Le Défroqué (1954) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Léo Joannon
Avec Pierre Fresnay, Nicole Stéphane et Renaud Mary

Édité par Gaumont

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Le 21/01/2019
Critique

Le Défroqué

1945, dans un camp de prisonniers puis à Paris et Joinville : alors qu’un prêtre mourant réclame son assistance car il connaît sa véritable identité, le défroqué Maurice Morand, obsédé par la figure de Judas et qui a quitté l’église catholique, se découvre aux autres prisonniers en répondant à son appel. Il provoque ainsi l’admiration puis la vocation religieuse du jeune sous-lieutenant Gérard dégoûté par les combats et les revirements dont il a été témoin pendant la guerre. Gérard décide de ramener Morand dans le giron de l’église, quel qu’en soit le prix.

Le Défroqué (France 1954) de Léo Joannon (1904-1969) est une des oeuvres les plus étonnantes du cinéma français de la période 1945-1955. Il appartient historiquement à ce qu’on peut nommer la trilogie catholique de Joannon, constituée par Le Défroqué (1954), Le Secret de soeur Angèle (1956), Le Désert de Pigalle (1958) qu’il faudrait un jour rééditer en coffret afin que sa cohérence historique et esthétique soit préservée.

Le Défroqué

L’acteur vedette Pierre Fresnay, à nouveau remarquable, fut enthousiasmé par le sujet auquel il conféra une brûlante présence et Denys de la Patellière, ici premier assistant de Joannon, collabora à l’écriture des dialogues. Direction d’acteurs et interprétation de premier choix, comme toujours à cette époque, des plus petits aux premiers rôles avec mention spéciale au jeune Pierre Trabaud. Mise en scène classique, nerveuse, sans mouvements inutiles mais sachant être très mobile et très énergique lorsqu’il le faut. Sobre utilisation, au début, d’un véritable camps de prisonniers, qui venait d’être vidé de ses derniers occupants en 1953. Un prêtre catholique approuva le sujet et le scénario, assista au tournage : la grande scène du cabaret russe dans lequel Morand met à l’épreuve d’une manière abjecte la foi de Gérard, sous les yeux abrutis des clients et des jolies entraîneuses ivres, scène la plus connue et la plus spectaculaire, est donc strictement cohérente sur le plan liturgique comme théologique. Le sacrifice final de Gérard permettant à Morand de retrouver la foi, aussi. Seul point douteux : qu’un simple livre (au titre racoleur du genre Jésus : 33 ans, Judas : 2000 ans) devienne un best-seller et suffise à un professeur d’histoire-géographie pour devenir titulaire d’une chaire d’histoire des religions à la Sorbonne ! Il avait déjà fait tiquer, à juste titre l’historien du cinéma Jean Tulard qui en occupait, pour sa part, réellement une mais pas dans la même matière. On savoure néanmoins les intitulés de cours énoncés par Fresnay et les plans d’ensemble de l’amphithéâtre où de bien jolies figurantes prennent des notes, l’air appliqué ! Enfin, casting féminin principal intéressant : les courbes généreuses de la fiancée interprétée par Nicole Stéphane (qui avait joué des rôles importants pour Jean Cocteau et Jean-Pierre Melville) sont opposées à la maternité toute spirituelle de la vieille Marcelle Géniat. Cette dernière, née à Saint Pétersbourg en Russie, ressemble assez à l’actrice Maria Ouspenskaya (elle aussi née en Russie) qui jouait la mère de Bela Lugosi dans le classique Universal de l’âge d’or du cinéma fantastique américain Le Loup-garou (USA 1941). Savoureux hasard objectif qui méritait d’être noté.

Le Défroqué

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray multirégions ABC édité par Gaumont collection Découvertes, le 07 novembre 2018. Durée du film : 107 minutes environ. Image N&B Full HD 1080p, encodage MPEG4 AVC, au format original 1.37 respecté et compatible 16/9. Son DTS HD Master audio 2.0 mono VF et version sourds et malentendants en option. Supplément : Le réalisateur aux deux visages, par Jean Ollé-Laprune (20 min. environ). Catalogue illustré des collections Gaumont Classiques et Gaumont Découvertes inclus dans le boîtier.

Bonus - 1,0 / 5

Le Réalisateur aux deux visages (2018) de Jean Ollé-Laprune (apparenté au philosophe Léon Ollé-Laprune) est simplement illustré d’extraits du film de Léo Joannon. Ollé-Laprune parle dans une petite salle de projection vide durant vingt minutes environ. Ollé-Laprune résume la bio-filmographie du cinéaste Léo Joannon, raconte la genèse du film et narre quelques anecdotes de tournage. J’avoue n’avoir pas très bien saisi les tenants et aboutissants du procès intenté vers 1940 par Raymond Bernard à Joannon. J’avoue aussi légèrement sourire lorsque Ollé-Laprune énonce que l’hostilité à la bureaucratie était une des marques de ralliement au fascisme du régime de Vichy : il doit y avoir beaucoup de vichyssois en France aujourd’hui, à ce compte-là ! Ollé-Laprune ne précise d’ailleurs même pas que le grand acteur Pierre Fresnay avait été décoré de la Francisque par le Maréchal Pétain. Il ne dit pas un mot non plus de la participation de Denys de la Patellière au tournage et à l’écriture. On ne peut pas tout savoir ni tout dire en vingts minutes et, de toute manière, ce type d’édition spéciale « light » est fondamentalement vain et frustrant mais les éditeurs français l’adorent, sans doute pour raison pécuniaire. Filmer quelqu’un en train de parler, c’est ce qui coûte le moins cher : les télévisions ont bâti leur empire financier sur ce principe. Ni galerie affiches ni galerie photos françaises d’exploitation ni même de plateau ou tournage, ce qui est, comme toujours, regrettable. Gaumont n’aurait pas pu fournir le jeu complet des photos d’exploitation et l’affiche originale ? Passons : ce qui semble une évidence aux USA paraît impossible en France, on se demande toujours pourquoi ? Même pas de bande-annonce originale, ce qui l’est moins.

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Le Défroqué

Image - 5,0 / 5

Full HD 1080p au format original 1.37 N&B compatible 16/9. Image argentique très bien restaurée et nettoyée. Définition à tomber par terre de qualité et de précision. Excellente gestion des noirs et dosage équilibré entre grain d’origine et lissage numérique. Un exemple de ce qu’il faut faire. Dorénavant l’édition de référence sur le plan technique.

Son - 5,0 / 5

VF en DTS HD Master audio 2.0 mono restaurée : bon équilibrage dialogues-musique-effets sonores. La version pour sourds et malentendants est en option : son sous-titrage est graphiquement agréable et intelligemment réparti, de manière à être suivi intuitivement, comme toujours chez Gaumont. Pour de tels films classiques, édités en Blu-ray multirégions ABC, il faudrait tout de même aussi songer au sous-titrage anglais : les cinéphiles du monde entier pourraient ainsi y avoir accès plus aisément, l’obstacle de la langue une fois franchi.

Le Défroqué

Crédits images : © Gaumont

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony