Jugement à Nuremberg (1961) : le test complet du Blu-ray

Judgement at Nuremberg

Réalisé par Stanley Kramer
Avec Spencer Tracy, Burt Lancaster et Richard Widmark

Édité par Rimini Editions

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Le 06/05/2019
Critique

Une ambitieuse reconstitution historique, au casting époustouflant, pour un sujet capital.

Jugement à Nuremberg

Nuremberg, Allemagne 1948 : l’armée américaine d’occupation organise le procès de juges nazis en fonction de 1933 à 1945. Le juge Haywood, nommé président de la cour, s’installe dans un ancien hôtel particulier ayant appartenu à un général allemand exécuté dont la veuve sympathise, en apparence, avec lui. Haywood réalise rapidement que ni les Allemands ni les Américains ne souhaitent voir les accusés trop lourdement condamnés. Tandis qu’Haywood est de plus en plus intrigué par le comportement de l’accusé Janning qui maintient un silence obstiné, l’armée soviétique déclenche le siège de Berlin-Est.

Jugement à Nuremberg (USA 1961) du dynamique producteur-réalisateur Stanley Kramer (1913-2001) est une ambitieuse reconstitution historique durant environ 180 minutes. Il coûta 3 millions de US$, en rapporta 6 millions durant son exclusivité américaine et 10 millions au total sur son exclusivité mondiale à la fin de l’année 1961. Son casting de stars (dans des rôles parfois inattendus : Clift et Garland notamment) y était évidemment pour beaucoup mais pas seulement : le sujet lui-même fut traité d’une manière à la fois ample et intellectuelle sur le plan de l’écriture, régulièrement inspirée sur le plan plastique. Sa première audace est le choix du héros autour duquel tout s’organise et qui est l’enjeu premier du suspense : un juge âgé, à la retraite, découvrant l’Allemagne en ruines pour la première fois de sa vie et soumis aux pressions morales, politiques et affectives de son entourage privé comme professionnel. Spencer Tracy est extraordinaire dans ce rôle.

Il ne faut pas attendre du scénario ni de la mise en scène une rigueur documentaire absolue : Kramer n’est pas non plus Claude Lanzmann. Selon certaines sources, si le procès de Nuremberg (de 1945 à 1948 ou 1949 selon qu’on prend en considération ou non l’aspect purement administratif plutôt que l’aspect strictement judiciaire) donna lieu à 12 procès distincts, celui des juges nazis aurait eu lieu non pas en 1948 mais en 1947. Le camp de concentration de Dachau n’est pas si près de Nuremberg que Heywood le dit à un moment puisqu’ils sont séparés par une distance variant, en voiture, de 160 à 190 kilomètres. Un connaisseur à l’oeil aiguisé a noté que la police militaire US est équipée de fusils anglais Lee Enfield au lieu de fusils M1 Garand réglementaires. On pourrait, et on ne s’en est pas fait faute sur les sites internet anglophones, multiplier les exemples d’approximations mais cela n’a pas vraiment d’importance rapporté à l’essence philosophique du sujet : la validité du droit positif comparée à celle du droit politique de l’État. A ce thème classique de philosophie politique depuis l’antiquité grecque classique (*) jusqu’à nos jours, sont superposés d’autres thèmes de philosophie morale et même de philosophie de la guerre. C’est toute la valeur du script et du casting que de les rendre sensibles et tangibles au spectateur à travers leur incarnation dans des personnages en situation, par la grâce d’un casting très inspiré et d’une écriture très attentive.

Jugement à Nuremberg

Kramer tourna les extérieurs en Allemagne, en 1961 à Berlin et à Nuremberg : inévitablement, tout comme dans le Berlin Express (USA 1948) de Jacques Tourneur, il en résulte un effet de réel. Même si les ruines sont en 1961, en partie, des transparences, notamment au début. Autre effet de réel : l’utilisation par le procureur joué par Widmark de documentaires tournés dans un camp de concentration. Le tout premier documentaire projeté en novembre 1945 sur grand écran dans la salle d’audience par le procureur Jackson à Nuremberg (**) aurait été celui tourné par Ray Kellog, assistant de John Ford et futur co-réalisateur du remarquable Les Bérets verts (USA 1968) de John Wayne. Reprendre l’idée en 1961 venait certes 5 ans après Nuit et brouillard (Fr. 1956) d’Alain Resnais et 15 ans après Le Criminel (The Stranger) (USA 1946) d’Orson Welles mais il n’était pas si fréquent qu’une superproduction hollywoodienne utilisât ce genre de matériel. Le Bal des maudits (The Young Lions) (USA 1958) d’Edward Dmytryk, superproduction également jouée 5 ans plus tôt par Schell et Clift, avait consacré plusieurs séquences à la découverte des camps mais ils étaient reconstitués fragmentairement, comme décors et non pas comme fragments réels insérés dans une continuité dialoguée.

Surtout, Stanley Kramer a régulièrement des idées de mise en scène et de casting : la caméra tournant à 360° autour de Richard Widmark dans la salle d’audience (effet technique à tort regretté ensuite par Kramer); l’angoisse de Judy Garland (stupéfiante dans un rôle inattendu) hésitant à témoigner; le crayon utilisé par l’avocat joué par Schell pour déstabiliser le fermier stérilisé admirablement joué par Clift; le silence final de la veuve jouée par Marlene Dietrich filmée en clair-obscur; le zoom avant sur le visage du Ernst Janning joué par Lancaster (prénom et nom phonétiquement peut-être bien allusifs à l’acteur Emil Jannings) dans sa cellule. Autant d’instants qui restent à jamais fixés dans la mémoire du spectateur. Sans oublier le panneau final, à la cruelle ironie informative, concernant l’issue du procès achevé en juillet 1949.

(*) Antigone de Sophocle en constitue, surtout depuis son commentaire par G.W.F. Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit, encore aujourd’hui le plus bel exemple.

(**) Cf. Christian Delage, L’image comme preuve : l’expérience du procès de Nuremberg, Revue d’histoire Vingtième siècle, n°2001, Paris 1972, pp. 63-78.

Jugement à Nuremberg

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray 50 région B édité le 08 janvier 2019 par Rimini. Format image 1.66 N&B Full HD, son DTS Master Audio HD 5.1. VOSTF, Dolby Stéréo 2.0 VOSTF et 1.0 Mono VF d’époque. Durée du film : 179 min environ. Suppléments vidéo : portrait de Stanley Kramer par son épouse (USA 2004), conversation entre le scénariste Abby Mann et l’acteur Maximilan Schell (USA 2004), remarques d’Abby Mann sur le sens du scénario (USA 2004), film annonce original (USA 1961). Très belle illustration sur l’étui et le boîtier qui reprend les codes de l’affiche française originale de 1961, noire, blanche et rouge.

Jugement à Nuremberg

Bonus - 3,0 / 5

Hommage à Stanley Kramer (VOSTF, couleurs, durée 15 min. environ) : sa veuve Karen raconte comment, après un petit rôle dans L’Homme à l’affût (The Sniper) (USA 1952) d’Edward Dmytryk, son destin s’est progressivement lié à celui de son futur époux. Elle résume sa manière de produire les films et de travailler sur un tournage. Nombreuses photos de plateau et de tournages, nombreuses anecdotes de première main.

Conversation entre le scénariste Abby Mann et l’acteur Maximilian Schell (VOSTF, couleurs, durée 20 min. environ) : nombreuses anecdotes intéressantes sur la genèse du film cinéma à partir d’une série TV, sur Marlon Brando qui voulait le rôle et un souvenir intéressant de Schell concernant une idée de Brando pour le tournage du plan sur les marches de l’église du Sacré-Coeur dans Le Bal des maudits enfin sur la réception historique du film et les récompenses qu’il rapporta.

La Valeur d’un être humain (VOSTF, couleurs, durée 6 min. environ) : remarques additionnelles du même scénariste Abby Mann sur la genèse du scénario du film, illustrées de quelques photos de plateau et de tournage.

Film annonce original (USA 1961, 16/9 N&B, 3 min.) divisé en 7 segments correspondant aux 7 stars au générique mais l’ensemble est trop long - comme souvent à cette époque - et en état argentique médiocre.

Honnête édition spéciale qui reprend les suppléments de l’édition DVD NTSC zone 1 MGM de 2004 et (sauf la piste musique séparée) ceux de l’édition Blu-ray américaine de 2014 mais deux lacunes qu’il faudrait un jour combler : aucune information écrite ou graphique en supplément concernant les 12 véritables procès de Nuremberg (1945-1948) ni ce « procès des juges » qui fut le troisième et qui est le sujet du film; aucune galerie affiches et photos comprenant les jeux US et français d’exploitation de 1961.

Jugement à Nuremberg

Image - 4,0 / 5

Format large 1.66 N&B original respecté, compatible 16/9 Full HD 1920x1080p. C’est probablement le master vidéo Blu-ray édité en janvier 2018 par Kino Lorber dont la durée (179 min.) est identique à celui-ci. En novembre 2014 était sorti un précédent Blu-ray collector aux USA, édité par Screen Archives Entertainment Exclusive où la durée mentionnée du film était de 190 minutes donc 10 de plus que celle de Kino Lorber et de Rimini. La différence résidait dans le fait que cette édition 2014 présentait la possibilité de visionner le titre dans les conditions cinéma de l’époque avec son ouverture musicale, son entracte musical et sa fin musicale mais il n’y avait aucune modification sur le plan de l’image ni de la continuité, à part les 3 panneaux fixes « Overture » au début, « Intermission » au milieu, « End » ou « Exit » à la fin.

Copie argentique assez bien restaurée : plus aucune rayure ni traces de changement de bobines mais des poussières négatives et positives subsistent. Les plans de transitions des scènes tournées en extérieurs aux scènes reconstituées en intérieurs manifestent de légères variations de luminosité et de grain, en faveur des scènes d’intérieur. La haute définition rend plus sensibles à l’oeil les quelques (belles) transparences des ruines dans certains plans du début. Elle renforce l’ampleur de la profondeur de champ dans de nombreux très beaux plans signés Ernest Laszlo, en raison de la qualité du report. Noirs bien dégradés. Cette édition Rimini devient l’édition de référence pour la France.

Jugement à Nuremberg

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 5.0. et 2.0 Dual Mono VOSTF + VF d’époque Dolby Digital Dual Mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La mise en scène de l’espace sonore, durant les scènes de procès, est d’une grande précision car elle utilise les effets Dual Mono en fonction de l’emplacement des micros réels filmés dans chaque plan du tribunal. Je recommande la VOSTF 2.0 qui donnera une bonne idée de ce qu’on entendait au cinéma. STF globalement corrects et fidèles aux dialogues originaux. VF d’époque pertinente et soignée (c’est la voix française qui double Spencer Tracy depuis 20 ans qu’on entend ici : elle lui convient bien) mais moins dynamique et ample que la VO. La chanson Lili Marlene que la veuve jouée par Marlene Dietrich traduit fragmentairement de l’allemand pour le juge joué par Tracy au cours de leur promenade nocturne, fut réellement enregistrée durant la guerre par l’actrice. La musique d’Ernest Gold et le générique d’ouverture ont peut-être un peu inspiré la structure de celui du futur Croix de fer (RFA-GB 1977) de Sam Peckinpah qui est cependant nettement plus riche et sophistiqué, tant concernant l’une, également signée Gold, que concernant l’autre.

Crédits images : © Rimini Editions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 4 juin 2019
Une superproduction au casting de stars, inspirée par l'un des procès authentiques de Nuremberg : celui des juges nazis. Mise en scène dynamique et régulièrement inspirée, en partie filmée sur les lieux mêmes de l'action pour davantage d'authenticité.

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