Un tueur dans la foule (1976) : le test complet du Blu-ray

Two-Minute Warning

Version intégrale restaurée - Blu-ray + DVD

Réalisé par Larry Peerce
Avec Charlton Heston, John Cassavetes et Martin Balsam

Édité par Elephant Films

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Le 02/11/2018
Critique

Un tueur dans la foule

USA, Los Angeles, 1976 : un homme, équipé d’une carabine semi-automatique Remington 742 Woodmaster, abat depuis sa chambre d’hôtel un cycliste puis parvient à se rendre au sommet de la tour du stade du Coliseum alors que 90.000 spectateurs s’y trouvent pour assister à la rencontre Los Angeles contre Baltimore. Repéré par les caméras d’un ballon dirigeable de la télévision, il repousse un gardien qu’il précipite dans le vide. Il est progressivement cerné par la police anti-terroriste SWAT qui reçoit l’ordre, afin d’éviter la panique, de l’abattre deux minutes avant la fin du match mais le tueur s’est peut-être fixé le même délai avant de commencer à tirer sur la foule.

Un Tueur dans la foule(Two-Minute Warning)(USA 1976) de Larry Peerce est un film-limite dans l’histoire du film noir policier américain de la période 1970-1980. En apparence, il mélange deux genres aux structures connues : film policier à la violence graphique élevée d’une part, film-catastrophe (au casting de stars provenant non seulement du cinéma mais aussi de la télévision) dont il reprend certains éléments structurels (décor ample, mouvements de foule, personnages assez typés pour être intéressants mais assez quotidiens pour que chacun puisse s’y identifier). Le résultat est pourtant inédit et demeure fascinant.

Un tueur dans la foule

Sur le plan thématique, contrairement à ce qu’on pourrait penser aujourd’hui un spectateur français, il n’est absolument pas prémonitoire car il traite un thème bien connu là-bas. Jean-Paul Sartre, revenant des USA, signalait déjà vers 1945-1950, que les tireurs fous tentant de dépasser statistiquement le nombre record de morts causés par les tireurs précédents, étaient une des plaies sociologiques les plus curieuses du pays. Qu’on se souvienne, par exemple, du La Cible (Targets) (USA 1968) de Peter Bogdanovitch qui s’inspirait d’un fait réel survenu au Texas. Ce qui était nouveau, en revanche, et relativement prémonitoire, c’était l’idée de mettre en vedette la formation SWAT (diminutif américain pour : « Special Weapons and Tactics », finalement préféré par l’administration policière américaine à l’originale « Special Weapon Attack Team ») qui était née précisément à Los Angeles durant les années 1960. Ses techniques seront popularisées par le cinéma policier des années 1990-2000 mais Un Tueur dans la foule fut véritablement l’un des premiers films de fiction dans lequel l’aspect documentaire sur les SWAT soit revendiqué. Il est, dans les séquences concernées, réalisé et dirigé avec un remarquable souci du détail : armement (notamment riot-gun Remington 1100 à magasin rallongé et fusil d’assaut M16 A1), hiérarchie, organisation, techniques d’intervention. Il demeure encore aujourd’hui, par sa rigueur, impressionnant.

Autre aspect passionnant : le rapport instauré entre cinéma et télévision par le scénario. La télévision y révèle un détail fragmentaire qui recouvre progressivement, un peu comme un cancer qui s’étendrait, tous les aspects spectaculaires initiaux de son programme et du film lui-même. On y voit sur circuit interne le tueur apparaître à plusieurs reprises puis plus tard être blessé en temps réel. Les séquences en question, par leur montage du rapport image argentique-image vidéo, sont ahurissantes de précision et méritent d’entrer dans les annales des séquences les plus compliquées et les mieux réalisées de toute l’histoire du cinéma policier américain. Fritz Lang n’aurait pas mieux réglé les angles et le montage de ces plans, en champs/contre-champs complexes, qui les composent.

Un tueur dans la foule

Dernier aspect authentiquement tragique et presque surréaliste par moments : le détournement du film-catastrophe et son recouvrement par le thème principal du sujet, à savoir la pulsion de mort à l’oeuvre. Alors que dans un film-catastrophe, la cause de la catastrophe est identifiée puis neutralisée ou surmontée, ici c’est l’inverse qui se produit : le tueur, après avoir produit les effets spectaculaires exigés, conserve son mystère. Son identité demeure floue, son image est fragmentaire ou alors fugitive. Elle recouvre une pure pulsion qui n’est pas individualisée ni, nous souffle Peerce, individualisable.Un Tueur dans la foule constitue donc, du point de vue de l’histoire du cinéma, le contrepoint exact, voire même le complet renversement thématique comme esthétique d’un film policier classique et psychologique tel que pouvait l’être, sur un sujet similaire, l’intéressant L’Homme à l’affût (The Sniper)(USA 1952) d’Edward Dmytryk. L’aspect policier lui-même est d’ailleurs finalement subverti puisque l’officier civil de police comme l’officier militaire des SWAT, tombent d’accord pour conclure qu’ils ne savent rien du tueur, en dépit de la lecture de son permis de conduire et que, en dépit de ce que pourront en dire le lendemain les média, personne ne pourra jamais rien en savoir. Il conserve donc son absolu secret causal et individuel. Un humour parfois très sombre (le décalage spatiale et temporel d’une fraction de seconde provoquant telle mort ou sauvant telle vie sans que la morale y soit pour rien) renforce constamment cet aspect tragique au lieu de l’estomper.

Un Tueur dans la foule présente en outre de recherches esthétiques intéressantes et novatrices : le panoramique-zoom impressionnant qui révèle le gigantesque stade durant le début du générique, auquel correspond le même mouvement inversé durant celui du générique de fin, bouclant la boucle, refermant le temps et l’espace sur eux-mêmes; les effets de caméra subjective qui donnent parfois une dimension presque cauchemardesque et fantastique à la séquence de l’hôtel; les assez étranges séquences des deux arrestations (celle du chômeur aux jumelles qui a repéré le tueur et celle du spectateur marginal que la police croit un instant complice) qui immobilisent momentanément le temps et l’espace comme pour tétaniser le spectateur. Bref, on l’aura compris, la richesse de Un Tueur dans la foule méritait bien davantage que ce que les critiques français, du moins ceux contemporains de sa sortie en exclusivité, furent capables d’écrire sur lui en 1976.

Un tueur dans la foule

Présentation - 4,0 / 5

1 combo Blu-ray + DVD édité par Eléphant le 05 septembre 2017. Image Full HD 1080p couleurs au format original 2.35 respecté compatible 16/9. Son DTS HD Mono VOSTF et VF d’époque. Durée du film sur Blu-ray : 115 min. environ. Suppléments : version TV (141 minutes), présentations du film et de la version TV par Julien Comelli, galerie photos, bandes-annonces. Seul le disque Blu-ray a été testé.

Bonus - 4,0 / 5

La présentation (durée environ 30 min.) du film est bien documentée et soigneusement montée : elle fournit rapidement quelques clés filmographiques concernant le cinéaste, les acteurs principaux, la genèse et la production, le contexte historique. Suit une seconde présentation (durée environ 15 min.) de la version TV tournée pour NBC, la chaîne détenue par Universal, qui est plus utile et intéressante car on y apprend beaucoup de choses ignorées en France, sauf par les connaisseurs pointus de l’histoire de la TV américaine.

Le supplément majeur est évidemment cette fameuse version TV inédite chez nous (durée 141 min. environ, 4/3, VOSTF image passable par elle-même mais inévitablement médiocre par comparaison avec l’excellente image 2.35 du film de référence) en France. Elle est passionnante sur le plan de l’histoire de la TV comme sur celui de l’histoire du cinéma bien qu’elle soit une totale trahison du film original et donc un total ratage à la fois thématique et esthétique. Quand on pense que c’est ce genre de téléfilms que NBC proposait à ses clients, on se dit que tout compte fait, la télévision française ne fut pas si mal programmée à la même époque ! Julien Comelli la trouve réussie par elle-même mais il me semble trop indulgent.

L’ensemble s’achève par quelques bandes-annonces (y compris celle du film de référence) et une galerie de photos N&B et couleurs, détourées ou de plateau. On peut apercevoir, fugitivement, quelques mignonnes photos espagnoles d’exploitation dans l’une des deux présentations mais trop brièvement et pas assez agrandies pour qu’on puisse vraiment en jouir. L’ensemble constitue néanmoins une bonne édition spéciale.

Un tueur dans la foule

Image - 5,0 / 5

Format original 2.35 Panavision Technicolor compatible 16/9, en Full HD 1080p. L’image argentique de ce Blu-ray est remarquablement restaurée. Équilibre correct entre respect du grain et lissage. Même les stock-shots empruntés à des matchs de football ont été bien nettoyés. Excellente définition numérique, bonne gestion des contrastes et des couleurs, niveaux des noirs très bien restitués. L’édition de référence en Blu-ray dorénavant, en attendant une future édition UHD.

Un tueur dans la foule

Son - 5,0 / 5

VOSTF et VF d’époque en DTS HD Master Audio 2.0. mono d’époque, toutes deux parfaitement restaurées : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VOSTF est dotée, sans surprise, d’un équilibrage supérieur entre effets sonores, dialogues et musique. Quelques différences entre dialogues originaux et dialogues entendus dans la VF d’époque. Le choix des voix françaises est bon mais les options de direction des acteurs français sont parfois vulgaires sur la forme (par exemple une voix d’ivrogne conférée à David Janssen alors que sa voix originale est plus élégante et davantage nuancée) comme sur le fond (le commentaire de Charlton Heston sur le rapport du meutre de l’hôtel n’est pas le même en VF d’époque et en VO). Il faut donc préférer la VOSTF.

Un tueur dans la foule

Crédits images : © Eléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis
Multimédia
Un tueur dans la foule
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