Class 1984

Class 1984 (1982) : le test complet du Blu-ray

Class of 1984

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Mark L. Lester
Avec Perry King, Merrie Lynn Ross et Timothy Van Patten

Édité par ESC Editions

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Le 05/06/2019
Critique

Le film barbare et prémonitoire de Mark Lester !

Class 1984

Class 1984 (Class of 1984, USA 1981) de Mark Lester marque une date dans l’histoire du film noir policier américain comme dans celle du cinéma de la violence. Héritier d’une double lignée de classiques consacrés à la délinquance juvénile d’une part et à la violence en milieu scolaire d’autre part, il était inspiré de faits authentiques. Attaqué par la majorité des critiques français au moment de sa sortie à Paris le 29 septembre 1982, il bénéficiait pourtant, de toute évidence, d’une excellente interprétation, d’une écriture soignée, d’idées de mise en scène régulièrement impressionnantes sur le plan plastique. Son succès public et commercial fut donc une revanche méritée sur la myopie critique.

Class 1984 allait, sur le plan de la violence graphique, bien plus loin que les classiques Graine de violence ( Blackboard Jungle, USA 1955) de Richard Brooks, Jeunesse droguée (High School Confidential, USA 1958) de Jack Arnold et Escalier interdit (Up the Down Staircase, USA 1967) de Robert Mulligan dont il héritait bien évidemment. Le scénario opérait en outre un retournement total et lucide qui n’excusait plus la délinquance juvénile par des arguments sociaux ou psychologiques mais la considérait définitivement comme la pure manifestation du mal et comme le symptôme d’une régression de la civilisation à la barbarie. Cette évolution trouve un point d’achèvement logique, quinze ans plus tard, dans l’inégale mais intéressante et parfois assez bonne série The Substitute (USA 1996) de Robert Mandel, The Substitute 2 (USA 1998) de Steven Pearl, The Substitute 3 (USA 1999) de Robert Radler, Substitute 4 (USA 2001) de Robert Radler. Il faut bien séparer cette évolution thématique de celle, parallèle et surajoutée depuis par l’actualité mais distincte, des meurtres de masse commis à l’arme légère par des adolescents américains psychopathes au sein de leurs institutions d’enseignement et qui constituent le sujet de l’assez bon <Elephant (USA 2003) de Gus Van Sant.

Class 1984

Class 1984 débute d’une manière documentaire réaliste, se transforme en film noir, s’achève presque en film fantastique d’horreur et d’épouvante : intéressante trajectoire sur le plan esthétique qui aboutit à un résultat régulièrement baroque. La construction du scénario ménage une montée régulière en puissance qui culmine crescendo au cours des vingt dernières minutes : viol, mutilation, meurtres par le feu, le fer ou la corde durant lesquels la photographie distille quelques plans infernaux aux dominantes rouges et noires, des travelling prononcés et des plans aux impressionnantes profondeurs de champ. Class 1984 constitue encore aujourd’hui - bien davantage que le surfait Orange mécanique (GB 1971) de Kubrick qui se voulait une parabole située dans un futur indéterminé mais lointain alors que Class 1984, tourné en 1981, se veut un quasi-constat situé dans un futur presque immédiat et quasiment présent - le film-charnière et prophétique de la catégorie précise à laquelle il appartient dans l’histoire américaine du genre.

Outre-Atlantique, côté Angleterre et Europe continentale, le film de Lester avait été précédé par des titres aussi divers et remarquables que La Jeunesse du massacre (I Ragazzi dei massacro, Ital.1969) de Fernando di Leo ou que Les Assassins au collège (Unman, Wittering and Zigo, GB 1971) de John McKenzie mais leur ampleur sociologique était anecdotique et moindre en pertinence que celle de Class 1984.

Class 1984

Présentation - 5,0 / 5

1 Blu-ray + 1 DVD zone 2 PAL + 1 livret illustré 16 pages de Marc Toullec, édition collector le 07 mai 2019 par ESC - durée du film 98 min. environ - Image : 1.85 couleurs compatible 16/9, Full HD sur le Blu-ray - Son VOSTF DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 + VF d’époque en DTS HD MA 5.1 sur le Blu-ray - Suppléments du Blu-ray :  We Are the Future » : entretien autour du film avec Olivier Père (2019, 26’56”), « History Repeats Itself » : entretiens avec Mark L. Lester et Lalo Schifrin (2015, 21’01”, VOST), « The Girls Next Door » : entretiens avec Erin Noble et Lisa Langlois (2015, 16’18”, VOST), « Do What You Love » : rétrospective de la carrière de Perry King (2015, 46’56”, VOST), « Blood and Blackboards » : entretiens avec l’équipe du film (2006, 35’36”, VOST), 3 bandes-annonces (1982, 3’21”, VO). Seul le Blu-ray a été testé.

Livret de 16 pages : richement illustré, situant bien le titre dans l’histoire du cinéma (mis à part la comparaison de Lester avec Corman qui me semble un peu excessive : Lester n’avait clairement pas à son actif, en 1980, une carrière ni une filmographie équivalente à celle de Corman) et contenant de nombreuses précisions de première main, par exemple le témoignage intéressant de Timothy Van Patten qui complète les témoignages des autres acteurs rassemblés dans les suppléments vidéo. Attention à la confusion habituelle, commise ici page 7 par Toullec : Perry King ne joue pas dans Exterminator (Le Droit de tuer) (USA 1980) de James Glickenhaus mais dans L’Exterminateur (Search and Destroy, Canada 1979) de William Fruet. Ce croisement aberrant entre titres originaux et titres d’exploitation française est une source permanente de confusion dans l’histoire du cinéma, raison pour laquelle il faut systématiquement citer les films ainsi : titre français + titre original + pays de production, année de copyright + cinéaste réalisateur signataire. De telles erreurs deviennent ainsi impossibles. Les déclarations du cinéaste Mark Lester redoublent souvent celles entendues de la bouche du même Lester dans les suppléments mais elles contiennent certains éléments complémentaires intéressants : on y confirme les statistiques ahurissantes des actes de violence dans les lycées américains au moment du tournage et Lester lui-même y confirme son désir de tourner un remake actuel. A noter, à ce propos, que l’idée que le titre constituerait une allusion au classique roman de politique-fiction 1984 de Orwell n’est reprise par aucun des témoignages écrits ici rapportés et demeure donc non élucidée : c’est peut-être en France, en fin de compte, qu’on a imaginé cette possibilité alors qu’elle était tout bonnement absente de l’esprit du producteur-réalisateur et des scénaristes ?

Class 1984

Bonus - 5,0 / 5

Mis à part l’entretien 2019 avec Olivier Père, une partie des autres bonus proviennent directement de l’édition collector Blu-ray américaine Shout Factory éditée en 2015, à l’exception du commentaire audio de Mark Lester qui n’a pas été repris et à l’exception du bonus plus ancien de 2006 qu’on trouvait sur une ancienne édition DVD américaine.

We Are the Future : entretien autour du film avec Olivier Père (2019, 26’56”) est une bonne présentation. On y examine la situation du titre dans la filmographie du cinéaste et du scénariste; on y procède à un rapide examen thématique et esthétique dans le cadre du film noir et du film fantastique. On y délivre des remarques sur l’illustration du mouvement punk dans l’histoire du cinéma, sur la carrière des différents acteurs principaux, sur le succès du titre en VHS. Olivier Père n’est pas convaincu par la sincérité des déclarations de Lester concernant la réalité des faits qui auraient inspiré le film et insiste sur l’aspect bande-dessinées du gang qui contredirait le réalisme revendiqué. Il est le seul à noter que le titre comporte peut-être une allusion au roman de politique-fiction 1984 de Orwell mais c’est une hypothèse qu’il n’étaye pas sur un témoignage écrit ou oral. Je me demande si Lester y a vraiment pensé, en fin de compte ? Il s’agissait peut-être simplement, dans son esprit, d’ajouter quelques années à 1981 pour obtenir un « futur immédiatement proche » vraisemblable ? Olivier Père est aussi le seul à fournir l’identification de la séquence visionnée par Stegman sur son canapé : un film B antérieur de Lester. Je suis d’accord avec lui : il s’agit d’un savoureux clin d’oeil référentiel et intellectuel répondant par l’ironie à l’éternel pseudo-débat sur la violence générée par l’image de la violence. Si Père s’intéresse à la réception critique du film en France, je lui suggère au passage de se procurer l’ancien DVD français édité par PVB pour lequel j’avais rassemblé l’essentiel des critiques françaises publiées en 1982.

Class 1984

History Repeats Itself : entretiens avec Mark Lester et Lalo Schifrin (2015, 21’01”, VOSTF) : intéressant à cause de la section filmant Lester qui est très riche en informations de première main (par exemple la très savoureuse anecdote de la substitution accidentelle de la version classée X à la version censurée au moment de la sortie américaine au cinéma) mais on n’apprendra en revanche pas grand chose sur la technique musicologique de Schifrin.

The Girls Next Door : entretiens avec Erin Noble et Lisa Langlois (2015, 16’18”, VOSTF) : suplément nourri en anecdotes de première main sur le tournage canadien à Toronto, sur les différences entre une production américaine et une production canadienne. Intéressant d’un bout à l’autre. A noter que Lisa Langlois (rôle de la redoutable tueuse perverse punk) est encore aujourd’hui très belle. Autre avantage : on entend bien mieux sa jolie voix grave que dans le film où son rôle était presque muet (mais inoubliable).

Do What You Love : rétrospective de la carrière de Perry King (2015, 46’56”, VOSTF) : personnalité attachante, cultivée et riches anecdotes. Celle sur la discussion avec d’autres acteurs, dans la file d’attente d’un guichet de l’agence nationale pour les chômeurs, est inoubliable. Celles sur l’actrice Margaux Hemingway, à propos de Viol et châtiment (Lipstick, USA 1976) de Lamont Johnson, sont frappées au coin du destin le plus étonnant. On retiendra surtout celles sur Mandingo (USA 1975) de Richard Fleischer et sur Class 1984. Rien sur Bande de flics (The Choirboys, USA 1977) de Robert Aldrich, en revanche.

Class 1984

Blood and Blackboards : entretiens avec l’équipe du film (2006, 35’36”, VOSTF) : fait un peu double-emploi avec les bonus plus récents de 2015 tournés pour Shout Factory mais il faut néanmoins le visionner en raison des précisions additionnelles que délivre Lester et qui sont souvent passionnantes. Par exemple celle sur l’ajout d’un unique plan à la version finale, à la demande du producteur et distributeur Mark Damon - ce même Mark Damon qui, alors jeune acteur, marchait dans les brumes de la maison Usher filmée par Corman en 1960 puis dans celles environnant la maison des Wurdalak filmée par Mario Bava en 1963 ! - ou bien celle sur les ahurissantes projections publiques organisées par les « majors ». On n’oublie d’ailleurs plus, une fois qu’on l’a entendue, la savoureuse anecdote Paramount qui projeta le film, à la suite d’une méprise, à un public composé presque exclusivement d’adolescentes venues avec leurs mères.

Trois bandes-annonces (1982, 3’21”, VO sans STF) : il s’agit, plus précisément, de la bande-annonce cinéma (au format large) et des spots TV et VHS (au format 4/3). A noter que le copyright du film est 1981 sur le long-métrage, 1982 sur certaines bandes-annonces : décalage assez fréquent dans l’histoire de l’exploitation. État argentique assez bon, état vidéo assez bon aussi.

Au total, la richesse des suppléments additionnée au livret constitue dorénavant cette édition en édition collector de référence p>pour la France. Elle complète bien, en outre, les suppléments plus légers quantitativement mais intéressants de l’ancienne édition spéciale DVD française éditée en 2003 par PVB.

Class 1984

Image - 3,0 / 5

Full HD au format original 1.78 légèrement recadré par rapport au 1.85 original, en 16/9 compatible 4/3. C’est le master vidéo édité aux USA en 2015 par Shout Factory. Du coup, on se retrouve avec un master qui n’est pas moins bon que le master américain (puisque c’est le même) mais qui n’est pas meilleur non plus. Cela dit, la copie argentique (un interpositif, selon Shout Factory) est bien restaurée (mises à part deux petites déchirures d’une fraction de seconde vers 37’40” et vers 54’29” et quelques poussières plus discrètes). La numérisation préserve le grain d’origine. Les scènes nocturnes bénéficient d’une bonne définition (aucune rémanence) et de bons contrastes. La gestion de la colorimétrie respecte les choix photographiques initiaux. On verra peut-être arriver, dans une dizaine d’années, une future édition UHD 4K en pur 1.85 respecté. En attendant, ce Blu-ray Full HD fera tour de même l’affaire car la Full HD lui apporte un plus déterminant sur très grand écran.

Reste qu’on peut se demander pourquoi les Américains sont capables de fournir un master DVD au format strictement respecté en 2003 à PVB Editions et pourquoi ils le recadrent légèrement sur le master Blu-ray en 2015 ? C’est probablement, encore une fois, du côté de l’absurde volonté unificatrice des diffuseurs TV que la réponse se trouve : leur rêve serait que tout soit en 1.78 ou 1.77, donc en pur 16/9. Rêve pas moins absurde que celui qu’ils nourrissaient au siècle dernier durant lequel ils exigèrent de tout diffuser en 1.37, donc en pur 4/3. La TV mondiale se nourrit du cinéma et le finance partiellement mais elle demeure l’ennemi fondamentale de sa créativité, y compris en matière de variétés de formats.

Class 1984

Son - 5,0 / 5

VOSTF et VF d’époque en DTS HD MA audio 5.1. + VOSTF en DTS-HD Master Audio 2.0 : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. On profite pleinement de la partition discrète mais régulièrement impressionnante d’efficacité de Lalo Schifrin. La chanson « punk » d’Alice Cooper a valeur historique. Quand au « concerto piano de Stegman » c’est une improvisation du comédien, exécutée sans partition aucune : le détail mérite d’être connu et on le trouve dans le livret de Toullec, parmi d’autres non moins intéressants. Excellent équilibrage d’ensemble. La remastérisation 5.1 est efficace mais je recommande la piste 2.0 si on veut écouter une piste plus proche de la piste historique d’origine.

Crédits images : © ESC Éditions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 6 juin 2019
Le film barbare et prémonitoire de Mark Lester !

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