Le Témoin à abattre (1973) : le test complet du Blu-ray

La Polizia incrimina la legge assolve

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Enzo G. Castellari
Avec Franco Nero, James Whitmore et Delia Boccardo

Édité par Studiocanal

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Le 16/02/2021
Critique

Classique de l’âge d’or du cinéma policier italien violent 1970-1980 mais en version courte inédite en France.

Le Témoin à abattre

Marseille (France) et Gênes (Italie), 1973 : le commissaire Belli tente de lutter contre un trafic de drogue organisé par une puissante famille génoise qui étend son emprise sur la ville et mène une impitoyable guerre des gangs pour s’assurer le pouvoir absolu. Pris en étau entre une hiérarchie incompétente et le poison d’une corruption minant toutes les strates de la société, l’enquête de Belli vire bientôt au cauchemar.

Le Témoin à abattre (La polizia incrimine la legge assolve, Ital.-Esp.-Fr. 1973) de Enzo G. Castellari est un film noir policier violent appartenant à l’âge d’or italien du genre : la décennie 1970-1980. Il pose plusieurs problèmes intéressants car typiques du genre et de son exploitation internationale.

D’abord il en existe manifestement plusieurs versions. La plus complète durerait 104 minutes mais le montage présenté dans cette édition Studio Canal (93 minutes 15 secondes à 24 images-secondes sur le Blu-ray en version anglaise internationale, 89 minutes 33 secondes à 25 images-secondes sur le DVD en version sonore italienne au montage identique) est un montage mutilé qui fut exploité aux USA mais pas celui, bien plus complet, qui fut exploité en France.

Grâce à un cinéphile vidéophile, environ 10 minutes 30 secondes supplémentaires (y compris le générique de fin) constituant la fin du montage français sont visibles sur Youtube ici. Cette fin exploitée au cinéma chez nous en 1975 en VF d’époque (puis reprise en 1986 en VHS Secam par l’éditeur français Proserpine dont la jaquette est visible ici et qui annonçait logiquement une durée approximative du film de 100 minutes) modifie considérablement la donne puisque le gangster joué par Fernando Rey est finalement assassiné par ses rivaux et que le gang responsable du meurtre de la petite fille de Belli, est exterminé par la police au cours d’une fusillade ultra-violente. L’ouverture marseillaise est ainsi bouclée rigoureusement par une fin marseillaise (visible dans la version française) dans laquelle Castellari reprend le premier plan d’ouverture du film dans lequel un yacht émergeait progressivement, en plan subjectif, d’un tunnel mais modifié car ses occupants ne sont plus les mêmes qu’au début et son arrivée au port ne prélude plus à une livraison de drogue mais à un piège suivi d’un massacre ! La tonalité du film exploité dans ces versions, était pessimiste puisque le crime triomphait en apparence alors que la version VF renversait la situation en faveur de la police.

Pourquoi ne pas avoir présenté en France cette version exploitée dans les cinémas français en 1975 puis reprise en VHS Secam en 1986 sous le titre alternatif de Témoin à abattre qui est effectivement la plus complète sur le plan du scénario original ?

La réponse réside peut-être, sinon dans l’ignorance du directeur de la collection (toutefois pas impossible non plus puisque ni sa présentation ni son analyse ne mentionnent l’existence de cette VF intégrale) plutôt dans l’impossibilité de mettre la main sur une copie argentique décente munie d’une piste francophone. Dans le pire des cas, on pouvait toujours reproduire en bonus, même compatible 4/3, les séquences manquantes de la VF en les recopiant à partir de l’ancienne VHS magnétique ? La complétude eût été satisfaite.

Le Témoin à abattre

Pourquoi les pays anglophones ont-ils exploité une version incomplète et / ou remontée ?

Le métrage des « double-bills » (doubles-programmes) favorisait les films de 90 minutes : le distributeur coupait donc parfois ce qui dépassait cette durée ou bien demandait au producteur italien de le couper en amont avant la livraison du matériel. Ce qui forçait par prudence le producteur à prévoir un scénario permettant cette coupe d’une manière logique : c’est ici le cas mais cela modifie l’esprit du film assez fortement. Parfois, on tentait aussi de faire passer le film pour américain en en retranchant les plans montrant des affiches ou des journaux écrits dans une langue étrangère. Parfois la censure s’en mêlait. Parfois, enfin, aucune raison précise n’était assignable à ces coupes ou à ces remontages : tel plan ou telle séquence sautaient totalement ou étaient remplacés par d’autres simplement parce que le distributeur l’avait décidé selon son goût personnel. Le cas de Brigade spéciale (Roma a mano armata, Ital. 1976) d’Umberto Lenzi fut emblématique de cette situation à l’exportation : l’intelligent et inquiétant générique d’ouverture (durant lequel la musique de Franco Micalizzi faisait augmenter l’angoisse progressivement) qui filmait Rome en caméra subjective depuis une voiture en train de rouler et qui adoptait la vision de gangsters repérant des banques devenues sous l’oeil du spectateur des proies potentielles, fut coupé avec ses dix premières minutes par son distributeur américain alors que c’est l’un des plus remarquables de l’histoire du genre.

Reste que même cette version italienne courte / version anglaise internationale courte (au montage strictement identique l’une et l’autre) certes lacunaire, certes dotée d’un scénario modifiée, demeure néanmoins visible et intéressante par elle-même, comme pur objet d’histoire du cinéma, car elle contient encore nombre de traits thématiques et stylistiques emblématiques du genre et de son cinéaste. Bien sûr Castellari va au cinéma : il louche du côté du French Connection (USA 1971) de William Friedkin mais inversement, on peut penser que le début de la poursuite à pied dans les rues de Gênes (pas la poursuite en voiture qui la suit) inspirera peut-être un peu celle qui clôturera French Connection N°2 (USA 1975) de John Frankenheimer. Les influences esthétiques et thématiques se croisent sans cesse d’une rive de l’Atlantique à l’autre, entre Cinecitta et Hollywood. Castellari aime aussi Sam Peckinpah et ses ralentis virtuoses : la mort du policier joué par James Whitmore, abattu à bout portant dans une rue de Gênes, vaut le détour car son montage est tout aussi brillant que celui de Peckinpah. La mise en scène est un constant et curieux mélange de lourdeur et de vigueur, oscillant d’un extrême à l’autre : Castellari aime les effets les plus grossiers (un zoom sur des lunettes noires montrant l’action en reflet, l’espace d’un instant), il reprend à la publicité certains de ses effets à la mode (la promenade au bord de la mer de Belli avec sa maîtresse et sa petite fille, ses effets de soleil couchant et de longue focale : il s’agit d’effets esthétiques que la publicité cinéma et TV avait elle-même copié sur les films expérimentaux des années 1960) mais il est capable aussi de brusques et ntelligents effets de suspense ou de violence graphique (l’assassinat du frère débauché du parrain génois et celui de sa maîtresse au pistolet-mitrailleur). Même en version courte, Le Témoin à abattre vaut donc la peine d’être découvert… en attendant une nouvelle édition qui nous restituera sa version intégrale francophone en copie argentique restaurée.

Le Témoin à abattre

Présentation - 2,5 / 5

Combo digipack sous étui contenant 1 Blu-ray-50 Full HD 1080p région B + 1 DVD-9 zone 2 PAL, édité par Studio Canal le 27 janvier 2021, volume 31 de la collection « Make my day ! », dirigée par J.-B. Thoret. Durée du film : 93 min. sur Blu-ray, 90 min. sur DVD. Image au format original 1.85 respecté en Eastmancolor, compatible 16/9. Son DTS HD Master Audio 2.0 sur Blu-ray (VanglaiseSTF), Dolby Digital sur DVD (VitalienneSTF). Suppléments : présentation et analyse par J.-B. Thoret. Belle reproduction de l’affiche originale italienne en seconde de couverture du digipack. Les illustrations de l’étui et de la première page du digipack sont assez originales, belles et stylisées. Je redis que le titre de la collection est écrit aussi gros que celui du film sur le dos de l’étui comme sur le dos du digipack. Il faudrait revoir ce détail agaçant et réduire le nom de la collection : le titre du film est prioritaire et doit être écrit en lettres nettement plus grosses que tout le reste.

Bonus - 2,0 / 5

Préface et analyse de Jean-Baptiste Thoret (durée 11 + 11 min. environ) : illustrées par un fragment d’affiche puis quelques extraits du film de Castellari, elles replacent le cinéaste dans l’histoire du genre (qu’il faut en effet défendre et illustrer car il fut un des plus étonnants du cinéma-bis), mentionne l’influence de Sam Peckinpah sur certaines séquences de meurtres au ralenti, émet quelques jugements critiques succincts sur certains films noirs policiers de sa filmographie, expliquent comment le genre « poliziottesco » est considéré comme un reflet sociologique, voire une critique politique de l’Italie réelle de cette période. Cette présentation et cette analyse sont globalement correctes mais faut-il dire, comme l’affirme Thoret, que Bandits à Milan (Ital. 1968) de Carlo Lizzani serait le premier film italien du genre ? À mon avis, on peut remonter bien plus haut, jusqu’à Le Bossu de Rome (Il gobbo, Ital.-Fr. 1960) du même Carlo Lizzani dont le héros joué par Gérard Blain annonce évidemment le criminel joué quinze ans plus tard par Thomas Milian dans Brigade spéciale de Lenzi et quelques autres titres. Et puis le film noir policier italien ― quel que soit son degré de violence graphique ― n’est pas seulement urbain ; il est aussi rural. Depuis Salvatore Giuliano (Ital. 1962) de Francesco Rosi et La Mafia fait la loi (Il giorno della civetta, Ital.-Fr. 1968) de Damiano Damiani ― n°13 de cette même collection éditée par Studio Canal ― à Le Dernier Parrain (L’ultimo padrino, Ital. 2006) de Marco Risi, il ne faudrait pas négliger cet aspect rural, non moins fondamental que l’aspect urbain.

Aucun témoin de première main convoqué pour témoigner de la production ou du tournage, aucune galerie photos et affiches. Cette dernière lacune est un petit peu compensée par la belle reproduction, en page deux du digipack, de l’affiche italienne d’époque mais je reste néanmoins réellement et franchement sur ma faim.

Le Témoin à abattre

Image - 5,0 / 5

Format original 1.85 Eastmancolor compatible 16/9 sur DVD9 PAL zone 2 + Blu-ray BD50 Full HD en 1080p. Copie argentique parfaitement nettoyée sur le Blu-ray, moins sur le DVD. Une seule griffure, assez grosse mais fugitive, sur un seul plan de la copie argentique restaurée sur le Blu-ray. La copie argentique du DVD est dotée d’une émulsion parfois un peu instable mais l’ensemble demeure correct bien que certains plans soient poussiéreux. Excellent transfert vidéo équilibrant bien le grain et le lissage sur le Blu-ray, privilégiant plutôt le grain sur le DVD.

Son - 2,5 / 5

VISTF + VASTF en DTS HD Master Audio 2.0 sur le Blu-ray, en Dolby Digital 2.0 sur le DVD. Il n’y a pas une version plus originale que l’autre : il s’agit dans les deux cas de post-synchronisation systématique à cette époque en Italie. En général, les acteurs italiens venaient se post-synchroniser eux-mêmes aussi pour la version anglaise, lorsqu’ils étaient suffisamment anglophones. Dans le cas de l’acteur américain James Whitmore, le problème ne se posait pas. Les pistes sonores sont propres, mais leur niveau d’enregistrement varie un peu d’une séquence à l’autre. Aucune VF d’époque (au montage plus long d’une dizaine de minutes au moins) : elle existe puisque le film est sorti en France le 08 juillet 1975 dans un circuit commercial uniquement VF et que cette VF fut ensuite ré-exploitée en 1986 sur la VHS Secam éditée par Proserpine. Cette absence de la VF d’époque fait baisser la note de moitié.

Crédits images : © Capitolina Produzioni Cinematografiche, Star Films Country, Star Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

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francis moury
Le 17 février 2021
Classique de l’âge d’or du cinéma policier italien violent 1970-1980 mais en version courte inédite en France, au montage identique en versions sonores italienne et anglaise internationale.
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defre7
Le 31 janvier 2021
Le film ne possède pas de piste audio italienne mais seulement anglaise. De plus il est incomplet. Il manque plusieurs scènes dont la fin !!! Consternant !!! J'adore la collection "Make my day" et j'apprécie la culture cinématographique de Jean-Baptiste Thoret, mais là, c'est du foutage de gueule...

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