Terreur sur le Britannic (1974) : le test complet du Blu-ray

Juggernaut

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Richard Lester
Avec Richard Harris, Omar Sharif et David Hemmings

Édité par Wild Side Video

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Le 10/10/2019
Critique

Film-catastrophe et film policier : alliage impressionnant soutenu par un scénario rigoureux, une mise en scène sophistiquée.

Terreur sur le Britannic

Londres et océan Atlantique 1974 : le paquebot anglais « Britannic » appareille pour une croisière vers les U.S.A. Un criminel se dénommant « Juggernaut » annonce à Nicolas Porter, directeur de la société Sovereign Line qui exploite le navire, qu’il est miné par 7 bombes, activées par un mouvement d’horlogerie. Ses 1200 passagers mourront dans 22 heures si elles explosent simultanément à moins qu’une rançon de 500.000 £ ne soit versée. Le gouvernement britannique refuse l’extorsion par la terreur : il confie l’enquête à la police, le déminage à l’armée; un compte à rebours infernal est alors enclenché.

Terreur sur le Britannic (Juggernaut, GB 1974) de Richard Lester est le titre de sa filmographie qui fut le plus diffusé à la télévision française, en raison des audiences qu’il suscitait. Le public ne s’y trompait pas car c’est probablement son chef-d’oeuvre. Cet artisan qui toucha à tous les genres, s’y avéra réellement inspiré.

Le scénario original du co-producteur Richard Alan Simmons (alias « Richard de Koker » : Simmons préféra signer par un pseudonyme car il n’apprécia pas certaines modifications apportées à son script par Lester et un second scénariste) mélange brillamment film policier et film-catastrophe grâce à un argument sinon inédit (*) du moins rarement vu au cinéma sous une forme aussi remarquablement cauchemardesque et technologique à la fois. D’autre part, sa critique sociologique et politique acérée débouche sur un symbolisme non seulement moral mais religieux. Freddie Jones incarne un personnage d’essence satanique au sens purement théologique du terme. Le nom de code « Juggernaut » qu’il se donne - et qui confère au film son titre original - est celui de la divinité hindoue Vishnu et on peut le traduire par « maître du monde ». Par dérivation, le terme a, en anglais comme en américain, le sens d’une force écrasant tout ce qui s’oppose à son passage. Ce scénario de Koker fut ensuite romancé par Al Hine sous la forme d’une « novelisation » dans un livre dont la traduction française fut publiée aux éditions Presses de la Cité en 1975. Je la recommande aux lecteurs intéressés par la question des rapports de l’écrit au cinéma : les personnages et le rythme du suspense y sont modifiés d’une manière parfois significative.

Terreur sur le Britannic

Doté d’un budget très confortable, tourné sur un navire réel (**) et dans l’Atlantique Nord, muni d’un casting masculin remarquable, Lester allie en virtuose l’humour et l’ironie à une terreur et à un suspense démentiels : à partir de la 65ème minute, l’exercice de style devient virtuose. La vision du monde construite de cette manière impressionniste, par petites touches précises provoquant une progressive asphyxie morale et mentale face à la peur, aboutit parfois à un curieux symbolisme : par exemple, ces plans de billes métalliques dispersées dans un cube ou oscillant entre des aimants sans pouvoir s’y fixer. Ils sont typiques de sa manière mi-réflexive, mi-incisive de filmer ce cauchemar. Les expérimentations photographiques et les prouesses techniques du directeur de la photographie Gerry Fisher (B.S.C.), du cadreur Ernest Day et du monteur Anthony Gibbs traduisent plastiquement cette folie criminelle glacée et absolue, contaminant le moindre élément du réel, modifiant la perception au moyen de grands-angles, de plans filmés en macro-cinématographie, de raccords et d’enchaînement précis et somptueux. Ces éléments, parfois quasi-expérimentaux, s’allient à une syntaxe classique dont le brio, la virtuosité, l’efficacité sont constants. Terreur sur le Britannic demeure un des films anglais des années 1970 les plus brillants techniquement parlant. Ce film unique dont on ne ressort pas tout à fait indemne, ne fut pas un succès au box-office international. Peut-être en raison du fait qu’il introduisait dans ce spectacle destiné au grand public familial une réelle virulence plastique, morale et philosophique. C’est pourtant bien elle qui maintient, encore aujourd’hui, son intangible et redoutable efficacité.

(*) Voir, par exemple, la savoureuse première partie du Le Peuple des abîmes (The Lost Continent, GB 1968, Hammer film) de Michael Carreras.

Terreur sur le Britannic

(**) Le paquebot « Hamburg » fut repeint, durant sa location par la société de production, aux couleurs fictives du « Britannic » avant d’être vendu à une société russe. Le « Britannic » avait réellement existé : c’était le paquebot jumeau du « Titanic ». Il fut coulé par une mine allemande en 1916 durant la Première guerre mondiale alors qu’il faisait office de navire-hôpital pour la marine militaire britannique. Il y a, en outre, au moins deux allusions directes au « Titanic » dans le dialogue  : Roy Kinnear fait allusion à l’iceberg qui le coula et on y emploie l’expression « a night to remember » qui renvoie, pour les spectateurs anglais, à Atlantique Latitude 41 (A Night to remember, GB 1958) de Roy Ward Baker, une des versions cinématographiques classiques de l’histoire du « Titanic ». Les figurants de 1974 furent, pour leur part, recrutés par petites annonces dans les journaux, spécifiant qu’ils profiteraient d’une croisière certes gratuite mais que les conditions météorologiques seraient les plus dures possibles, en raison des exigences du scénario. Ces précisions matérielles sont ignorées ou passées sous silence par la présentation de Saada qui ne pouvait, de toute manière, pas tout dire non plus en une demi-heure.

Terreur sur le Britannic

Présentation - 4,0 / 5

1 combo Digipack Blu-ray BD 50 + DVD 9, édité par Wild Side Vidéo le 02 octobre 2019. Durée du film : 109 min. environ sur Blu-ray et 106 min. environ sur DVD. Blu-ray Full HD 1080p AVC : image 1.66 original compatible 16/9 Panavision couleurs DeLuxe + son VOSTF + VF d’époque DTS HD Master Audio 1.0. Suppléments : Entretien avec Nicolas Saada sur Richard Lester (durée 28 min.) + film-annonce (durée 2 min. 55 sec.). Très belle illustration 2019 de jaquette, épurée et sobre, qui me semble plus belle que l’affiche originale française cinéma de 1974. Seul le Blu-ray a été testé.

Terreur sur le Britannic

Bonus - 4,0 / 5

L’ancienne édition DVD française MGM de 2005 était dénuée de tout supplément et l’édition américaine Kino Lorber de 2014 n’offrait qu’une bande-annonce. Cette édition spéciale Wild Side Vidéo de 2019 rend mieux justice au titre en présentant non seulement ladite bande-annonce originale (au format large respecté, VOSTF, durée 2’50”, intéressante car son commentaire en voix-off considère que tout le mérite de la lutte contre Juggernaut revient à Fallon, présentant les autres intervenants comme des incapables en dépit de leurs efforts évidents) mais encore une substantielle présentation de Nicolas Saada qui situe Lester dans l’histoire du cinéma, apporte d’intéressantes précisions (que j’ai complétées dans ma critique et dans ses notes) au demeurant sur la genèse et le tournage de Terreur sur le Britannic, enfin commente plusieurs séquences d’une manière précise et souvent intéressante, mis à part quelques paraphrases et quelques redondances, presque inévitables étant donnée la nature de l’exercice. Saada rappelle que le cinéaste Steven Soderbergh revendique Lester comme son maître cinématographique et qu’il lui consacra un livre d’entretien. Nombreux extraits du film en guise d’illustration : à ne visionner qu’après ce dernier, donc. Le menu principal est mignon mais il dévoile d’emblée quelques plans du film, nuisant là encore un peu au suspense. Une lacune : l’absence d’une galerie affiches et photos. On peut observer une fraction de seconde une affiche durant la présentation maigre consolation car le beau jeu français de photos d’exploitation de 1974 valait assurément la peine d’être reproduit.

Terreur sur le Britannic

Image - 5,0 / 5

Format original 1.66 respecté et compatible 16/9, copie argentique bien restaurée, transfert vidéo Full HD de la photographie Panavision couleurs DeLuxe, signée par le grand directeur photo Gerry Fisher (B.S.C.). Cette édition Wild Side de 2019 constitue un progrès considérable par rapport à l’ancienne et anémique édition DVD MGM de 2005 qui était dotée d’une image en 1.66 certes respecté mais seulement compatible 4/3, d’une copie argentique sale et d’un master vidéo médiocre. Cette édition Wild Side est de facto la première à restituer la splendeur plastique du film.

Terreur sur le Britannic

Son - 5,0 / 5

VOSTF en DTS HD Master Audio Mono 1.0. + VF d’époque en Dolby Digital Mono. Sans surprise, les dialogues sont souvent au premier plan par rapport aux effets sonores et à la musique, résultat inévitable du son mono original de 1974. Mais l’efficacité des effets sonores est restituée d’une manière très dynamique lorsqu’ils se présentent et la balance générale est soignée. La VF d’époque est pertinente psychologiquement et ses voix collent parfois même mieux aux personnages que leurs propres voix originales : le doublage du comédien Freddie Jones par Jean Topart est, notamment, tout à fait remarquable. Il est vrai que Topart jouait Sophocle à l’ORTF dans les années 1960. La devise latine (Fluctuat nec mergitur) de la Ville de Paris est citée mais d’une manière erronée. De telles erreurs peuvent avoir deux causes : leur présence telle quelle dans la VO reprise à l’identique dans la VF par négligence ou ignorance du latin, ou bien le souci prédominant de respecter le mouvement des lèvres, quitte à faire prononcer une formule erronée au doublage. Belle musique, sobre mais souvent élaborée, voire sophistiquée, signée Ken Thorne et bien employée aux moments-clés de l’action. Elle est, paradoxalement, plus en évidence sonore dans la VF que dans la VO : d’habitude c’est l’inverse.

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 10 octobre 2019
Film-catastrophe et film policier : alliage impressionnant soutenu par un scénario rigoureux, une mise en scène sophistiquée.

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Multimédia
Terreur sur le Britannic
Extrait VOST

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