Le Corbeau (1935) : le test complet du Blu-ray

The Raven

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Lew Landers
Avec Boris Karloff, Bela Lugosi et Lester Matthews

Édité par Elephant Films

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Le 10/09/2020
Critique

Classique assez sadien et savoureux du cinéma fantastique, placé sous le signe d’Edgar Poe.

Le Corbeau

USA, une nuit de 1935 : la belle Jean est victime d’un terrible accident de voiture. Le docteur Vollin, passionné par l’oeuvre d’Edgar Poe, lui sauve la vie. Il tombe amoureux fou de sa patiente, une danseuse promise à un rival. Elle le remercie en l’invitant à son spectacle mais cela ne lui suffit nullement. Le père de la danseuse, un juge, devine mais s’oppose fermement à la passion de Vollin pour sa fille. Avec l’aide de Bateman, un criminel recherché et défiguré qu’il tient en son pouvoir, Vollin se vengera d’elle, de son père et de son fiancé en les invitant à une soirée mondaine apparemment anodine, en réalité le prélude à une nuit d’épouvante au cours de laquelle les pires supplices leur sont réservés. Pourront-ils en réchapper ?

Le Corbeau (The Raven, USA 1935) de Louis Friedlander réunit à nouveau deux stars du genre, à savoir Bela Lugosi et Boris Karloff, suite au succès financier considérable du Le Chat noir (USA 1934) de Edgar G. Ulmer dans lequel ils étaient réunis pour la première fois. Après Double assassinat dans la rue Morgue (Murders in the Rue Morgue, USA 1932) de Robert Florey puis le Edgar G. Ulmer de 1934, Friedlander signe ce troisième volet du cycle Poe distribué par la Universal. Si on compare ses scénarios à ceux du célèbre cycle plus tard produit et réalisé entre 1960 et 1964 par Roger Corman pour la A.I.P., il faut convenir que les adaptations de la Universal sont plus éloignées et lointaines des récits de Poe que celles produites par Corman. Cette adaptation de 1935 est peut-être bien celle qui est la plus fidèle à son esprit. Elle revendique en effet le parrainage de Poe non seulement par son titre éponyme (reprenant celui de son plus célèbre poème) mais encore par de nombreuses allusions nominales incluses dans le dialogue. Sans oublier l’emprunt important à l’histoire extraordinaire (écrite en prose) de Poe Le Puits et le pendule puisque les deux supplices principaux mis en oeuvre par le docteur Vollin en proviennent directement (il se vante de réaliser une action seulement imaginée par le poète) ni la citation du poème Le Corbeau, pendant le ballet dansé par la mignonne héroïne.

Le Corbeau

L’esprit de Poe et certains éléments de son oeuvre, flottent donc assurément sur Le Corbeau. Ils flottent aussi sur l’interprétation de Bela Lugosi, une des meilleures de sa filmographie. Boris Karloff (désigné au générique par son seul nom de famille) joue en revanche un peu les utilités (certes bien et sous un maquillage remarquable, une fois de plus créé par le talentueux Jack Pierce) empruntant parfois fugitivement certains gestes ou certaines idées dramaturgiques au personnage de la créature de Frankenstein qu’il avait incarnée en 1931 et, plus récemment en 1935 dans les deux classiques Universal signés James Whale. Le cinéaste Louis Friedlander a probablement voulu contrebalancer, par cette relative sobriété de Karloff, l’ampleur baroque de la prestation de Lugosi. Quoi qu’il en soit, Le Corbeau vieillit bien car il reprend le thème fondamental de l’âge d’or 1931-1939 du fantastique américain : le monstre (physique ou psychologique) amoureux mais repoussé par celle qu’il aime. Son montage est, en outre, parfois assez remarquablement sec et nerveux, ainsi qu’en témoigne la construction de son histoire : l’idée de la faire débuter par un accident de voiture inspirera d’ailleurs peut-être, plus près de nous, le début du remarquable Le Cirque des horreurs (GB 1960) de Sidney Hayers.

Le Corbeau

Le Corbeau repose, au moins autant que sur l’univers de Poe, sur un sadisme surréaliste utilisant les ressources du roman-feuilleton, voire du « serial » dont c’était alors l’âge d’or hollywoodien. Qu’on se souvienne des supplices du Masque d’or (The Mask of Fu Manchu, USA 1932) de Charles Brabin avec Karloff en vedette dans un rôle tout aussi sadien que celui de Lugosi ici ! Alors que F.W. Murnau faisait descendre la caméra, à la faveur d’un phantasme, d’un niveau à l’autre de l’espace dans son Phantom (Phantom, All. 1922), Le Corbeau s’offre en 1935 le luxe d’une maison où les chambres peuvent réellement monter ou descendre d’un cran physique à l’intérieur de la demeure du héros ! L’effet est bref mais assez démentiel par son baroque cauchemardesque et, encore aujourd’hui, remarquable d’efficacité. Autre signe d’un surréalisme authentique : il paraît que dans une version originale devenue invisible, Lugosi récitait à la fin le poème éponyme de Poe. Encore un mythe cinéphile inventé par le critique Jean Boullet dans ses articles des années 1950-1960 ou bien cette version a-t-elle vraiment existé ? Jean-Marie Sabatier, dans son livre Les Classiques du cinéma fantastique (éditions Balland, Paris 1973) lui accordait encore un chaleureux crédit car il la considérait cohérente avec l’esprit qui préside à la mise en scène du Corbeau.

Louis Friedlander (alias Lew Landers) fut un artisan modeste mais, lorsque ses producteurs lui permirent de donner cours à son inspiration, il s’éleva occasionnellement au rang de petit maître du cinéma fantastique. Il faudrait, à présent, qu’un éditeur français nous permette de visionner dans de bonne conditions cinéphiliques The Return of the Vampire (USA 1943) de Friedlander avec Lugosi également en vedette.

Le Corbeau

Présentation - 4,0 / 5

1 Combo Blu-ray + DVD, jaquette réversible, édité par Eléphant Films le 18 août 2020. Image N&B Full HD (sur Blu-ray) au format 1.37 compatible 16/9, 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 64 min. environ (Blu-ray) ou 61 min. environ (sur DVD). Livret 16 pages : les photos du film par Alain Petit. Suppléments : présentation par Eddy Moine, bandes-annonces.

Livret de photos (16 pages), présentées par Alain Petit. Intéressant florilège pictural rassemblant 2 affiches couleurs, des photos N&B ou monochromes sépia de tournage, de plateau, de production. Il manque, assez curieusement, à ce choix bien sympathique, la plus célèbre photo de plateau (numérotée en bas à gauche 734-32 lorsqu’elle est intégralement reproduite) montrant Lugosi frapper d’un fouet Karloff, sous la menace d’un revolver.

Le Corbeau

Bonus - 4,0 / 5

Présentation par Eddy Moine (2020, N&B + couleurs, durée 13 min. environ) : situation du titre dans l’histoire du cinéma fantastique, dans celle de la Universal, dans celle de la carrière du cinéaste Louis Friedlander et dans celle des deux stars Bela Lugosi et Boris Karloff. Nombreuses illustrations d’époque : affiches, photos de plateau, photos de tournage, photos de presse. L’ensemble est bien monté et bien filmé. L’élocution de Moine est cependant, parfois, un peu trop rapide et pas assez bien articulée mais il délivre, en peu de temps, une honnête quantité d’informations. Moine ne dit rien d’une fin mythique (coupée au montage ou perdue ou… simplement rêvée par certains critiques français des années 1950-1970) dans laquelle Lugosi aurait déclamé le poème de Poe, The Raven.

Bandes-annonces de films fantastiques édités par Eléphant Films : on doit les diviser en deux sections, les films-annonces d’époque et ceux montés par Eléphant.

A la première catégorie, la seule détenant une valeur historique réelle, appartiennent les bandes-annonces, en état argentique variant du mauvais au très bon, de Double assassinat dans la rue Morgue (Murders in the Rue Morgue, USA 1931) de Robert Florey en VOSTF, L’Île du docteur Moreau (Island of Lost Souls, USA 1932) de Erle C. Kenton en VOSTF, Vendredi 13 (Black Friday, USA 1940) d’Arthur Lubin, Night Monster (USA 1942) de Ford Beebe en VOSTF, L’Homme aux mille visages (USA 1957) de Joseph Pevney en VF d’époque et format 2.35 Scope N&B.

A la seconde catégorie, appartiennent celles de Le Chat noir (USA 1934) d’Edgar G. Ulmer et de Le Château de la terreur (The Strange Door, USA 1951) de Joseph Pevney : ces deux-là ne sont pas les films-annonces originaux mais de simples montages réalisés par Eléphant.

Galerie photos : une douzaine de photos de plateau, de production et de tournage, intégralement cadrées (par rapport à certaines identiques du livret, un peu recadrées, puisqu’on n’y lit plus le numéro de série). On n’y voit pas non plus la fameuse photo de plateau n°734-32 dont je regrettai déjà l’absence dans le livret.

Bonne édition spéciale qui remplace avantageusement les anciennes éditions DVD françaises.

Si on souhaite monter d’un cran vers une véritable édition collector et si ― et seulement si ― on est anglophone, alors on peut aussi se tourner vers l’édition Blu-ray américaine Shout Factory sortie en 2019, notamment munie de deux commentaires audio d’historiens du cinéma et d’une considérable galerie consacrée au matériel publicitaire.

Le Corbeau

Image - 4,0 / 5

Format 1.37 N&B compatible 16/9, Full HD 1080p. Les images de la première bobine (générique et séquence d’ouverture) sont en état argentique inégal mais, ensuite, elles sont très bien jusqu’à la fin, sauf quelques plans de coupe, mineurs et visiblement rapportés (éclairs, branches d’arbres qui bougent sous l’effet du vent) à la définition et au grain un peu différents de ceux du restant de la continuité. Dorénavant l’édition française de référence en Full HD, remplaçant avantageusement les anciennes éditions DVD.

Son - 4,0 / 5

VOSTF mono DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital Dual Mono (sur DVD) bien reportée : dialogues, musique et effets sonores sont nets. Leur dynamisme varie d’une séquence à l’autre car le niveau d’enregistrement varie en intensité mais l’ensemble est bon, surtout compte tenu de l’âge du titre. Aucune VF d’époque proposée bien que le film soit sorti en France en 1935, donc très probablement assorti d’une VF, comme la majorité ― mais, il est vrai, pas la totalité non plus ― des films sortis chez nous en 1930-1945. Si Universal l’a égarée, on ne peut blâmer Eléphant de ne pas la retrouver. Si elle n’a jamais existé, ce qui demeure du domaine du possible, on le peut encore moins. Mais on aimerait en avoir le coeur net : la présentation de Moine ne souffle pas un mot sur la question. Il est d’autre part évident que la diction et l’accent hongrois de Lugosi se savourent en VO : aucun doublage ne pourrait les égaler. Donc même si une VF d’époque a existé, il n’y a pas trop lieu, pour une fois, de la regretter.

Crédits images : © Eléphant films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 11 septembre 2020
Classique assez sadien et savoureux du cinéma fantastique, placé sous le signe d’Edgar Poe.

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