La Vie privée de Sherlock Holmes (1970) : le test complet du DVD

The Private Life of Sherlock Holmes

Édition Collector

Réalisé par Billy Wilder
Avec Robert Stephens, Colin Blakely et Geneviève Page

Édité par L'Atelier d'Images

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Le 05/06/2018
Critique

La Vie privée de Sherlock Holmes

Un fiacre s’arrête au 221b Baker Street. En descendent le docteur Watson et Sherlock Holmes qui vient de confondre dans le Yorkshire l’assassin de l’amiral Abernetty… en mesurant la profondeur d’immersion du persil dans du beurre par temps chaud ! Peu après, un conducteur de fiacre dépose à Baker Street une jeune femme amnésique qu’il vient de repêcher dans la Tamise. Elle dira, sa mémoire revenant, s’appeler Gabrielle Valladon, venir de Bruxelles à la recherche de son mari dont elle n’a plus de nouvelles. La vérité ne sera révélée que beaucoup plus tard, à la lecture du journal de Watson, enfermé dans un coffre à n’ouvrir que cinquante ans après sa mort…

La Vie privée de Sherlock Holmes a été réalisé en 1970, entre deux comédies avec Jack Lemmon, La Grande combine (The Fortune Cookie, 1966) et Avanti ! (1972). Encouragé par le succès de ses films, depuis Certains l’aiment chaud, le producteur Walter Mirisch n’a pas lésiné sur les moyens alloués à l’ambitieux projet d’un roadshow movie, un format de film d’une longueur exceptionnelle, avec entracte, à la manière des Autant en emporte le vent, Cléopâtre et autres Ben-Hur.

Intéressé depuis longtemps par le personnage de Sherlock Holmes, Billy Wilder voulait, comme le titre choisi le confirme, creuser la personnalité du fin limier. Pas seulement souligner sa science de la déduction (ce qu’il fait avec ironie dès l’ouverture du film), mais aussi ses travers, sa misanthropie, son arrogance, son penchant pour la cocaïne, les incertitudes sur son orientation sexuelle… Le scénario, coécrit avec I.A.L. Diamond (l’un des douze qu’ils ont créés de conserve), est un modèle de l’humour délicatement osé avec lequel Billy Wilder pouvait aborder toutes les situations, voire les plus scabreuses.

La Vie privée de Sherlock Holmes

La Vie privée de Sherlock Holmes, dans son premier montage, fidèle au scénario de 260 pages, racontait quatre enquêtes originales de Sherlock Holmes et durait près de quatre heures. Jusqu’à ce que le producteur, sourd aux protestations de Billy Wilder, demande au monteur Ernest Walter de le réduire à la durée, plus exploitable, de deux heures. L’essentiel du métrage écarté a disparu, sauf l’histoire d’une enquête conduite par le docteur Watson à bord d’un paquebot que L’Atelier d’Images a eu la bonne idée d’inclure dans les bonus de cette édition, avec la lecture de nombreuses pages du scénario accompagnée de photos, le tout donnant une idée concrète de ce qu’aurait pu être le film tel que l’avait souhaité Billy Wilder.

L’accompagnement musical, le Concerto pour violon et orchestre de Miklós Rózsa, adapté et interprété par le compositeur à la tête du Royal Philharmonic Orchestra, outre qu’il évoque la passion de Sherlock Holmes pour l’instrument, s’harmonise à l’ambiance du film.

Les rôles principaux de La Vie privée de Sherlock Holmes furent confiés à des acteurs expérimentés, mais peu connus : Robert Stephens incarne le détective et Colin Blakely est probablement le meilleur interprète du docteur John H. Watson. Pour leur donner la réplique, dans le rôle de Mycroft Holmes, le frère aîné de Sherlock, Christopher Lee, auréolé de la gloire acquise dans les productions Hammer Films depuis Le Cauchemar de Dracula (Dracula, Terence Fisher, 1958). On remarque aussi la française Geneviève Page (Belle de jour) dans le rôle de Gabrielle Valladon.

La Vie privée de Sherlock Holmes, longtemps sous-estimé par la critique, est maintenant apprécié à sa juste valeur, placé au rang des meilleurs films de Billy Wilder, pour l’originalité de son scénario, la finesse et l’acuité de ses dialogues, pour la beauté des décors victoriens de celui qui fut le directeur artistique de huit de ses films, notre compatriote Alexandre Trauner (Les Enfants du Paradis).

La Vie privée de Sherlock Holmes

Présentation - 3,5 / 5

La Vie privée de Sherlock Holmes (125 minutes) et ses suppléments (165 minutes) tiennent sur deux DVD-9, l’un avec le film et la bande-annonce, l’autre avec les bonus, logés dans un boîtier non fourni pour le test, effectués sur check discs.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, placés un peu trop haut sur l’image, ou dans un doublage en français, les deux au format Dolby Digital 1.0.

Sort simultanément une édition Blu-ray avec le même contenu, sur un seul disque.

Bonus - 4,5 / 5

Scènes coupées (50’). Le long prologue d’origine (33’) fait défiler les pages du scénario initial, avec des photos, et l’on peut ensuite, soit écouter l’enregistrement de dialogues, soit voir des scènes tournées, retrouvées en 1994. À Londres, en 1971, un certain Watson, vétérinaire au Canada, vient chercher dans une banque une boîte que son grand-père y avait déposée, à n’ouvrir que 50 ans après sa mort. Il confie vouloir changer de nom, lassé de s’entendre dire trop souvent « Élémentaire, mon cher Watson ! ». La boîte est ouverte et Watson, le directeur de la banque et son adjoint commencent l’inventaire de son contenu… jusqu’à la découverte d’un épais manuscrit. À la lecture des premières pages, des images apparaissent sur l’écran. Plus tard, entre Lestrade qui emmène Holmes et Watson sur une étrange scène de crime : un appartement sens dessus-dessous, dans lequel tous les meubles sont… au plafond ! Puis, viennent d’autres pages du scénario décrivant des scènes perdues, montrant d’autres retrouvées, celles d’un apparent double meurtre commis sur un paquebot cinglant vers Malte.

Christopher Lee : Mr. Holmes, Mr. Wilder (2003, 15’). Christopher Lee, qui a interprété trois fois Sherlock Holmes (Sherlock Holmes und das Halsband des Todes , en 1962, Sherlock Holmes and the Leading Lady, en 1991 et Sherlock Holmes: Incident at Victoria Falls, en 1992), évoque le personnage, agressif, arrogant, « expert en tout », musicien, mais, par-dessus tout, brillant. Ce qui ne l’empêchait pas de reconnaître que son frère Mycroft était « le cerveau de la famille ». Christopher Lee estime que ce film a modifié le cours de sa carrière.

Élémentaire mon cher Wilder (2018, L’Atelier d’Images, 13’). Jérôme Wybon, documentariste spécialisé dans le cinéma, rappelle que Billy Wilder avait projeté, dès 1957, de monter une comédie musicale à Broadway sur Sherlock Holmes, pour le centenaire de la naissance de Conan Doyle, montrant le côté sombre du personnage. Le tournage de La Vie privée de Sherlock Holmes, prévu sur treize semaines, s’est étiré sur 29 semaines, entraînant un spectaculaire dépassement du budget. Le film, aujourd’hui réévalué, fut un échec commercial et critique.

Entretien avec le monteur Ernest Walter (29’). Le monteur de La Vie privée de Sherlock Holmes se souvient qu’I.A.L. Diamond, à la demande de Billy Wilder, restait sur le plateau, le scénario à la main, pour interrompre la prise à chaque fois qu’un acteur ne se tenait pas strictement à ce qui était écrit. Il fut décidé, le tournage terminé, de faire des coupes sombres dans les quatre histoires originales, La curieuse affaire de la pièce à l’envers, La singulière affaire de la ballerine russe, L’aventure du détective abasourdi et L’horrible histoire des jeunes mariés nus. La première et la quatrième histoire disparurent et, avec cette dernière, les décors ruineux d’un paquebot grandeur nature !

La Vie privée de Sherlock Holmes

Fin alternative inédite (1’25”) dont il reste seulement l’enregistrement des dialogues : Lestrade se présente au 221b Baker Street pour requérir l’aide de Sherlock Holmes pour un meurtre probablement commis par un certain Jack l’éventreur. Watson lui répond que Holmes est actuellement pris par une autre affaire. En réalité, il est en train de se shooter à la cocaïne !

Making of inédit (Billy Wilder, Bericht über einen Hollywood-Regisseur, 1970, 52’), un reportage de Peter Gehrig (en allemand, sous-titré). Certains ont dépeint Billy Wilder comme « un cerveau hérissé de lames de rasoir » ou comme « le Raspoutine du celluloïde »), pour souligner son exigence de la perfection, l’attention qu’il portait à la direction des acteurs, à la rigueur du scénario, au placement de la caméra, au tournage de plans longs… On le voit dire sa conception du cinéma : « Il y a deux théories sur la manière de faire un film : prendre une histoire très compliquée (…) et en faire une histoire populaire et un succès (…). Ou la mienne : je prends une histoire la plus simple au monde (…) et je fouille les personnages, je cherche à nuancer, à brouiller les frontières entre ombre et lumière ». Son sens de l’humour est mis en avant à plusieurs reprises, dans sa vision de la Nouvelle Vague : « Un suspect dit qu’à l’heure du crime, il était au cinéma où il a vu L’Année dernière à Marienbad. Pour tester son alibi, les policiers lui ont demandé de raconter l’histoire… Et le malheureux est toujours en prison. » Ou, sur un autre registre, quand, chargé par sa femme de lui ramener de Paris un bidet, il lui envoie un télégramme : « Pas trouvé de bidet STOP Te conseille de faire le poirier sous la douche STOP ». Billy Wilder insiste lourdement sur l’importance de « l’histoire », ce qui l’amenait à de fréquentes altérations du scénario pour l’adapter du mieux possible aux acteurs. On le voit avec I.A.L. Diamond (que certains qualifiaient de secrétaire à 50 000 dollars) retoucher minutieusement scénario et dialogues. Puis discuter, en allemand, avec Alexandre Trauner, avec l’apparition d’un plan surréaliste d’une rue de Londres… en plein milieu d’un champ ! Un remarquable complément au film !

Présentation d’Eddy Mitchell dans « La dernière séance » (2’).

Pour finir, la bande-annonce.

La Vie privée de Sherlock Holmes

Image - 3,0 / 5

L’image 2.35:1, bien que soigneusement nettoyée, déçoit avec une netteté affectée par une douceur excessive, un étalonnage des couleurs aléatoire, des noirs manquant de densité, occasionnellement verdâtres, et un manque assez fréquent de stabilité, par exemple à 44’.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 1.0 s’en sort nettement mieux : propre, avec un souffle réduit, il restitue les dialogues avec clarté et donne à la partition de Miklós Rózsa, sur la seule voie centrale, une aération et une ampleur très satisfaisantes.

Ces appréciations valent pour le doublage en français, un peu monotone.

La Vie privée de Sherlock Holmes

Crédits images : © L’atelier d’images

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 5 juin 2018
La Vie privée de Sherlock Holmes, longtemps sous-estimé par la critique, maintenant apprécié à sa juste valeur, placé au rang des meilleurs films de Billy Wilder, nous revient dans une édition complétée de remarquables bonus.

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