Les Héroïnes du mal (1979) : le test complet du DVD

Réalisé par Walerian Borowczyk
Avec Marina Pierro, Gaëlle Legrand et Pascale Christophe

Édité par Doriane Films

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Le 29/08/2023
Critique

Un des bons films érotiques de l’inclassable Walerian Borowczyk enfin dans nos catalogues, après une belle restauration.

Les Héroïnes du mal

À Rome, au temps de la Renaissance, Margherita, une belle femme volage, devenue le modèle et la maîtresse du célèbre peintre Raffaello Sanzio, suscite la convoitise de Bini, un banquier libidineux… Au début du XXe siècle, Marceline, pendant l’été de ses 15 ans, passe beaucoup de temps, trop au goût de ses parents, avec Souci, un lapin blanc dont elle apprécie la douceur de la fourrure… À Paris, dans les années 70, un homme exige une forte rançon pour épargner la vie de Marie, la femme d’un riche galeriste qu’il a enlevée. Le chien César est sur la piste de sa maîtresse…

Les Héroïnes du mal met en images un scénario original de Walerian Borowczyk pour les histoires de Margherita et de Marie, et, pour celle de Marceline, l’adaptation de la nouvelle Le Sang de l’agneau d’André Pieyre de Mandiargues, publiée dans le recueil Le Musée noir. Le personnage de Margherita est inspiré de Margarita Luti, fille d’un boulanger (fornaro dans le dialecte de Rome), modèle de Raffaello Sanzio pour le célèbre portrait appelé La Fornarina, peint en 1518. Dans ce premier conte, Walerian Borowczyk propose sa propre explication de la mort du peintre à 37 ans, restée mystérieuse, conséquence « d’un refroidissement » selon Theodore Mocon, « d’une usure par le plaisir » selon Giorgio Vasari.

Walerian Borowczyk (1923-2006), né en Pologne, influencé par le surréalisme, dessina des affiches et réalisa des films d’animation avant de s’installer à Paris en 1958 où il collabore avec Chris Marker et poursuit la réalisation d’une quinzaine d’animations, dont un long métrage en papier découpé sorti en 1967, Le Théâtre de monsieur et madame Kabal.

Avec Goto, l’île d’amour qui le révéla en 1969, Blanche, un conte médiéval, souvent vu comme son film le plus achevé, Grand prix du meilleur film étranger à la Berlinale de 1972, Histoire d’un péché (Dzieje grzechu, 1975, réalisé en Pologne), sélectionné pour la Palme d’or, Docteur Jekyll et les femmes (1981), une adaptation très libre du roman de Robert Louis Stevenson publié en 1886, The Strange Case of Dr Jekyll and Mr. Hyde, Prix du meilleur réalisateur à Sitges, Walerian Borowczyk s’était fait reconnaître par les cinéphiles et la critique.

Il choisit de donner, à partir du milieu les années 70, une large place à l’érotisme dans son oeuvre, profitant de la plus grande liberté que donna, en juin 1975, la suppression de la censure cinématographique par Valéry Giscard d’Estaing et Michel Guy, en réalisant six films, nettement plus appréciés du public que de la critique !

Contes immoraux, composé de quatre sketches, le film qui permit de découvrir Fabrice Luchini dans une de ses premières apparitions sur les écrans, sort en 1974, suivi de La Bête (1975), sur un scénario original du réalisateur, de La Marge (1976), adapté d’André Pieyre de Mandiargues, avec Sylvia Kristel et Joe Dallesandro, d’Intérieur d’un couvent (Interno di un convento, 1978), de L’Art d’aimer (Ars amandi, 1983), inspiré par le célèbre ouvrage d’Ovide, d’Emmanuelle 5 (1983) et de Cérémonie d’amour (1987), sa cinquième réalisation inspirée par André Pieyre de Mandiargues et son dernier long métrage. Viennent en 1990 et 1991 quatre des vingt-six épisodes de l’anthologie Série rose produite par Pierre Grimblat et diffusée par FR3.

Les Héroïnes du mal se range parmi les meilleurs films érotiques de Walerian Borowczyk, à côté des Contes immoraux et de La Bête. Il bénéficie de la contribution de Bernard Daillencourt, chef-opérateur des deux autres films cités et, dans le même registre, de trois longs métrages de David Hamilton, Bilitis (1977), Laura, les ombres de l’été (1979) et Tendres cousines (1980). La photographie naturaliste, avec des prises en décors réels, à la campagne pour Marceline, à la sauvette dans le forum de Rome et les rues de Paris pour les deux autres histoires, l’élégance des cadrages des héroïnes : les robes arachnéennes de Margherita ou les légers vêtements de coton blanc de Marceline peinent à cacher les charmes quand ils ne les dévoilent pas entièrement. De respectables atouts pour tout spectateur délicat et réceptif au genre.

Les Héroïnes du mal, encore inédit en vidéo en France, vient utilement compléter, avec ses suppléments, le précieux coffret de 11 disques, Boro - Walerian Borowczyk, édité par Carlotta Films à l’occasion de la rétrospective organisée au Centre Pompidou du 24 février au 19 mars 2017, une mine dor pour découvrir l’originalité des créations, la diversité des talents d’un réalisateur difficilement classable.

Les Héroïnes du mal

Présentation - 3,0 / 5

vLes Héroïnes du mal (110 minutes) et ses suppléments (68 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîter épais de 14 mm, glissé dans un fourreau d’où j’ai eu du mal à l’extraire.

Le menu propose le film au format audio Dolby Digital 2.0, donné pour stéréo sur la jaquette, mono selon moi.

Piste d’audiodescription Dolby Digital 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 8 pages, intitulé Les Crimes de l’amour, un beau texte écrit par René Micha, critique d’art et de littérature. Le premier conte lui paraît « moins porter sur la perfidie de Margherita que sur les liens mystérieux qui attachent l’art à l’imagerie amoureuse ». Marceline, qui « parle comme une petite fille de Lewis Carroll », porte à Souci « un amour qui va la perdre et la sauver ». Le troisième conte, plus court « offre une structure plus serrée et des arêtes plus vives ». L’article se referme sur une belle évocation du regard de Walerian Borowczyk sur toute chose, sur ses personnages et, notamment, sur « les comédiennes (…) toutes trois très belles, d’une beauté différente ».

Suit un entretien avec Walerian Borowczyk (on ne nous dit pas avec qui). La confusion dans son oeuvre entre le Vice et la Vertu ? « La vie s’en charge elle-même ! », répond-il. Il avait envisagé un seul film pour l’histoire de Marceline, avant d’opter pour trois « à mes yeux un nombre d’or. J’obtenais ainsi la progression que je visais : l’avant-hier, l’hier et l’aujourd’hui. » « Cinéma, télévision, photographie… tout invite au voyeurisme ou, si vous voulez, relève d’une forme de curiosité. » Il a été séduit par la nouvelle de Mandiargues : « L’écriture en est quasiment cinématographique : tout y est si visuel, si concret. »

Bonus - 3,0 / 5

Brief von Paris (1975, 1.33:1, DD 2.0, 38’). Un regard du cinéaste sur un Paris minéral, mécanique, agité, dans le vacarme de voitures, de bus, de menaçants poids lourds, d’ambulances, de fourgons de police… Ils entrent brutalement dans le champ en cachant très souvent ce que pourrait capter la longue focale de la caméra en plans rapprochés. Une suite de très courtes prises de monuments, d’objets, de passants, de chiens tenus en laisse, sur les trottoirs, dans un marché, aux puces. Avec des regards caméra, l’apparition furtive de l’affiche de La Marge, son film sorti en 1975, le Centre Pompidou en construction. Une agitation perpétuelle, saisie par une caméra légère (16 mm ?) portée à l’épaule, sans paroles ni musique.

Jouet joyeux (1979, 2’), « premier film en format carré de Walerian Borowczyk, d’après le praxinoscope d’Émile Reynaud », nous dit le générique.

L’Armoire (1979, 1.66:1, DD 2.0, 28’), d’après la nouvelle de Guy de Maupassant parue en 1884, troisième sketch du film Collections privées qui comprenait aussi L’Île aux sirènes de Just Jaeckin et Kusa-Meikyu de Shûji Terayama. Un soir, un jeune bourgeois échappe à une pluie fine et à la solitude en se réfugiant dans les coulisses d’un cabaret. Là, une femme l’aguiche qu’il suit chez elle. Il entend des bruits étranges. Que cherche-t-elle à lui cacher ?

Les Héroïnes du mal

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio original 1.66:1, bien nettoyée par une restauration qui a préservé le grain argentique, un peu douce, en accord avec l’esthétique du film, déploie des couleurs naturelles, finement étalonnées, nuançant délicatement les tons de peau. Les noirs manquent de densité et tendent à se boucher dans les scènes les plus sombres.

Son - 3,5 / 5

Le son Dolby Digital 2.0, restauré lui aussi, restitue clairement les dialogues, çà et là légèrement affectés par un excès de réverbération et donne une présence réaliste à l’ambiance. Le bruit de fond qu’on entend parfois est vraisemblablement attribuable aux conditions de prise de son.

Crédits images : © Argos Films, Les Films du Jeudi

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 30 août 2023
Les Héroïnes du mal, encore inédit en vidéo en France, est un des longs métrages représentatifs de la filmographie de Walerian Borowczyk, cinéaste difficilement classable auquel le Centre Pompidou avait rendu hommage au printemps 2017. Cette édition vient utilement compléter le coffret de 11 disques sorti à cette occasion.

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