La Cacophonie du Donbass (2018) : le test complet du DVD

The Cacophony of Donbas

Réalisé par Igor Minaev

Édité par Rimini Editions

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Le 04/07/2022
Critique

La propagande a caché la rude vie des mineurs du Donbass. Le dévoilement de la vérité a transformé une symphonie en cacophonie.

La Cacophonie du Donbass

En 1930, Dziga Vertov tourne La Symphonie du Donbass, un film de propagande soviétique vantant les vertus d’ouvriers modèles, heureux de travailler pour la patrie. La réalité est évidemment tout autre : misère, exploitation, alcoolisme sont le lot quotidien des mineurs du Donbass.

La Cacophonie du Donbass (Какофонія Донбасу), sorti dans nos salles en mars 2019, est un documentaire du cinéaste ukrainien Igor Minaiev, né en 1954. Installé en France depuis plus de trois décennies, enseignant à la Fémis, il est l’auteur d’une dizaine de films, dont les deux premiers, Mars froid (Kholodnyy mart, 1988) et Rez-de-chaussée (Pervyy etazh, 1990) furent sélectionnés à Cannes pour la Quinzaine des réalisateurs. Loin de Sunset Boulevard (Daleko ot Sanset Bulvara, 2005), distribué en France en mars 2008, a également été édité en vidéo.

La Cacophonie du Donbass fut réalisé en 2018, bien avant que la Russie n’engage, le 24 février 2022, toutes ses armées dans une offensive contre l’Ukraine, une initiative hypocritement baptisée « opération militaire spéciale », supposée protéger le peuple des exactions de néonazis. Mais la guerre du Donbass avait été déclenchée dès 2014, avec l’appui militaire de la Russie, par des séparatistes pro-russes, nombreux dans cette partie orientale de l’Ukraine majoritairement russophone, et avait donné lieu à l’annexion de la Crimée.

La Cacophonie du Donbass

La Cacophonie du Donbass, après un court survol du bassin minier de l’Ukraine, rappelle que c’est là où fut fabriqué le mythe soviétique de l’héroïsme de la classe ouvrière, mis en images en 1930 par Dziga Vertov, chantre avant-gardiste et surdoué de la propagande soviétique, dans son film La Symphonie du Donbass. Manquait un visage : ce sera celui d’Alekseï Stakhanov qui aurait, le 31 août 1935, extrait en six heures 102 tonnes de charbon, 14 fois la norme, avant d’être exhibé dans toute l’URSS comme un héros, donné en exemple au peuple. Il sombrera dans l’alcoolisme et emportera le secret du mensonge officiel dans sa tombe en mourant dans un asile psychiatrique en 1977.

La Cacophonie du Donbass aligne plusieurs extraits d’archives filmées, en noir et blanc et en couleurs, matérialisant « l’invention d’un monde en carton-pâte où tout était accessible », où les mineurs arrivaient à leur travail dans les voitures les plus chères, emménageaient dans des appartements neufs et bien équipés, se faisaient tailler des vêtements sur mesure dans les meilleurs tissus, tweed pour les hommes, crêpe de Chine et satin pour les femmes… Un monde à l’opposé de la réalité des années 50, quand le salaire moyen était de 700 roubles et le prix d’une miche de pain s’élevait à 1,20 rouble, celui d’un litre de lait à 2,40 roubles et quand des familles de mineurs, détruites par l’alcoolisme, s’entassaient dans des taudis. Ces conditions de vie conduisirent à des grèves dans toute l’URSS, sévèrement réprimées, comme le rappelle l’excellent documentaire-fiction Chers camarades ! (Dorogie tovarishchi, Andrei Konchalovsky, 2020). La contestation persistera pourtant jusqu’à l’importante grève qui provoquera, à partir du 15 juillet 1989, pendant la perestroïka, l’arrêt de l’exploitation de 109 des 121 mines du Donbass et sera vue comme un des signes avant-coureurs du « début de la fin » du régime soviétique.

La Cacophonie du Donbass

La situation inquiétante de l’Est de l’Ukraine avait également été montrée par Sergei Loznitsa dans son film Donbass, sorti en 2018, un « faux documentaire » dans lequel la guerre s’appelle la paix, la propagande est érigée en vérité et la haine prétend être l’amour, devenu, à la lumière des événements récents, le film prémonitoire de la catastrophe à venir.

La Cacophonie du Donbass se termine par le témoignage de victimes de brutalités, dont celui, particulièrement révoltant, d’une femme battue et abusée sexuellement par une dizaine de séparatistes et de miliciens tchétchènes, avant d’être livrée à la vindicte populaire, ligotée, sous les cris de « Allah akbar ». Un avant-goût de ce qui allait suivre en 2022, à plus grande échelle, avec l’invasion de l’armée russe et le pilonnage de plusieurs villes du Donbass, comme Marioupol, détruite à 80%.

La Cacophonie du Donbass

Présentation - 3,0 / 5

La Cacophonie du Donbass (62 minutes) et sa bande-annonce tiennent sur un DVD-5, logé dans un boîtier épais de 14 mm.

Le menu animé et musical propose le film avec un commentaire doublé en français par l’acteur Jean-Louis Garçon. Les films d’archives composant l’essentiel du métrage sont en russe et en ukrainien, avec sous-titres optionnels. Format audio : Dolby Digital 2.0 mono et stéréo.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 12 pages, une reproduction du dossier de presse de la sortie en salles, rappelle l’importance du cinéma dans la propagande du « réalisme socialiste » qui, selon Maxime Gorki, assignait aux artistes « deux rôles, celui d’accoucheur (…) d’un monde et d’un homme nouveaux, conformes à la doctrine communiste, et de fossoyeur, consistant à enfouir la vérité le plus profondément possible ». Pour Igor Minaiev, au fil du temps, « la symphonie du Donbass s’est transformée en cacophonie ». Après la réalité « complètement artificielle » véhiculée par une propagande manipulatrice, le film dévoile la vérité, officiellement révélée au temps de la perestroïka, avec la grève de 1989. Les témoins interrogés par Igor Minaiev avaient fui le Donbass pour se réfugier à Kiev.

La Cacophonie du Donbass

Bonus - 0,5 / 5

Bande-annonce (1’21’).

Image - 4,0 / 5

L’image numérique (1.85:1) contient, dans la première partie du film, de nombreux inserts d’archives filmées, en noir et en couleurs, au ratio de 1.33 ou 1.37:1, beaucoup remontant à la période stalinienne. D’une qualité variable, ces extraits procurent le confort de visionnement espéré.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 2.0 stéréo assure la clarté du commentaire en voice over lu par l’acteur Jean-Louis Garçon. Les commentaires et dialogues des archives, en ukrainien et en russe (mono), sont sous-titrés.

Crédits images : © Trempel Films, Ukrainian State Film Agency

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 5 juillet 2022
La Symphonie du Donbass, tourné par Dziga Vertov en 1930, donnait une image paradisiaque de la vie dans le plus grand bassin minier de l'URSS. Ce documentaire dénonce "l’invention d’un monde en carton-pâte où tout était accessible" et remet les pendules à l’heure en rappelant les dures conditions de vie imposées aux mineurs et la sévère répression de toute tentative de revendication.

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