Blood Simple (Sang pour sang)

Blood Simple (Sang pour sang) (1984) : le test complet du Blu-ray

Blood Simple.

Director's Cut - Version restaurée

Réalisé par Joel Coen
Avec John Getz, Frances McDormand et Dan Hedaya

Édité par Studiocanal

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Le 20/09/2018
Critique

Blood Simple

USA, Texas 1983 : Marty, un patron de bar, fait surveiller sa femme Abby par un détective privé. Ce dernier lui ramène la preuve qu’Abby le trompe avec son employé barman Ray. Lorsque Marty propose au détective de les tuer tous les deux contre 10.000 US$ cash, il pense simplement avoir embauché un tueur alors qu’il vient, sans le savoir, de signer son propre arrêt de mort qui déclenche à son tour une réaction en chaîne qu’aucun des trois autres protagonistes ne peut plus contrôler.

Blood Simple (Sang pour sang) (USA 1983) de Joel & Ethan Cohen fut leur premier long-métrage et il est à présent considéré comme un des films noirs policiers majeurs de la décennie 1980-1990.

Sa distribution cinéma aux USA fut laborieuse car les distributeurs avaient du mal à situer exactement le titre qu’on leur proposait. Était-ce un « art film » (film d’art) ou un « exploitation film » (film commercial standard) ? Cette hésitation retarda sa sortie américaine mais son succès critique dans les festivals puis en Europe compensa largement cette ambivalence qui, loin d’être un handicap, demeure bien évidemment constitutive de son charme si original. Le casting était constitué de débutants, à l’exception des deux acteurs Dan Hedaya et M. Emmet Walsh qui trouvèrent d’ailleurs ici, tous les deux, le meilleur rôle de leur filmographie pourtant riche. La direction d’acteurs était tout aussi rigoureuse que le découpage : la direction d’un regard, telle qu’elle était dessinée sur le storyboard, ne pouvait être changée. Le cinéaste Joel Cohen tomba amoureux de sa star débutante Frances McDormand pendant le tournage.

Du cinéma expérimental, les frères Cohen retiennent certaines audaces formelles qui sont d’ailleurs, pour une partie d’entre elles, directement héritées du cinéma muet (le plus inventif et d’ailleurs jamais vraiment égalé ensuite) puis parlant devenu à présent classique de 1900 à 1950. Par exemple, les gros-plans en contre-plongée, écrasant les visage sous des plafonds oppressants légèrement déformés au grand angle, proviennent en ligne directe des expériences filmiques d’Orson Welles durant la période 1940-1945.

Blood Simple

Du cinéma classique, ils emploient la syntaxe la plus solide qu’ils alternent avec les expériences plus audacieuses : chaque plan fut soigneusement dessiné et « storyboardé » et l’improvisation fut restreinte au minimum. Le découpage était déjà impeccablement structuré, à la manière d’Alfred Hitchcock. Le premier dialogue dans la voiture entre Ray et l’épouse de Marty ou bien le premier dialogue entre Marty et le détective dans son bureau, auraient ainsi pu être filmés et signés tels quels par John Ford, Howard Hawks, Raoul Walsh ou même Henry Hathaway.

Du cinéma d’exploitation commerciale des années 1970-1980, ils appliquent l’idée d’un suspense permanent, rebondissant sans cesse (avec un humour parfois très noir) de l’angoisse à la peur, de la peur à la terreur, de la terreur à la folie. L’un des frères Cohen avait d’ailleurs dit à l’actrice Frances McDorman, inquiète au sujet de sa scène dénudée de lit avec le barman Ray : « Ne t’inquiète pas : nous n’attirerons pas les gens dans les cinémas au moyen du sexe mais au moyen de la violence ». Dont acte.

Signalons enfin que le titre original (qui s’écrit avec un point final sur l’écran, point final systématiquement omis par les jaquettes des éditions vidéo magnétiques puis numériques) provient d’une citation d’un roman de Dashiell Hammet, La Moisson rouge (Red Harvest, 1929 notamment traduit en 1950 aux éditions Gallimard, collection Série noire, volume n°56) décrivant l’état psychologique d’abrutissement momentané, de stupeur, des victimes d’actes de violence.

Blood Simple

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray région B avec film en version director’s cut et suppléments, édité par Studio Canal le 07 août 2018. Belle illustration au visuel de style « néon », inspirée par une scène du film mais qui est très différente de l’ancienne affiche originale du couple reflété sur un canon de revolver. J’en profite pour signaler que le nouveau logo multicoloré de Studio Canal, au format ultra-scope, est bien plus agréable que l’ancien logo qu’on a supporté durant presque vingt ans (qui était particulièrement désagréable car il faisait à la fois mal aux yeux à cause de ses clignotements intenses et mal aux oreilles à cause de ses vagues sonores culminantes en absurdes bruits d’oiseaux remixés). Image couleurs au format 1.85 respecté, compatible 16/9 encodée en 1080p Full HD. Son VF et VOSTF à la norme DTS HD Master audio 5.1. Durée du film sur Blu-ray : 96 min. environ.

Une curiosité : un petit menu initial, placé en haut à gauche de l’écran, propose au choix la langue allemande ou française. Lorsque l’une est colorée en bleu, l’autre est colorée en rouge. A quelle couleur correspond la sélection que vous souhaitez ? On vous laisse le plaisir de le découvrir vous-même : c’est assez énervant et vous perdrez environ une ou deux minutes de votre vie avant de le savoir. Pourquoi proposer un tel choix sur un Blu-ray vendu en France ? Mystère. Si par erreur vous sélectionnez la version allemande, vous pourrez voir deux bandes-annonces (sans intérêt) précédant le menu allemand. Elles n’apparaissent heureusement pas avant le menu français.

Avertissement d’histoire du cinéma : le film proposé ici n’est pas la version originale (99 minutes) exploitée au cinéma en 1983 mais une « director’s cut » un peu plus courte (96 minutes) remontée par les frères Cohen en 1998. D’autre part, la VF proposée dans cette director’s cut n’est pas la VF d’époque entendue dans les cinémas français de 1983 mais une VF totalement refaite en 1998. Les directors’ cut sont parfois intéressantes mais peuvent-elles remplacer les versions exploitées initialement au cinéma, seules versions pouvant être qualifiées d’originales ? Cette édition repose le problème dans toute son acuité.

Blood Simple

Bonus - 4,0 / 5

D’abord une présentation d’une ou deux minutes (mettant en scène le directeur fictif d’une société fictive de restauration de films : elle est heureusement brève car sans aucun intérêt) puis le plat de résistance constitué par 4 entretiens (16/9, VOSTF, environ 4 x 30 minutes) assez riches en informations et en photos de tournage sans oublier quelques images du découpage storyboard original avec les frères Cohen eux-mêmes, l’actrice Frances McDormand, les acteurs John Getz et M. Emmet Walsh. L’entretien avec les frères Cohen est le plus pauvre en indications précises et en documents, les trois autres sont nettement plus détaillés. Sans oublier une « fausse bande-annonce » (2 min. environ) qui avait servi d’appât pour exciter l’intérêt des investisseurs et des acteurs lorsque les frères Cohen leur proposaient le projet. C’est le cinéaste Sam Raimi qui leur avait conseillé de la réaliser. A noter l’absence totale d’une galerie photos d’exploitation et affiches : dommage.

Image - 5,0 / 5

Restauration Full HD 1080p au format original 1.85 respecté, en couleurs compatible 16/9. Copie argentique parfaitement restaurée et transférée sur un master Full HD (obtenu à partir d’un scan du négatif 35mm restitué sur MPEG-4 AVC 16-bit) qui est le même que celui de l’édition américaine Criterion sortie le 20 septembre 2016 aux USA. Le travail de restitution des couleurs est particulièrement excitant sur le plan visuel sans parler du nettoyage en profondeur de l’image : il ne subsiste aucun défaut ni aucune saleté. On n’avait pas encore vu les ronds du cigare de M. Emmet Walsh aussi bien définis et la moindre égratignure de son célèbre briquet Zippo (un des moteurs de l’intrigue, sur lequel le prénom Loren est gravé) est perceptible à l’oeil tant la définition est élevée. Il ne s’agit pas encore d’un Blu-ray au standard UHD 4K mais la qualité du matériel ici visionné laisse bien imaginer ce que cela pourrait donner. Au fond, ce Blu-ray Full HD arrive un peu tard : on attendait un Blu-ray UDH 4K natif.

Blood Simple

Son - 4,0 / 5

Trois bandes-sons proposées en DTS Master audio 5.1. et trois langues de sous-titrages (possibilité de les supprimer inscrite aussi dans le même menu) : version américaine, version française, version allemande.

Le son de cette nouvelle VO remastérisée en 1998 n’est évidemment pas celui du film original qui était un simple Dolby stéréo. Certes, cette nouvelle VO a bien évidemment reçu l’approbation des frères Cohen. Mais une bonne édition collector devrait présenter les deux version (image comme son) du film de manière à ce que le spectateur de 2018 puisse disposer du matériel sonore de 1983 et du matériel sonore de 1998.

La VF ici proposée est celle de l’édition director’s cut, elle-même remastérisées en DTS Master audio 5.1.

Exit l’ancienne VF d’époque Dolby stéréo qui était excellente et qui permettait notamment d’entendre Dan Hedaya doublé par Roger Rudel (doubleur français, pendant des années, de l’acteur Kirk Douglas) d’une manière assez remarquable. On suppose que la suppression des 3 minutes du métrage original a nécessité de refaire un tout nouveau doublage en 1998. Reste que la disparition des anciens doublages français de certains films classiques étrangers constitue une amputation patrimoniale. Même chose pour la disparition quasi-systématique (sauf heureuse exception que je prend toujours plaisir à signaler lorsque le cas se présente) des génériques francisés sur les copies VF d’époque, souvent remplacés en DVD puis en Blu-ray par le générique étranger original pour raison d’économies.

Enfin les STF modifient parfois un peu la VO alors que la nouvelle VF lui est assez fidèle. Exemple : tout au début, le détective soliloque sur la solitude des habitants du Texas. « Vous pouvez être le Pape de Rome, le président des États-unis ou même l’Homme de l’année…  ». La VF refaite en 1998 respecte scrupuleusement ces trois hypothèses alors que les STF remplacent la dernière des trois par un assez inattendu « … ou même Miss America ». Sur le plan de la philosophie du langage, cette traduction n’est pas inintéressante car on suppose que le traducteur des STF a peut-être pensé qu’après tout, hypothèse irréaliste pour hypothèse irréaliste, pourquoi ne substituerait-il pas l’élément « Miss America » à l’élément « l’Homme de l’année » ? Le résultat serait, sur le plan strictement cognitif, effectivement le même : c’est une hypothèse aussi irréaliste que les autres puisque le détective assez âgé qui les prononce mentalement sait qu’il ne sera jamais pape ni président ni homme de l’année ni, encore moins, Miss America. Cependant, en dépit de son équivalence logique, le principe même d’une telle substitution demeure inacceptable pour l’historien du cinéma comme pour le traducteur. D’autant moins acceptable que le slogan « man of the year » (l’homme de l’année) est visible sur le briquet Zippo personnalisé du détective Loren Visser: cette idée lui plaît et il l’a faite graver sous son prénom (Loren) visible sur l’autre face du briquet.

Blood Simple

Crédits images : © Studiocanal

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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Aliocha
Le 27 avril 2021
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