L'Eden (2022) : le test complet du DVD

Un étonnant premier film venu de Colombie salué par le Grand prix de la Semaine de la Critique, à découvrir par ceux qui ont raté sa sortie.

Eliú, un garçon de la campagne, est incarcéré dans un centre expérimental pour mineurs au coeur de la forêt tropicale colombienne, pour un meurtre commis avec son ami El Mono. Chaque jour, les adolescents effectuent des travaux manuels éprouvants et suivent des thérapies de groupe intenses. Un jour, El Mono est transféré dans le même centre et ramène avec lui un passé dont Eliú tente de s’éloigner.

L’Eden (La Jauría), sorti en mars 2023 dans nos salles où il n’a attiré que 5 000 spectateurs, le premier long métrage du Colombien Andrés Ramírez Pulido, né en 1989, également auteur du scénario original, a été salué à Cannes par le Grand prix de la Semaine de la Critique et le Prix de la SACD.

L’Eden montre des adolescents citadins élevés dans la pauvreté et la violence, tombés dans la délinquance, un thème qui lui avait inspiré deux courts métrages, disponibles en bonus. Formant une meute (« jauría »), les garçons de L’Eden sont contenus, en une sorte de huis clos, dans une hacienda délabrée, au milieu d’une propriété envahie par la végétation, en pleine forêt tropicale. Le scénario nous révèle quelques bribes de leur passé criminel, mais ne nous montre rien des violences qu’ils ont commises.

L’Eden est centré sur trois personnages, Eliú et El Mono (« le singe »), tous deux détenus pour avoir assassiné un inconnu pris pour le père d’Eliú qu’ils voulaient punir des brutalités infligées à sa famille, et Álvaro, le « chef » responsable de la rééducation de la meute par le travail (le défrichage de l’hacienda), une discipline stricte et une thérapie de groupe apparemment improvisée. Les trois personnages ont en commun une enfance difficile. Álvaro, après avoir purgé les crimes commis pendant son adolescence, est encore rongé par la même haine du père qu’Eliú et El Mono.

L’Eden pose implicitement la question qui sous-tend le principal propos du film : Álvaro, quelle que soit la rage passionnée qui le guide, pourra-t-il réussir à remettre dans le droit chemin ne fût-ce qu’un seul des adolescents dont il a la garde ? Une question qui n’aura pour réponse qu’une faible lueur d’espoir…

Le réalisme du film, qu’une mise en scène sans effets recherchés (essentiellement une succession de plans fixes) ne vient pas troubler, est accentué par le choix des jeunes acteurs sélectionnés par le réalisateur dans les rues de Bogota. Y participent, les décors réels, la moiteur ambiante, les bruits de la forêt, une ambiance sonore que ne vient pas heurter la composition originale de Pierre Desprats que nous avions découvert avec la partition accompagnant l’étonnant film de Bertrand Mandico Les Garçons sauvages (2017), une autre histoire de meute, mais bien différente.

L’Eden est une nouvelle belle surprise réservée par le cinéma colombien contemporain, après notre découverte de Les Oiseaux de passage (Pájaros de verano, Cristina Gallego et Ciro Guerra, 2018), dans lequel jouait Miguel Viera, l’interprète d’Álvaro, et l’étrange et inoubliable L’Étreinte du serpent (El Abrazo de la serpiente, Ciro Guerra, 2015), tous deux sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs.

L’Eden (84 minutes) et ses suppléments (40 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9 logé dans un boîtier standard épais de 14 mm.

Le menu propose le film dans sa langue originale, l’espagnol d’Amérique latine, avec sous-titres optionnels et le choix de deux formats audio, Dolby Digital 5.1 ou 2.0 stéréo.

Sous-titres anglais disponibles.

Entretien avec Andrés Ramírez Pulido (6’). Le film explore le cercle de la violence dans lequel les adolescents sont enfermés depuis l’enfance et le rôle déterminant du père dans leur éducation. Les acteurs ont été choisis parmi 2 000 adolescents rencontrés dans la rue, et celui du rôle principal a été retenu parce qu’il ne correspondait à aucun cliché. Leur préparation a duré un mois. Le cadre d’une hacienda abandonnée en pleine forêt a paru très photogénique…

Deux courts métrages de Andrés Ramírez Pulido :

El Edén (2016, 2.0:1, 19’), sélectionné à la Berlinale. Deux adolescents brisent la chaîne qui maintenait fermée la grille d’une propriété apparemment abandonnée… un décor qui a pu inspirer le choix de l’hacienda de L’Eden.

Damiana (2017, 2.0:1, 14’), en compétition à Cannes. Damiana doit réciter devant ses codétenues adolescentes l’engagement de devenir « une nouvelle femme, noble et sobre », une incantation apprise par coeur, ponctuée par un « ainsi soit-il » du groupe. Réussira-t-elle à tenir la promesse ?

Bandes-annonces de L’Eden (1’32”), Toute la beauté et le sang versé (All the Beauty and the Bloodshed, Lauta Poitras, 2022), Radio Metronom (Metronom, Alexandru Belc, 2022) et Les Harkis (Philippe Faucon, 2022).

L’image numérique, captée par une caméra RED DSMC2 Gemini S35, au ratio original de 1.66:1, assure le confort de la lisibilité de toutes les prises en éclairages naturels, y compris de quelques sombres clairs-obscurs en très basse lumière. Il semble qu’un grain ait été ajouté en postproduction donnant occasionnellement une texture peu homogène.

Le son Dolby Digital 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) met en valeur le travail sur la bande son, combinant harmonieusement les bruits d’ambiance et la composition de Pierre Desprats. Une faible sollicitation des canaux latéraux limite l’effet immersif et réduit les différences entre les deux formats proposés.

Crédits images : © Alta Rocca Films, Micro Climat, Valiente Gracia