Réalisé par Siew Hua Yeo
Avec
Peter Yu, Xiaoyi Liu et Yue Guo
Édité par Epicentre Films
À Singapour, dans un chantier d’aménagement du littoral, l’inspecteur de police Lok enquête sur la disparition de Wang, un travailleur immigré chinois. Après dix jours de recherche, toutes les pistes amènent Lok dans un cyber-café nocturne tenu par Mindy, une fascinante jeune femme que Wang fréquentait pour lutter contre ses insomnies et sa solitude. Lok découvre que Wang s’était lié d’une amitié virtuelle avec un mystérieux gamer.
Les Étendues imaginaires (Huan tu) est le deuxième long métrage du jeune réalisateur singapourien Siew Hua Yeo, après In the House of Straw, un film expérimental uniquement sorti à Singapour en 2009.
Les Étendues imaginaires, présenté dans de nombreux festivals, a été salué par plusieurs prix, dont le Léopard d’or au Festival du film de Locarno en 2018 et le Golden Horse au Festival de Taipei en 2019, distribué à Taiwan en décembre 2018, puis en mars en 2019 en France, en avril aux Pays-Bas, en juin en Belgique.
Entre rêve et réalité
Les Étendues imaginaires sont ces pays dont le sable est importé, le Viêt Nam, le Cambodge, le Bengladesh, la Malaisie, que Wang et Mindy, quand ils se promènent sur la plage, peuvent visiter, sans passeport ni visa, sans même avoir à monter à bord d’un avion ou d’un bateau.
Le scénario s’ouvre sur la recherche de Wang dont la disparition a été signalée à la police. Il apparaîtra, ensuite, dans un long flashback à l’issue duquel on sait bien qu’on ne le reverra pas. Cette construction, parfois déroutante, contribue à l’étrangeté d’un film mystérieux, empruntant les codes du Film noir, mais en y ajoutant une confusion entre la réalité et… l’imaginaire, celui d’un rêve de l’inspecteur Lok. Une confusion, aussi, entre la vraie vie et la « réalité virtuelle » des jeux vidéo auxquels s’adonne Wang, au long de ses nuits d’insomnie, dans le cybercafé dans lequel il communique avec un mystérieux correspondant. Presque tout le récit se déroule la nuit, en un temps propice au rêve…
Un documentaire caché dans une intrigue policière
Les Étendues imaginaires, sans aucun discours, affiche clairement sa dimension sociale, fustige la condition faite aux travailleurs étrangers constituant (à 99,9%, nous dit le réalisateur dans l’entretien joint en bonus) la main d’oeuvre qui contribue à l’extension du territoire de Singapour, un des pays les plus riches de la planète. Les travailleurs immigrés sont mal payés, entassés chez des marchands de sommeil sur des lits superposés dans des chambres étroites, leur passeport confisqué pour qu’ils ne puissent quitter le pays sans l’accord de leur employeur. Wang transporte désormais des travailleurs bangladais du chantier à leur abri depuis qu’il a un bras dans le plâtre après un accident de travail, pour un salaire réduit de moitié.
Les Étendues imaginaires, avec la belle photographie, deux fois primée (à Valladolid et à Brisbane), du chef opérateur japonais Hideho Urata, est une oeuvre si originale, si inattendue, qu’elle nous donne envie de connaître la suite, de découvrir le prochain film auquel Siew Hua Yeo nous dit travailler dans l’entretien qui complète cette édition.
Les Étendues imaginaires (91 minutes) et ses suppléments (14 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un digipack.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en mandarin, anglais et bengali, au format audio Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo, avec sous-titres optionnels, en français ou anglais, bien placés au bas du cadre.
Entretien avec le réalisateur Siew Hua Yeo (11’, en anglais, sous-titré). L’idée du film lui vint de son attachement à Singapour dont les territoires gagnés sur la mer ont augmenté la superficie de plus de 25% grâce au travail d’immigrés qui ne pourront y trouver leur place. Il a utilisé les codes du Film noir, sous la pluie, pendant la mousson et, par ses choix de distribution, voulu montrer la diversité ethnique de Singapour. La musique, en rendant compte de cette diversité, doit aussi souligner la dimension onirique du film. Le thème du prochain film sera la surveillance à laquelle les citoyens de Singapour sont soumis.
Entretien avec l’actrice Yue Guo (3’). Elle a été appelée par Siew Hua Yeo sur la recommandation de deux producteurs. Le proverbe chinois « combat la rudesse par la douceur » l’a aidée à appréhender le personnage de Mindy qui doit imposer son autorité à des hommes.
Bande-annonce.
Pour finir, une biographie de Siew Hua Yeo en quelques lignes et une galerie de photos.
L’image digitale (2.35:1), d’une texture délicate, propose, en alternance, les couleurs acidulées du cybercafé éclairé au néon, et celles des chantiers, estompées sous des ciels couverts et sous la pluie. Agréablement contrastée, avec des noirs denses, elle assure une parfaite lisibilité de toutes les nombreuses scènes de nuit.
Le son Dolby Digital 5.1 (ou 2.0 stéréo, au choix) est propre, dans un bon équilibre entre l’intéressant accompagnement musical et les dialogues. Une trop discrète utilisation des canaux latéraux cantonne l’image sonore dans le plan frontal.
Crédits images : © Epicentre Films