Maigret tend un piège (1958) : le test complet du Blu-ray

Film noir policier français classique au sujet inspiré par Jack l’éventreur.

Paris, août 1958 : dans le quartier de la Place des Vosges, aux petites ruelles étouffées par une chaleur moite, un psychopathe assassine depuis le 1er Mai des femmes ayant toutes le même genre physique. Le commissaire Maigret, faute d’indice rapidement exploitable, arrête un faux coupable afin de rendre jaloux le véritable criminel, le pousser à tuer à nouveau afin de le prendre sur le fait, grâce à une souricière méticuleusement préparée. Pari risqué mais qui permet à l’enquête de rebondir. Elle mène Maigret de la Place des Vosges à la Rue de l’Étoile !

Maigret tend un piège (Fr.-Ital. 1958) de Jean Delannoy, sorti au cinéma à Paris le 29 janvier 1958, est un des meilleurs films noirs policiers français de la période 1950-1960. Adaptation par Delannoy, Arlaud et Michel Audiard (ce dernier responsable des dialogues) d’un roman homonyme écrit en 1955 par Georges Simenon, il emprunte évidemment une partie de son thème et certains éléments plastiques de sa mise en scène à la série cinématographique des Jack l’éventreur, auquel l’assassin parisien est d’ailleurs comparé par les gros titres des journaux, brièvement filmés et commentés par Maigret (joué par un Jean Gabin comme d’habitude excellent).

Certes, la mise en scène de Delannoy est très classique. Elle n’est pas habitée par le délire baroque victorien anglais ni par la folie expressionniste allemande occasionnellement manifestés par les cinéastes Alfred Hitchcock (GB 1926), John Brahm (USA 1943), Hugo Fregonese (USA 1953), Robert S. Baker & Monty N. Berman (GB 1959), James Hill (GB 1965) lorsqu’ils traitent le sujet. Il n’empêche que, dans l’histoire du film noir français, Maigret tend un piège demeure un des rares titres à soutenir la comparaison avec leurs films. Simenon comme Delannoy mettent en scène un psychopathe assez original, admirablement interprété par Jean Desailly. Les dialogues de Audiard sont, pour l’époque, d’une crudité assez frappante : non seulement la sexualité n’est pas éludée mais elle est très franchement abordée. L’histoire psychologique du criminel est soigneusement construite par le scénario et l’interprétation est d’une grande qualité des premiers aux plus petits rôles. Suspense maintenant la tension du début à la fin (y compris par le coup de théâtre final - certes un peu artificiel mais efficace - impliquant Annie Girardot et Lucienne Bogaert) sans oublier un peu de violence (deux assassinats sont filmés de près, dont un ou deux plans en caméra subjective) et d’érotisme (la compagne entrevue nue du gigolo, la prostituée arpentant lascivement la Rue de l’Etoile). Maigret tend un piège est une série A qui flirte occasionnellement mais réellement avec les appâts du cinéma-bis de la série B contemporaine.

Dans la filmographie du cinéaste Jean Delannoy (1908-2008), le fantastique (dont relèvent franchement certains des plus beaux plans nocturnes filmés), la peur et l’érotisme demeurent certes rares. Ce n’était pas sa tasse de thé. Raison de plus pour savourer ce Maigret tend un piège, résultat de l’étrange rencontre (« sur une table de dissection » comme eût dit Lautréamont) du cinéma de qualité français des années 1950-1960 avec le cinéma d’horreur et d’épouvante anglo-saxon, dont le héros inventé par Simenon demeure ici le fonctionnel médiateur. Delannoy fut injustement éreinté par les jeunes critiques de la Nouvelle Vague, au tournant des années 1960 alors qu’il avait été en son temps primé à Cannes. Il mérite certainement d’être aujourd’hui réhabilité car son oeuvre réalisée de 1934 à 1995 est variée et vaste, parfois plastiquement très belle : la preuve par ce titre de 1958.

1 digibook combo contenant 1 Blu-ray BD50 + 1 DVD9 + 1 livret et des photos, édité par Coin de Mire et TF1 le 04 septembre 2020. Image du film sur Blu-ray en Full HD 1080p au format original 1.37 respecté compatible 16/9 et compatible 4/3 sur le DVD. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono sur Blu-ray et Dolby mono sur DVD en VF d’époque + VFSTF sourds et malentendants. Durée du film sur Blu-ray: 119 min., sur DVD : 114 min. environ. Suppléments : 10 photos française N&B d’exploitation réparties dans deux étuis, affiche imprimée, livret reproduisant le dossier presse 1958 intégralement (textes et illustrations), affiches diverses, couvertures de magazines, filmographie de Jean Delannoy, actualités Pathé d’époque, publicités Jean Mineur d’époque, bandes-annonces de titres édités dans la même collection.

Livret : il contient le dossier presse 1958 intégralement reproduit en miniature, avec ses textes (y compris les déclarations du cinéaste) et ses illustrations complètes, une filmographie de Jean Delannoy, une dizaine de photos françaises d’exploitation N&B (14,5 x 11,5 cm) réparties en 2 x 6 photos rangées dans deux étuis, l’affiche d’époque (23 x 29 cm), deux affiches italiennes (celle de la page 23 évoque franchement le giallo, analogie augmentée par le fait que le distributeur est Jolly Films, le distributeur de certains films fantastiques de Mario Bava), une affiche espagnole, un programme allemand, une reproduction de la couverture d’un magazine Nous Deux, une reproduction du la couverture de l’édition Presses de la cité du livre de Simenon, une filmographie de la collection Coin de mire comprenant déjà une trentaine de titres, mentionnant la trentaine d’autres titres prévus.

séance cinéma de 1958 (optionnelle : on peut aussi visionner le film directement si on le souhaite) : actualités Pathé (les débuts de l’énergie atomique en Angleterre, l’Aga-Khan au Pakistan, courses de chevaux trotteurs, etc.), publicités Jean Mineur (caramels, bonbons, bouteille en verre Superlait se conservant mieux que le lait normal).

bandes-annonces de la collection, y compris celle du film de référence de 1958. Elles sont en état argentique variable, toutes en VF.

Format original 1.37 N.&B. respecté, compatible 16/9 (sur Blu-ray en Full HD 1920x1080p 24 images / secondes) ou 4/3 (sur DVD en 720x576p 25 images / secondes). Image argentique très bien restaurée. Sur les 119 minutes que dure le titre en Blu-ray (sa durée cinéma réelle étant donnée la vitesse du défilement de l’image), on peut observer deux plans un peu endommagés mais tout le reste est impeccable : belle performance sur une aussi longue durée. Excellente gestion des noirs, des dégradés de gris et du contraste notamment concernant les plans nocturnes d’ensemble, les plus beaux du film,signés par le directeur de la photo Louis Page. Parfait équilibre entre préservation du grain et lissage numérique. Dorénavant l’édition de référence en Full HD.

VF d’époque en DTS-HD Master Audio 2.0. mono (sur Blu-ray) et Dolby mono (sur DVD) + VFSTF sous-titrage français pour sourd et malentendants. Offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Son net, piste techniquement bien nettoyée, sans effet de souffle particulier. Musique signée Paul Misraki dont un des thèmes (celui qu’on entend aussi sur le menu principal) ressemble à un de ceux de la partition composée par Lionel Newman pour L’Etrange Mr Slade / Jack l’éventreur (Man in the Attic, USA 1953) de Hugo Fregonese.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma - TF1 Droits Audiovisuels