Vivre dans l'Allemagne en guerre (2019) : le test complet du DVD

Réalisé par Jérôme Prieur

Édité par ARTE ÉDITIONS

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Le 04/05/2021
Critique

La vie en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, loin du front, recréée par la lecture de lettres, de journaux intimes et des films d’amateurs.

À partir de quelques journaux intimes et de lettres qui nous font entendre la voix des civils allemands, pour l’essentiel des femmes, à travers les images surprenantes des films amateurs tournés au fil des jours et des saisons, le documentaire de Jérôme Prieur montre comment la Seconde guerre mondiale a été vécue en Allemagne, loin du front, avant que le pays ne devienne une citadelle assiégée. Ces destins individuels nous plongent à l’intérieur du pays mis au pas par les nazis, dans la chronique ordinaire de la catastrophe de 1938 à 1945, de l’euphorie collective des premières conquêtes au déluge des bombes alliées, de la soumission à la colère, du crépuscule au désastre de l’Allemagne.

Vivre dans l’Allemagne en guerre, inspiré du livre La Guerre allemande (The German War: A Nation Under Arms, 1939-1945) publié en 2015 par Nicholas Stargardt, est l’oeuvre du romancier et essayiste Jérôme Prieur, auteur et réalisateur de nombreux documentaires, parfois coréalisés avec Gérard Mordillat, sur la littérature et l’histoire, ancienne et contemporaine.

Hélène Berr : Une jeune fille dans le Paris occupé, salué en 2014 par le Prix du meilleur documentaire français décerné par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de télévision, est une de ses oeuvres autour de la seconde guerre mondiale, une période qui l’a particulièrement intéressé. Il est l’auteur d’autres documentaires sur ces temps troublés : Le Mur de l’Atlantique : Monument de la collaboration + Dieppe : 19 août 42, respectivement sortis en 2010 et 2012, Le Procès Barbie (Lyon - 11 mai/4 juillet 1987), sorti en 2011, Les Jeux de Hitler, Berlin 1936, sorti en 2016, Ma vie dans l’Allemagne d’Hitler, en deux épisodes, La conquête du pouvoir et La mise au pas, sorti en 2018 et Occuper l’Allemagne - 1918-1930, sorti en 2019, en bonus de cette édition.

Vivre dans l’Allemagne en guerre, également divisé en deux parties de 52 minutes chacune, Le Crépuscule : 1938-1942 et L’Abîme : 1942-1945, rassemble une suite de témoignages, extraits de lettres, de journaux intimes, consignés par deux femmes journalistes, une fleuriste, un homme exclu de l’armée parce qu’il avait épousé une Juive, une mère de famille nombreuse dont les enfants vivent aux USA… Révolte contre les exactions commises par le régime nazi ou louanges de ses accomplissements vers un futur enchanteur, ces écrits personnels, accompagnés par des extraits de films de famille, contribuent à l’originalité de ce nouveau compte-rendu de la guerre, perçue par des civils allemands.

Vivre dans l’Allemagne en guerre souligne le soutien au Troisième Reich de « l’immense majorité » éprouvée par une terrible crise économique et par l’humiliation infligée par le traité de Versailles, rappelée dans le documentaire Occuper l’Allemagne - 1918-1930. Le rêve d’une prospérité millénaire (« das tausendjährige Reich ») séduisait facilement le peuple, intoxiqué par la propagande officielle. Mentionner, même dans un journal personnel, des idées divergentes exposait son auteur aux foudres de la dictature. Désinformation et flatterie de l’orgueil national aidaient à faire avaler les pires mensonges, comme le prétendu martyre subi par les Sudètes pour justifier l’annexion de la Tchécoslovaquie qui laissa l’Europe impassible. Cette croyance aux promesses a résisté aux pires réalités : plus d’un Allemand a cru jusqu’au bout à la prochaine victoire du Reich, encore claironnée par Joseph Goebbels dans le bunker où il s’était terré sous les ruines de Berlin, à l’occasion de l’anniversaire du Führer, dix jours avant l’annonce officielle de « sa mort en héros », son suicide, le 30 avril 1945.

Vivre dans l’Allemagne en guerre montre le prix qu’ont payé les Allemands, horriblement illustré par les cadavres gonflés, pourrissant dans un champ de ruines, par les survivants hagards, frigorifiés, en haillons, à la recherche d’eau et de nourriture. Et pourtant, l’un des témoins dira : « Nous avons perdu la guerre. Mais, si nous l’avions gagnée, tout serait pire ! »

Vivre dans l'Allemagne en guerre

Présentation - 3,0 / 5

Vivre dans l’Allemagne en guerre (104 minutes) et son supplément (63 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier épais de 14 mm, glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le documentaire dans sa version originale, en français, et dans un doublage en anglais, les deux au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo.

Sous-titres pour malentendants.

Bonus - 4,0 / 5

Occuper l’Allemagne - 1918-1930 (63’, Roche Productions, ECPAD, Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, 2019, 1.78:1, DD 2.0 stéréo). « J’ai voulu comprendre comment, en occupant l’Allemagne, la France avait joué avec le feu », prévient Jérôme Prieur. L’occupation par 300 000 Français de la Rhénanie visait, selon son coordinateur, Paul Tirard, à « la pénétration pacifique » de cette province, française au temps de Louis XIV, en y imposant le couvre-feu, parmi d’autres sévères restrictions, et le paiement d’une dette de 132 milliards de marks or, pour toute l’Allemagne. Le 7 avril 1920, à Francfort, des troupes coloniales, se sentant menacées par la foule, tuent une dizaine de personnes et en blessent une trentaine. Cet incident attisa la haine des Français et de vives tensions. La concentration des troupes d’occupation dans la Ruhr, poumon industriel de la région, et la saisie des stocks de charbon et de minerai de fer déclenchèrent une grève générale et des attentats. La crise économique et l’usage immodéré de la « planche à billets » précipitèrent la dévaluation vertigineuse du mark (un dollar valait 1,1 million de marks le 1er août 1923, 13 millions le 4 septembre, puis 42 000 milliards le 30 novembre !), entraînèrent de longues files d’attente devant les rares magasins encore ouverts, suscitèrent des pillages et créèrent un terreau fertile pour la floraison des idées de l’extrême-droite. En 1936, six ans après la fin de l’occupation, Hitler envoyait des troupes armées en Rhénanie, sans réaction des alliés, donnant ainsi le signal de la marche vers la guerre. « Sait-on jamais ce qui peut sortir de l’humiliation et de la colère ? », conclut Jérôme Prieur.

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio 1.78:1, des plans, tournés en 2019, de paysages, de photos ou de lettres, sont irréprochables. L’essentiel du métrage est fait d’archives filmées, aux ratios divers, notamment d’extraits de films d’amateurs, dont la primeur compense les occasionnelles déficiences techniques.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo assure la clarté des textes lus, du bruitage des archives filmées et délivre avec finesse la composition originale de Marc-Olivier Dupin, interprétée au piano par Joseph Birnbaum.

Crédits images : © Roche Productions, ECPAD

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 4 mai 2021
Vivre dans l’Allemagne en guerre montre le prix qu’ont payé les Allemands, horriblement illustré par les cadavres gonflés, pourrissant dans un champ de ruines, par les survivants hagards, frigorifiés, en haillons, à la recherche d’eau et de nourriture. Et pourtant, l’un des témoins dira : « Nous avons perdu la guerre. Mais, si nous l’avions gagnée, tout serait pire ! »

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