Concerning Violence (2014) : le test complet du DVD

Ce montage d’archives filmées par des journalistes suédois de 1966 à 1974 en Afrique, au moment où les colonies des pays européens allaient conquérir leur indépendance, est accompagné par la lecture de passages du livre de Frantz Fanon publié en 1961, Les Damnés de la terre.

Concerning Violence, sous-titré  » neuf scènes de la légitime défense anti-impérialiste « , propose, en près d’une heure et demie, quelques reportages sur la décolonisation de plusieurs pays d’Afrique : l’Angola, la Rhodésie devenue le Zimbabwe, la Guinée-Bissau, le Burkina Faso, le Libéria, la Tanzanie, le Mozambique. À l’exception d’un entretien avec un colon de Rhodésie s’apprêtant à quitter le pays, la parole a été donnée aux autochtones et aux mouvements de libération, parfois suivis dans leurs affrontements.

Göran Hugo Olsson avait réalisé en 2011 The Black Power Mixtape, le montage d’archives, elles aussi filmées par des journalistes suédois, sur le mouvement Black Power aux États-Unis.

Des citations du livre de Frantz Fanon, publié au moment où la leucémie allait l’emporter, accompagnent la projection de Concerning Violence. Ils sont lus par la chanteuse Lauryn Hill en même temps qu’ils s’affichent en énormes caractères sur l’écran, dans un martèlement qui devient vite agaçant.

Concerning Violence souligne, avec force (et parfois avec d’insoutenables images), l’injustice de la colonisation créant deux mondes, celui des villes où vivent confortablement les Européens, celui des bidonvilles où s’entassent les colonisés placés dans une situation d’infériorité statutaire. Il montre aussi le pillage des ressources naturelles. Tout cela convainc sans peine de l’inévitabilité des mouvements d’indépendance et de l’inanité de la résistance qui leur fut opposée.

Les citations de Fanon sont souvent des invocations appelant à la naissance d’un ordre nouveau, d’un monde meilleur qui naîtra de l’abolition de la colonisation. Force est de constater, plus d’un demi-siècle après la parution des Damnés de la terre, que l’indépendance est loin d’avoir mis fin aux injustices, aux violences et à la misère qui sévissent encore dans bien des états africains.

Test effectué sur check disc. Le DVD est proposé dans un digipack, à l’instar des éditions récentes de Blaq Out. Le menu fixe et musical propose le documentaire de 85 minutes dans sa version originale multilingue où l’anglais domine, avec sous-titres français imposés.

Le disque est accompagné d’un bon pour location VOD du documentaire The Black Power Mixtape (2011, 90’) et d’un livret avec les textes de Frantz Fanon (tiré de Les damnés de la terre), non fourni pour le test.

En supplément vidéo, un entretien de 13 minutes en anglais, dans lequel Göran Hugo Olsson explique avoir voulu éliminer du documentaire toute référence à l’actualité, le recul d’une cinquantaine d’années donnant au propos plus d’universalité.

Suit un entretien de 25 minutes en français avec Pierre Bouvier, socio-anthropologue. Il rappelle la vie de Frantz Fanon : il naît à la Martinique en 1925, s’engage à 20 ans dans la campagne de France, obtient un diplôme de psychiatrie à Lyon, puis s’engage dans un soutien au FLN. Après Peau noire, masques blancs (1952), il publie Les Damnés de la terre, manifestement desservi par la préface de Jean-Paul Sartre qui tend à réduire le livre à une apologie de la violence, unique moyen d’émancipation des populations colonisées. Alors que l’ouvrage analyse les effets de la colonisation, en démonte les rouages, met en épingle le relais assuré par la petite bourgeoise ou les leaders autochtones pour maintenir l’oppression des plus pauvres…

L’image (1.33:1, couleurs et noir et blanc), avec des variations d’une archive à l’autre, est, dans l’ensemble, d’une qualité tout à fait acceptable.

Même constat pour le son des archives. Les commentaires récents, les citations par Lauryn Hill et l’accompagnement musical sont d’une clarté irréprochable. Entre les deux formats proposés, Dolby Digital 2.0 et 5.1, pas vraiment de différence, les enceintes surround restant pratiquement muettes.

Crédits images : © Happiness