Compartiment tueurs (1965) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Costa-Gavras
Avec Catherine Allégret, Jacques Perrin et Simone Signoret

Édité par ARTE ÉDITIONS

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Le 23/06/2021
Critique

Film noir policier réaliste émaillé de touches baroques et insolites : premier long métrage du cinéaste qui fut un succès.

Compartiment tueurs

France 1965 : le corps d’une jeune femme étranglée est découvert dans un wagon-lit du train de nuit Marseille-Paris. Les cinq autres passagers du compartiment sont suspectés par l’inspecteur Grazziani, chargé d’une enquête qui se corse rapidement car certains d’entre eux sont bientôt assassinés à Paris. Étaient-ils devenus des témoins gênants ou bien s’agissait-il d’égarer la police en la mettant sur une fausse piste afin de l’empêcher de découvrir le véritable mobile du premier meurtre ? S’il veut sauver la vie des témoins survivants, c’est une énigme que Grazziani va devoir résoudre le plus vite possible.

Compartiment tueurs (Fr. 1965) de Costa-Gavras est son premier long métrage. Ce fut un succès commercial et financier. Émile Breton écrivait en 1977 (*) que c’est un film policier «de facture très traditionnelle » : oui et non car il oscille du début à la fin entre classicisme commercial et stylisation Nouvelle Vague. La structure du scénario, écrit par Costa-Gavras et Sébastien Japrisot ― d’après un roman au titre homonyme paru aux éditions Denoël et signé sous un pseudonyme qui était l’anagramme de son véritable nom : Jean-Baptiste Rossi (1931-2003) ― est parfois proche de celle d’un « giallo » bien qu’il s’agisse d’un film noir policier strictement réaliste, non pas d’un film fantastique ni d’un film d’épouvante. Durant son âge d’or 1965-1970, Japrisot devait écrire de non moins solides scénarios pour des films noirs policiers signés par des cinéastes aussi variés que André Cayatte (1965), René Clément (1970) et Anatole Litvak (1970). Récompensé par un Prix Edgar Allan Poe du scénario mais qu’on ne s’y trompe pas : Costa-Gavras n’est ni Roger Corman ni Mario Bava ; Sébastien Japrisot n’est pas Edgar Poe.

Compartiment tueurs

Compartiment tueurs n’a, en effet, pas grand rapport avec l’univers du génial conteur américain de Baltimore. Japrisot et Gavras émaillent certes leur histoire et sa mise en scène de quelques touches d’insolite parfois baroques (la silhouette stylisée du tueur masqué qui évoque vraiment le giallo italien contemporain + le personnage de pervers joué par Piccoli + la rencontre entre Simone Signoret et Jean-Louis Trintignant dans l’amphithéâtre, pour ne citer que les principales) mais celle-ci demeure, pour le reste, fidèle à la tradition réaliste française. Signalons aussi quelques savoureuses touches d’humour et d’ironie (un gardien de la paix discute architecture gothique du treizième siècle avec son collègue tandis qu’on enlève un cadavre), occasionnellement politiques (allusions à l’Afrique du Sud, présence d’un volume du Capital de Marx dans la valise de la jeune héroïne). Paris (diurne comme nocturne) est filmé par Jean Tournier dans une belle photo en FranScope N&B intelligemment utilisé non seulement pour les extérieurs mais aussi pour les intérieurs éclairés d’une manière souvent très raffinée. Casting riche et bien distribué des premiers aux derniers rôles, à la variété typique de celle du cinéma commercial de qualité française des années 1960-1970.

(*) Georges Sadoul, Dictionnaire des cinéastes, édition mise à jour avec suppléments critiques par Émile Breton (édition du Seuil, collection Microcosmes, Paris 1965-1977, page 255).

Compartiment tueurs

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray 1080i région B, éditions Arte, édité le 06 avril 2021. Durée du film : 88 min (il faut retirer aux 89 min. indiquées au verso du boîtier presque 40 secondes de récapitulation de récompenses et de crédits de restauration argentique et sonore qui ne faisaient pas partie du générique original). Image N&B au format 2.40 original respecté, compatible 16/9. Son Linear PCM 2.0. Mono. Suppléments : Premiers jours de tournage (1965, 22’34”) + court métrage Les Ratés (IDHEC, Fr. 1958, 5’25”) de Costa-Gavras + Huis clos en cinémascope, entretien de Costa-Gavras et Samuel Blumenfeld (Fr. 2016, 21’02”) + Bande-annonce originale (2’49”) = 52 min. de suppléments. Petit livret illustré en couleurs de 4 pages décrivant succinctement les 12 films composant la collection Costa-Gavras éditée par Arte, disponibles en deux coffrets de 2 x 6 films ou bien en 12 Blu-rays et 12 DVD à l’unité. Le format original du film n’est pas mentionné au verso du boîtier.

Compartiment tueurs

Bonus - 3,0 / 5

Premiers jours de tournage (1965, 4/3, N&B, durée 22’34”) : reportage en temps réel sur le tournage durant lequel un journaliste TV pose, en son direct, quelques questions banales et téléphonées au cinéaste Costa-Gavras, aux actrices Simone Signoret, Catherine Allégret, Pascale Roberts, aux acteurs Yves Montand et Jacques Perrin. Les entretiens alternent avec des extraits des séquences déjà tournées. Certaines réponses biographiques comportent des informations de première main ; le reste est sans intérêt, sauf une courte séquence filmant la direction, très soignée et précise, par Gavras d’un gros plan du couple Allégret et Perrin sur la couchette du wagon-lit.

Les Ratés (IDHEC 1958, 1.37 compatible 4/3 N&B, durée 5’25”) de Costa-Gavras : court-métrage de fin d’études du cinéaste à l’Institut des Hautes Études Cinématographiques, de la durée d’une bobine de 300 mètres. Le défi n’est pas évident, compte tenu du peu de temps imparti pour développer une intrigue, camper des personnages, un décor et leur donner vie. Ici, c’est une intéressante mise en scène du paradoxe du comédien selon Diderot, illustré par un acteur jouant (presque) trop bien un passage du Othello de William Shakespeare. Assez bon état argentique.

Huis clos en cinémascope, entretien de Samuel Blumenfeld avec Costa-Gavras (2016, 16/9 couleurs, durée 21’02”) : intéressant entretien où le cinéaste raconte ses débuts, ses relations avec le couple Yves Montand-Simone Signoret, comment ils l’appuyèrent au moment du casting en l’assurant de leur participation, la manière dont la mise en scène fut plastiquement envisagée (la manière de filmer Paris, volontairement anti-touristique, par exemple). Remarque historique sur l’emploi du Scope N&B dans le cinéma français : l’usage de ce format allié au N&B n’était pas si commun, selon Costa-Gavras, dans le cinéma français de la période 1960 à 1965. Pourtant José Benazeraf, Julien Duvivier, Robert Hossein, Denys de la Patellière, Roger Vadim, et bien d’autres bons cinéastes français l’employèrent à cette même époque avec le même talent. Il faudrait un jour répertorier l’ensemble des films français tournés en procédé Scope N&B (et en Scope couleurs) depuis son emploi américain par la société Fox en 1953, afin de mesurer exactement la véracité de cette assertion : ce serait une intéressante contribution à l’histoire technique et esthétique du cinéma. Notons aussi, last but not least, la mention par Gavras du philosophe grec Kostas Axelos mais elle concerne plutôt l’aspect politique de sa vie que l’aspect philosophique de son oeuvre.

Bande-annonce originale (N&B en FranScope 2.35 compatible 16/9, durée 2’49”) : très longue, trop longue, comme on les aimait à l’époque, mais cependant dynamique car bien montée. Ne la visionner aujourd’hui qu’après le film de référence bien que sa fonction fût inverse à l’époque de sa fabrication : je considère en effet qu’elle révèle beaucoup trop d’éléments du film, cassant donc un peu trop le suspense soigneusement élaboré du scénario.

Au total, suppléments sympathiques mais pourquoi ne pas avoir joint une galerie affiches et photos comportant le jeu complet des photos d’exploitation de 1965 ? S’agissant d’un film français et d’un éditeur français, on serait en droit d’attendre ce minimum syndical en matière de documents d’histoire du cinéma.

Compartiment tueurs

Image - 4,0 / 5

Format original FranScope 2.40 respecté en N&B, compatible 16/9, Full HD 1080i (« interlaced ») qui est un procédé désormais obsolète alors qu’il existe une norme 1080p (« progressive scan ») supérieure car bien mieux adaptée aux grandes TV UHD actuelles. Cela dit, la copie argentique est heureusement en parfait état et les noirs sont admirablement contrastés et restitués. L’image avait été restaurée en 2016 à partir des meilleures sources argentiques et magnétiques disponibles, sous la supervision du cinéaste lui-même. Belle direction photo signée Jean Tournier, aussi sophistiquée en intérieurs de studio qu’en extérieurs naturels.

Son - 4,0 / 5

VF d’origine en Dual Mono PCM 2.0. Cette piste son originale française est munie d’un rapport généralement correct entre musique/effets sonores/dialogues. Musique signée Michel Magne, avec guitare électrique occasionnelle, au thème gentiment entraînant. Sous-titrage en couleurs pour sourds et malentendants, réparti spatialement d’une manière intuitive, parfaitement lisible en fonction du dialogue, bien transcrit.

Crédits images : © PECF

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

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Sébastien
Le 26 juin 2021
5 étoiles pour le film mais 0 pour l'éditeur ARTE, qui encore une fois en 2021 sort un blu-ray encodé en 1080i au lieu du 1080p. Aucun respect pour les clients et pour les œuvres cinématographiques en général. Sont t'ils au courant que le film a été réalisé en 24 images par seconde et que seule la résolution en 1080p24Hz peu reproduire ça ? Du coup on se retrouve avec un film encodé en 1080i a 25i/s qui défile plus vite qu'il ne devrait et perso pour moi c'est rédhibitoire. Dommage.
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francis moury
Le 24 juin 2021
Film noir policier réaliste, émaillé de quelques touches baroques et insolites, au scénario bien écrit par Sébastien Japrisot : ce premier long métrage de Costa-Gavras fut un succès commercial qui lui permit d'obtenir la confiance des producteurs afin de tourner, par la suite, des films nettement plus personnels.

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