikaku ichidai onna, Kenji Mizoguchi, 1952), en est à sa quatrième édition vidéo en France. Celle-ci est la première en Ultra HD après une restauration qui met en valeur toute la beauté de la photographie de Shōzō Honda derrière la caméra de cinq autres films de Kenji Misumi.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Le Sabre (Ken, 1964, noir et blanc, 2.35:1, 95 minutes). Kokubu, élu capitaine du club de kendō de l’université de Tōwa, pratique cette discipline comme un sacerdoce. Mibu, un nouveau membre du club, est en admiration devant Kokubu, et pousse le fétichisme jusqu’à l’imiter dans sa manière de vivre, austère et décalée…

Le Sabre, l’adaptation d’une nouvelle de Yukio Mishima publiée en 1963, montre l’engagement exclusif d’un étudiant en vue d’atteindre la perfection dans la pratique du kendō, une discipline de sabre. Une histoire emblématique de l’obsession de Mishima à défendre à tout prix les valeurs traditionnelles du Japon d’avant-guerre. Kobuku est incarné par Raizō Ichikawa.

La Lame diabolique (Ken ki, 1965, couleurs, 2.35:1, 83 minutes). La rumeur court que le père de Hanpei était le chien qu’aimait follement sa mère, morte peu après l’avoir mis au monde. L’homme qui l’a recueilli lui conseille de résister aux brimades en acquérant une compétence exceptionnelle. Hanpei, qui peut battre un cheval à la course, pedibus cum jambis, se spécialise dans la culture des fleurs et entre au service d’un suzerain fou. Mais, en observant un samouraï en retraite, il devient un redoutable expert du katana…

À la frontière du fantastique, le scénario de La Lame diabolique est l’adaptation d’un roman que venait de publier Renzaburō Shibata (1917-1976), auteur de nombreux romans historiques qui ont inspiré une vingtaine de films, dont une douzaine autour du personnage de Nemuri Kyōshirō, dont le rôle fut tenu par Raizō Ichikawa. Tuer, Le Sabre et La Lame diabolique forment ce qu’on a appelé La Trilogie du sabre qu’avait éditée Wild Side Video en 2005. On retrouve dans ce film l’excellente contribution à la beauté des images de Chikashi Makiura, chef-opérateur de La Légende de Zatōichi : Le Masseur aveugle et Le Sabre.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Présentation - 4,5 / 5

Kenji Misumi : La Lame à l’oeil contient quatre films en 4K UltraHD d’une durée cumulée de 345 minutes) supportés par un Blu-ray BD-100 et trois Blu-ray BD-66 logés dans un Digipack à cinq volets, glissé dans un étui, non fourni pour le test, effectué sur check discs.

Les films sont proposés dans leur langue originale, le japonais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

À l’intérieur du coffret, un livret de 52 pages, intitulé Kenji Misumi - La Lame à l’oeil, en quatre films, écrit par Robin Gatto (spécialiste du cinéma japonais, auteur de Hideo Gosha, cinéaste sans maître - 2 tomes), s’ouvre sur les liens entre ces « quatre films (…) d’un cinéma de studio nippon dont les qualités esthétiques brouillent subtilement les frontières entre le divertissement et la polémique notion de réalisateur-auteur, un statut généralement dénié aux artisans de l’industrie du cinéma ». Il retrace le parcours de Kenji Misumi avec la Daiei, suit les Évolutions du film en costumes nippon (gendai-geki), devenu plus sombre après la guerre, notamment avec le sous-genre zankoku-mono (contes cruels sur les us et coutumes liés au Bushidō). Vient ensuite une analyse de chacun des quatre films, replacés dans leur environnement historique, le bouleversement entraîné par la guerre et la remise en cause des valeurs traditionnelles. Le livret, joliment illustré de photos des films, d’une photo de plateau et d’une reproduction d’affiche, se referme sur la filmographie de Kenji Misumi, réalisateur de quelques 70 films de 1954 à 1974.

Est simultanément sortie une édition sur quatre Blu-ray BD-50 avec les mêmes bonus vidéo.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Bonus - 4,5 / 5

Avec La Légende de Zatoichi : Le Masseur aveugle :

La naissance du mythe : entretien avec Fabien Mauro (30’). Pendant l’âge d’or du cinéma japonais arrivent la télévision et l’invasion des séries. En réaction, le studio Daiei, qui n’a qu’un petit réseau de salles, décide de produire des films sérialisés et propose Zatōichi à Misumi avec l’acteur Shintaro Katsu, pour créer une nouvelle représentation du chanbara. Le succès commercial entraînera une série de 25 films et relancera le thème du héros handicapé, au Japon et à Hong Kong.

Présentation du film par Takachi Miike (3’, japonais, sous-titré). L’austère Zatōichi était une nouveauté dans le cinéma japonais.

Le guerrier handicapé : un grand mythe du cinéma martial (2004, Wild Side Vidéo, 14’). Le premier personnage, Sazen Tange, borgne et manchot, créé en 1927 par le romancier Kaitaro Hasegawa apparaît sur les écrans dans les années 30, puis dans des mangas et des séries télévisées. Une autre création littéraire prendra la relève dans les années 60, Zatōichi, associé à l’acteur Shintaro Katsu, déjà connu pour de nombreux rôles importants. Aux 26 films s’ajouteront une série d’une centaine d’épisodes, une version féminine, Mekorano Oichi, lancée par la Shoshiku en 1969, puis les aventures de samouraïs borgnes ou muets produites par les Shaw Brothers à Hong Kong…

Avec Tuer :

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Un chanbara poétiquement affûté : entretien avec Fabien Mauro (27’). Il souligne les similitudes entre le film et la biographie de l’acteur Raizō Ichikawa et du réalisateur. Kenji Misumi, entré à la Daiei comme assistant-réalisateur, réalise en 1954 son premier film, un chanbara, Tange Sazen: Kokezaru no tsubo, qui fut un grand succès commercial. C’est là qu’il fit sa rencontre décisive avec Raizō Ichikawa, formé au kabuki. Kaneto Shindō a donné une nature de « poème lyrique et abstrait (…) à l’histoire d’un héros prisonnier de son destin ».

Kenji Misumi, au fil du sabre : documentaire (2004, 32’, japonais, sous-titré). L’actrice Shiho Fujimaran, le chef-opérateur et l’assistant-réalisateur évoquent leur rencontre et leur collaboration avec Kenji Misumi, le cinéma japonais de cette époque, le statut d’obayun dont jouissait Misumi à la Daiei, son sens du cadrage, son goût pour l’hémoglobine, pour les histoires sombres…

Avec Le Sabre :

Conte cruel du Bushidō : entretien avec Fabien Mauro (23’). La Daiei est le studio qui a adapté les oeuvres de Mishima, notamment Le Pavillon d’or (Enjō), réalisé par Kon Ichikawa en 1958. Raizō Ichikawa incarne intensément le héros en quête d’absolu. Derrière le respect, parfois textuel, de la nouvelle, Misumi « dynamite » la pensée de Mishima. Les deux personnages principaux incarnent deux Japons opposés, contemporain et traditionnel. Un « diamant noir ».

Avec La Lame diabolique :

Les grands malheurs du pouvoir : entretien avec Fabien Mauro (21’). Hanpei est inspiré du personnage de Toshiō Nimuri, conçu pendant une messe noire. Le scénario en fait « un homme bon contaminé par le sabre ». La Lame diabolique devait inaugurer une série de plusieurs films avec le personnage de Hanpei, un projet que son échec commercial fit abandonner. Mais le film eut une réelle influence à Hong Kong.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio originel de 2.35:1, réencodée au standard HEVC - HDR 10 après de récentes restaurations, méticuleusement débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, affiche une remarquable résolution, avec la préservation d’un grain fin et homogène, peut-être affiné pour tirer profit des avancées offertes par l’Ultra HD, mais sans dénaturation de la texture du 35 mm. Un soin particulier à été accordé à l’étalonnage pour donner, entre des blancs lumineux et des noirs denses, un fin dégradé de gris et des couleurs naturelles.

Kenji Misumi : La Lame à l'oeil

Son - 4,5 / 5

Le son mono d’origine, réencodé au standard DTS-HD Master Audio 2.0, lui aussi d’une impeccable propreté, pratiquement sans souffle, restitue les dialogues avec clarté et l’accompagnement musical avec la finesse attendue, sans saturations. Une bonne dynamique contribue au réalisme de l’ambiance.

Crédits images : © Droits réservés

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 16 février 2024
Ce coffret édité par The Jokers propose quatre films Kenji Misumi, porte-drapeau du renouveau du chanbara (film de sabre) au début des années 60. Pour la première fois disponibles en 4K Ultra HD, après une exemplaire restauration, ils sont accompagnés d’analyses inédites par deux spécialistes du cinéma japonais. Un bel objet de collection !

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