Toute une nuit sans savoir (2021) : le test complet du DVD

A Night of Knowing Nothing

Réalisé par Payal Kapadia

Édité par jhr Films

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Le 06/12/2023
Critique

Un documentaire sur la révolte d’étudiants contre les discriminations en Inde. Un premier film étonnant, doublement primé à Cannes.

Toute une nuit sans savoir

Quelque part en Inde, une étudiante en cinéma écrit des lettres à l’amoureux dont elle a été séparée. À sa voix se mêlent des images, fragments récoltés au gré de moments de vie, de fêtes et de manifestations qui racontent un monde assombri par des changements radicaux. Le film nous entraîne dans les peurs, les désirs, les souvenirs d’une jeunesse en révolte, éprise de liberté.

Toute une nuit sans savoir (A Night of Knowing Nothing), une coproduction entre l’Inde et la France, sorti dans nos salles en avril 2022, sélectionné à Cannes par la Quinzaine des réalisateurs et récompensé par le Prix de l’oeil d’or et le Prix du meilleur documentaire, est le premier long métrage de la jeune cinéaste indienne Payal Kapadia.

Le scénario de Toute une nuit sans savoir, coécrit par Payal Kapadia et Himanshu Prajapati, assemble deux parties, une fiction faite de la lecture des lettres que l’étudiante L est supposée avoir écrites à son petit ami, maintenant éloigné par sa famille opposée à son projet de mariage avec L, et le réel, constitué du montage de séquences filmées, de 2016 à 2021, principalement par des étudiants du Film and Television Institute of India (FTII), fondé en 1960, devenu la principale école de cinéma en Inde, située dans les bâtiments de la Prabhat Film Company à Pune, dans l’état de Maharashtra, à l’ouest du pays.

Ces films, à côté de scènes en famille, rappellent les temps où la nomination à la direction du FTII, en juin 2015, de l’acteur de télévision Gajendra Chauhan d’allégeance nationaliste hindoue souleva grèves et manifestations des étudiants qui le soupçonnaient de vouloir « safraniser l’institut », jusqu’à sa démission en octobre 2017. D’autres revendications ont surgi, contre les discriminations du système des castes, notamment à l’encontre des Dalits, encore appelés « Intouchables » (plus de 200 millions de personnes, soit 16,6% de la population de l’Inde), et à l’encontre des musulmans, contre les mariages arrangés, contre les brutalités policières et de miliciens masqués (enregistrées par une caméra de surveillance jusqu’à ce qu’elle soit détruite par un coup de matraque)…

Tout est filmé (ou converti en postproduction ?) au ratio 1.33.1 et, hormis quelques séquences en couleurs sévèrement réétalonnées, en noir et blanc, une marque de nostalgie de la Nouvelle Vague tchèque et française et du cinéma soviétique, notamment de Sergueï M. Eisenstein.

L’impact et la beauté des images de la révolte des jeunes contre les injustices d’un ordre établi asphyxiant font la force de Toute une nuit sans savoir. Une construction floutant les lignes séparant fiction et réalité et la poésie des commentaires de la narratrice font son originalité.

Toute une nuit sans savoir

Présentation - 1,5 / 5

Toute une nuit sans savoir (99 minutes) et son supplément (13 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un fin Digipack à deux volets.

Le film est proposé dans ses langues originales, l’anglais, l’hindi, le bengali, le français, avec sous-titres imposés, au format audio Dolby Digital 5.1.

Un livret de 16 pages contient un entretien avec Payal Kapadia. Des séquences filmées avec le chef-opérateur Ranabir Das, de celles filmées par des amis dans d’autres universités et de vidéos trouvées sur Internet, a émergé « le tableau d’une partie de la jeunesse indienne ». Les événements étalés sur cinq ans sont montrés par fragments, pas nécessairement dans un ordre chronologique, présentés dans un noir et blanc granuleux et mis en scène par la lecture des lettres de L. La manière de cadrer, de monter, de mettre en scène font que tout film est politique, quel que soit son genre. Le livret se referme sur quelques informations sur le contexte du film, sur le FTII, sur le BJP, parti nationaliste hindou, sur Narendra Modi, premier ministre depuis 2014, puis sur un résumé de la carrière naissante de Payal Kapadia, occupée à la préparation de son deuxième documentaire, All We Imagine As Lignt.

Bonus - 2,0 / 5

Rencontre(s) avec Payal Kapadia (Groupement National des Cinémas de Recherche, 2022, 13’). Le tournage a commencé quand elle et ses amis étaient encore étudiants, en 2016, avec pour thème envisagé, les mariages, souvent arrangés par les familles en Inde. Mais les manifestations et les grèves dans les universités, filmées par les étudiants pendant cinq ans, en noir et blanc, comme au temps de la Nouvelle vague tchèque ou française ont changé la donne. Ces archives, combinées aux souvenirs d’expériences amoureuses d’amies, ont servi à la construction, avec le monteur français Clément Pinteaux, d’un récit épistolaire des événements, concentrés en une longue nuit. Le destinataire des lettres de L pourrait être n’importe quel étudiant confronté à des idées qu’il condamne sans remettre en question les relations avec sa famille ou ses vues sur les gouvernants. La première partie du film est une critique de la situation actuelle, la seconde une réflexion sur les événements, la première en hindi, la seconde en bengali, la langue de l’ami de L. Les étudiants luttent pour que les universités publiques restent des lieux où s’effacent les discriminations, dans un pays où certains citoyens n’ont pas accès à une bonne éducation. Le film, dans le sillage de Chris Marker et d’autres réalisateurs, est « à la lisière du réel et de la fiction ». Il est sorti en France, mais sa forme, un documentaire expérimental, n’était pas propice à sa distribution dans les salles en Inde.

Image - 4,0 / 5

L’évaluation technique de l’image en noir et blanc et en couleur, au ratio 1.33:1, est impossible au travers des critères habituels. Elle est constituée de pièces et de morceaux disparates, de prises par plusieurs étudiants étalées sur cinq ans et d’archives glanées çà et là. L’aspect cotonneux et très granuleux qui lui a été donné (alors qu’on peut raisonnablement penser que la plupart des prises ont été faites avec des caméras numériques) et les taches et griffures sont la conséquence d’un choix esthétique et, probablement, de la réponse à un besoin d’homogénéité.

Son - 4,0 / 5

La qualité du son Dolby Digital 5.1 n’est guère plus facile à estimer : certaines séquences muettes ont été sonorisées en postproduction, d’autres peut-être salies par divers bruits de fond pour assurer une cohérence d’ensemble. La répartition du signal sur les cinq canaux contribue assez efficacement à l’effet enveloppant de l’accompagnement musical et des effets sonores.

Crédits images : © Kapadia,_Petit Chaos

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 7 décembre 2023
Sélectionné à Cannes par la Quinzaine des réalisateurs et récompensé par le Prix du meilleur documentaire, ce premier long métrage de la jeune cinéaste indienne Payal Kapadia dénonce le poids sur la jeunesse indienne d’un conservatisme qui se manifeste encore par le système des castes, les mariages arrangés, la répression brutale des manifestations…

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