Le Cercueil vivant (1969) : le test complet du Blu-ray

The Oblong Box

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Gordon Hessler
Avec Vincent Price, Christopher Lee et Rupert Davies

Édité par ESC Editions

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Le 02/12/2021
Critique

Film fantastique d’horreur et d’épouvante, porté par un scénario original au traitement plastique souvent inspiré.

Le Cercueil vivant

Afrique, vers la fin du dix-neuvième siècle, une nuit dans la jungle : Edward Markham est cruellement torturé par un sorcier au cours d’une terrifiante cérémonie ; son frère Julian le découvre trop tard.

Angleterre, quelques années plus tard : Julian, revenu riche d’Afrique et fiancé à la belle Elisabeth, confine Edward, défiguré et à demi-fou, dans le grenier de l’imposant manoir familial. Edward corrompt l’avocat Trench : avec l’aide d’une drogue africaine administrée par leur complice N’Dialo, Edward passe momentanément pour mort. Enterré vivant, Trench (déjà payé) néglige de le sauver comme convenu mais le destin veille : Edward est exhumé par des récupérateurs de cadavres. Son visage constamment recouvert d’un masque rouge ne doit pas être vu sous peine de mort violente. Julian, effrayé par les conséquences inévitablement sanglantes de son évasion, ne le sait que trop bien.

Le Cercueil vivant (Edgar Allan Poe’s The Oblong Box, USA-GB 1969) de Gordon Hessler (1925-2014) est son premier grand film fantastique tourné en Angleterre en co-production américaine et le premier des trois titres qu’il tourna avec Vincent Price en vedette ; le second fut Lâchez les monstres (Scream and Scream Again, USA-GB 1969) et le troisième, inférieur aux deux précédents mais néanmoins intéressant, Les Crocs de Satan (Cry of the Banshee, USA-GB 1970). C’est de préférence dans cet ordre chronologique de production et de distribution qu’il convient de les visionner si on veut avoir une idée correcte de l’évolution de Hessler qui tournera dans la foulée un quatrième film fantastique sans Price et moins original puisqu’il s’agit de sa version du conte d’Edgar Poe, Double assassinat dans la rue Morgue (Murders in the Rue Morgue, USA-GB 1971). Le Cercueil vivant fut, en outre, la première rencontre filmographique des acteurs Vincent Price et Christopher Lee.

Le titre original du film, souvent raccourci dans les fiches techniques, mentionne non seulement le titre du conte mais encore son auteur Edgar Allan Poe (l’auteur qui avait permis à American International Pictures de devenir célèbre grâce aux productions de Roger Corman, la plupart avec Price en vedette, de 1961 à 1964) et plusieurs plans de Price à côté du cercueil, admirables de puissance plastique, permettent de lui conférer un sens filmique pas si éloigné qu’on le pense parfois, bien que les intrigues soient très différentes et en apparence sans rapport narratif, du sens final du conte de Poe. Dans les deux cas, un être vivant se retrouve en effet soumis à l’emprise du souvenir d’un mort (réel ou supposé), emprise s’avérant elle-même inexorablement mortelle.

Le Cercueil vivant

La réalisation de Le Cercueil vivant devait initialement être assurée par le prometteur cinéaste Michael Reeves (1943-1969) - en raison du succès critique de La Créature invisible (The Sorcerers, GB 1967) de Reeves avec Boris Karloff et du succès financier de Le Grand inquisiteur (The Witchfinder General / The Conqueror Worm, GB 1968) de Reeves avec Vincent Price - mais la grave maladie nerveuse puis la mort prématurée de Reeves (par accident ou suicide) durant la phase de pré-production, déterminèrent le passage de relais de la mise en scène à Gordon Hessler. Il venait déjà d’être nommé producteur sur Le Cercueil vivant, à l’instigation du producteur exécutif Louis M. Heyward qui représentait la AIP de Arkoff et Nicholson à Londres. Hessler décida de tourner non plus en Irlande mais en Angleterre, en studio et dans la campagne environnante. Le scénario initialement imaginé par le cinéaste Lawrence Huntington, au thème certes original, avait été cependant jugé insuffisant par Reeves qui avait demandé au critique Christopher Wicking (1943-2008, un admirateur des premiers films de Reeves) de l’améliorer. Gordon Hessler et Wicking poursuivirent ensemble ce travail de réécriture : ce fut leur première et mémorable collaboration. Christopher Wicking ne l’avoue pas mais son scénario, au final, s’avère souvent un bel hommage à l’esprit, sinon à la lettre, de Poe. C’est aussi un scénario référentiel pour le cinéphile : la gitane dansant pieds nus sur la table, durant une orgie dans un bouge interlope, évoque par exemple inévitablement celle qui dansait dans une des premières séquences de Le Sang du vampire (GB 1958) de Henry Cass sans parler des sujets tels que le vampirisme (allusif dans l’avant-dernière scène), les récupérateurs de cadavres alimentant un savant assez frankensteinien (celui joué par Lee), les malédictions issues des anciennes colonies (illustrées dans plusieurs Hammer Films antérieurs). Il y a d’ailleurs quelque chose de l’esprit des scénaristes Jimmy Sangster et Anthony Hinds dans la frénésie générale de l’intrigue, dans son cynisme, sa rigueur et la précision presque mathématique de sa progression dramatique, construite comme un cauchemar à la virulence dévastatrice : la Hammer Films reconnaîtra cette parenté en confiant à Wicking trois scénarios durant sa période finale 1971-1976, inégale mais non moins passionnante que les périodes antérieures.

Le Cercueil vivant

La mise en scène baroque de Hessler, étourdissante de virtuosité plastique, s’avère presque expérimentale durant la première séquence, inoubliable de puissance et de folie, qui ouvre Le Cercueil vivant. On peut, au total, assez bien la comparer, en raison de ses innovations plastiques, de ses instants de haute violence graphique, de son audace thématique récurrente, en raison aussi de son art de revivifier par sa brutalité les poncifs apparemment les plus éculés (la prostituée jouée par la très érotique Uta Levka, l’épouse inquiète jouée par la sensible et si charnelle Hillary Dwyer, le personnage ambivalent du médecin récupérateur de cadavres, bien joué par Christopher Lee), à ce que faisaient à la même époque les cinéastes de la Hammer Films anglaise (Freddie Francis, Peter Sasdy, Roy Ward Baker et même - et surtout ! - le Terence Fisher des années 1965-1973). Avec Le Cercueil vivant, Hessler réalise un surprenant alliage établissant une sorte de pont cinématographique (et charnel grâce à la présence de Vincent Price qui avait été son acteur emblématique de 1960 à 1964) entre l’AIP américaine productrice des grandes adaptations de Poe par Roger Corman et la Hammer Films anglaise du tournant érotico-violent des années 1970. Le résultat demeure, par la magie noire d’une secrète alchimie cinématographique, très impressionnant.

Le Cercueil vivant

Présentation - 3,0 / 5

1 mediabook combo collector 1 Blu-ray + 1 DVD + 1 livret 20 pages, édition limitée à 2000 exemplaires par ESC le 20 octobre 2021, collection British Terrors. Image couleurs au format original 1.85 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 VOSTF. Durée du film sur Blu-ray : 96 min. environ. Suppléments : présentation par Jean-François Rauger + livret illustré 20 pages. Quelques extraits des films de l’indispensable collection British Terrors ouvrent le menu principal mais on peut, si on les connaît déjà, les sauter aisément à la télécommande. Belle sérigraphie des disques, reprenant un fragment d’illustration de l’affiche originale, ici teinté en un bel orange crépusculaire alors que les affiches originales étaient colorées en vert cadavérique. Possibilité de changer de version sonore à la volée sans revenir au menu initial.

Livret illustré N&B et couleurs 20 pages, supervisé par Marc Toullec

Riche en anecdotes distillées par des extraits d’entretiens avec le réalisateur, le producteur exécutif Louis M. Heyward (le surnom « Deke » attribué par certaines citations n’est pas un de ses prénoms), et quelques souvenirs des acteurs Vincent Price et Christopher Lee. Illustrations intéressantes (affiche italienne, photos de plateau) et même parfois rares, telle cette photo de plateau montrant l’actrice Sally Geeson attachée au poteau africain de torture alors que son personnage n’intervient qu’en Angleterre ou bien encore ces deux sympathiques images montrant Vincent Price et Christopher Lee jouant aux échecs sur le plateau de tournage, entre deux prises. Attention à la mention « Hillary Heath » sous la photo page 17 montrant la belle Hillary Dwyer, alors qu’elle n’est pas encore madame Heath et qu’elle est créditée Hillary Dwyer au générique. Jugement critique défaillant en haut de la page 4 : le scénario initial, démentiel et inédit, de Huntington, est qualifié de « conventionnel ».

Le Cercueil vivant

Bonus - 2,5 / 5

Présentation par Jean-François Rauger (durée 27 min. environ) : riche sur le fond, fournissant une bio-filmographie bien commentée du cinéaste Gordon Hessler, puis une analyse fouillée du film dont certains points historiques sont discutables mais dont l’ensemble est cultivé et intelligent. Certains aspects sont néanmoins escamotés : par exemple, il est exact de mentionner la collaboration fructueuse entre le scénariste Christopher Wicking et Hessler mais il faut préciser (ce que j’ai tenu à faire dans ma critique) que Wicking avait été amené par Reeves dans la production, avant que Hessler ne soit appelé par AIP à la rescousse. L’empreinte de Reeves sur Le Cercueil vivant, par-delà sa mort, c’est que Wicking était chargé à sa demande de réécrire le scénario : Hessler, une fois aux commandes, le trouva à ce poste et l’y aida. Les deux hommes s’entendirent donc mais, sans Reeves, cette rencontre n’aurait peut-être jamais eu lieu. L’élocution est souvent trop rapide et on risque de perdre un peu d’informations à cause de ce défaut : on a parfois l’impression que Rauger expédie une besogne, ce qui est gênant mais c’est une impression heureusement compensée par l’enthousiasme occasionnel avec lequel il pointe certains détails intéressants. Rauger hésite curieusement, à plusieurs reprises, entre « roman » et « conte » d’Edgar Poe, y compris à propos du conte The Oblong Box qui est pourtant un simple conte (une nouvelle) et pas du tout un roman : d’ailleurs la plupart des adaptations de Poe dans l’histoire du cinéma fantastique sont - je ne lui apprends rien en écrivant cela : il le sait aussi bien que moi - des adaptations de contes. Une erreur matérielle gênante : l’affiche censée illustrer la mention orale de la version cinématographique signée par Hessler de l’histoire extraordinaire de Poe, Double assassinat dans la rue Morgue / Murders in the Rue Morgue est non pas celle de Hessler mais celle de Robert Florey tournée en 1932. Quelques mignonnes photos de plateau parmi lesquelles celle, intéressante, montrant Sally Geeson dénudée et menacée par le sorcier africain. Exemple typique d’une photo de plateau séduisante mais ne correspondant à aucun plan de la continuité, sinon filmée, au moins exploitée.

Au total, édition spéciale qui, si on additionne les informations du livret et celles de la présentation, est très honorable. Le cinéphile anglophone pourra aussi se référer au commentaire audio de l’édition américaine Kino Lorber de 2015. Un seul regret : l’absence, aussi bien chez ESC que chez Kino Lorber, d’une belle galerie affiches et photos françaises, anglaises et américaines.

Le Cercueil vivant

Image - 4,5 / 5

Full HD 1080p sur le Blu-ray, au format large original 1.85 enfin bien respecté et compatible 16/9. L’image argentique a été bien restaurée : seuls quelques très rares plans comportent une brûlure ou un peu de poussière ; un ou deux plans d’extérieurs nuits sont voilés, le reste est impeccable. Couleurs chaudes et vives (notamment les rouges, impeccablement reproduits), définition des scènes nocturnes rehaussée. Notez que ce titre fait partie de l’âge d’or fantastique du directeur photo britannique John Coquillon : nombreux effets techniques intéressants relevés, à commencer par ceux obtenus à la caméra portée, aux grands angles hallucinés et la souplesse élégante de certains panoramiques d’intérieur.

Le Cercueil vivant

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VOSTF et VF d’époque sur le Blu-ray : offre nécessaire et suffisante pour les cinéphiles francophones. VF d’époque dramaturgiquement bien doublée (Jean Topart prête sa voix au personnage de Edward) mais dont manquent certains passages (perdus ou jamais doublés, selon les cas) alors remplacés par la VOSTF qui permet de profiter de la voix originale de Price, si remarquable. Techniquement, l’ensemble demeure dynamique, bien restitué : la VO demeurant un peu plus riche en effets sonores que la VF d’époque. Assez bonne musique (notamment celle du générique d’ouverture) signée Harry Robinson (en réalité Harry Robertson, de son vrai nom).

Crédits images : © American International Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 3 décembre 2021
Ce premier grand film fantastique d’horreur et d’épouvante signé par Hessler, le premier des trois tourné en Angleterre avec l'acteur américain Vincent Price en 1969-1970, est porté par un scénario original, au traitement plastique inspiré.

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