Le Métro de la mort (1972) : le test complet du Blu-ray

Death Line

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Gary Sherman
Avec Donald Pleasence, Norman Rossington et David Ladd

Édité par Rimini Editions

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Le 02/12/2021
Critique

Premier long-métrage de fiction du cinéaste Gary Sherman et original film fantastique.

Londres, Angleterre 1972. Par une froide nuit d’hiver, l’étudiant américain Alex et sa petite amie anglaise Patricia découvrent un homme inanimé sur le sol de la station de métro Russell Square. Ils le signalent à la police et retournent sur les lieux en sa compagnie pour constater que l’homme a disparu. L’inspecteur de police Calhoun enquête sur d’autres disparitions qui ont pour point commun cette même station, construite vers 1892, depuis hantée par une terrible menace.

Le Métro de la mort (Death Line, USA-GB 1972) de Gary Sherman (1936-2019) est son premier film de fiction. Cette coproduction anglo-américaine (en partie financée par la puissante Rank, du côté anglais mais dont le budget total fut à peine le tiers de celui des spots publicitaires TV que Sherman réalisait à l’époque) est un très curieux mélange de critique sociale souvent ironique et de film policier virant au film fantastique d’horreur et d’épouvante, parfois graphiquement très brutal. La « British Terror » cinématographique de la période 1970-1980 est une période intéressante (moins connue aujourd’hui en France que l’âge d’or des Hammer Films de 1955-1973)  : Le Métro de la mort est, assurément, une de ses oeuvres les plus étranges. Il a en outre l’intérêt thématique d’être un des grands films sur la régression, aux côtés des oeuvres signées outre-atlantique par Wes Craven (1972 + 1977) et Tobe Hooper (1974 + 1976).

C’est le premier des deux films fantastiques importants du cinéaste américain Gary Sherman (alors réalisateur publicitaire réputé expatrié à Londres), l’autre étant Réincarnations (Dead and Buried, USA 1981) ; sans oublier Vice Squad - Descente aux enfers (Vice Squad, USA 1982), un des meilleurs films noirs policiers violents de la période 1980-1990 qui flirte aussi avec le fantastique. Il y a une certaine continuité thématique entre ces trois titres (probablement les meilleurs que Sherman ait signés au cinéma). En filigrane, on peut y discerner une critique sociale parfois drôle (en 1972, elle prend la forme d’une savoureuse description des relations au sein du commissariat), parfois davantage virulente (en 1972 l’agent secret du MI5 joué par un très inattendu Christopher Lee interdit à l’inspecteur joué par Donald Pleasence de mener une enquête sur un disparu), sans oublier un humour noir parfois surréaliste dans certains de ses excès graphiques les plus brutaux (en 1972, l’idée des ouvriers du métro, victimes de leur condition de travail de 1892 et devenus des cannibales à la suite d’un malheureux concours de circonstances, semble peu réaliste alors qu’elle l’était tout à fait à l’époque, ainsi que l’explique un dialogue sur les conditions historiques et sociales des accidents). Une étrange poésie macabre imprègne, sur le plan strictement esthétique, les lents travellings (l’un d’eux dure environ 7 minutes 30 secondes) photographiés par le grand technicien Alex Thomson, révélant progressivement, en une vision hallucinée, le terrible secret de cette « ligne de la mort ».

Le Métro de la mort, lors de sa présentation à la Convention française du cinéma fantastique durant la saison cinématographique 1972-1973, avait passablement surpris les spectateurs, en raison de l’originalité de son scénario, thématique comme structurelle. Bien sûr, on savait depuis longtemps que la littérature fantastique anglaise avait été inspirée par le métro londonien : qu’on se souvienne, par exemple, du remarquable conte Dans le métro (In the Tube) de l’écrivain Edward Frederic Benson (1867-1940) (*), en son temps apprécié par H. P. Lovecraft. Mais on ne s’attendait tout de même pas à ce surprenant cocktail mettant en scène le thème classique de l’âge d’or du cinéma fantastique américain (l’amour fou d’un monstre pour une femme) pour l’allier au thème du cannibalisme sous la forme d’un hippie dégénéré ― il faut noter la performance expressionniste de l’acteur Hugh Armstrong, dont le rôle ne comporte qu’une savoureuse réplique mais qui porte sur ses épaules les séquences dont il est le protagoniste : son maquillage durait environ 4 heures avant chaque prise de vue ―, le tout saupoudré d’une si savoureuse ironie. Ce mélange des genres fut alors jugé décevant par les afficionados du genre. Raison pour laquelle Le Métro de la mort ne trouva pas de distributeur en France avant 1986. Ils lui reprochaient (et lui reprochent parfois encore aujourd’hui) ses ruptures de ton et de rythme. C’est pourtant bien cette originalité de fond comme de forme qui lui permet, à mon avis, de si bien résister au temps : ce dernier l’a décanté et nous restitue, cinquante ans plus tard, telle qu’en elle-même intacte sa virulence.

(*) nouvelle traduite par Bella Maria in Jacques Van Herp, Maurice Lévy et Jacques Finné, L’Angleterre fantastique de Defoe à Wells ― 22 contes de revenants et de terreur (éditions André Gérard, Marabout, Verviers 1974, pages 299 à 311. Je recopie en outre cette remarque de Van Herp concernant le conte fantastique de Benson  :

« Il est de ceux qui ont senti que notre monde moderne multiplie les espaces propices à l’irruption d’une autre réalité […]. Les couloirs surbaissés du métro, aux froids murs de faïence blanche, nouent sous la terre des entrelacs compliqués où, dans l’obscurité des nuits, doivent mûrir d’étranges mystères. » (op. cit. supra, p. 297).

C’est exactement cette thématique et cette esthétique qu’illustre Le Métro de la mort.

Présentation - 4,0 / 5

1 édition collector Rimini, édité le 16 octobre 2021, contenant 1 DVD-9 PAL zone 2 + 1 Blu-ray 50 région B 1080p + 1 livret illustré de 24 pages. Durée du film : 87 min. 15 sec. environ (sur Blu-ray), 83 min. 45 sec. (sur DVD). Format 1.85 original respecté, couleurs, compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio VOSTF 2.0 stéréo + VF d’époque stéréo sur Blu-ray, Dolby Digital stéréo sur DVD. Suppléments communs au DVD et au Blu-ray : « Des profondeurs » : discussion entre David Ladd et Paul Maslanksy (2017, 12’33”, VOST) + « Fermeture des portes ! » : interview de Hugh Armstrong (2016, 15’35”, VOST) + « Les Contes du métro » : interview de Gary Sherman et des producteurs exécutifs Jay Kanter et Alan Ladd, Jr. (2017, 18’50”, VOST) + Bande-annonce (2’06”, VO) + 3 spots TV (1’53”, VO).

Livret (24 pages illustrées couleurs + N&B) rédigé et supervisé par Marc Toullec : pas reçu.

Le Métro de la mort

Bonus - 3,0 / 5

Les Contes du métro  : interview de Gary Sherman et des producteurs exécutifs Jay Kanter et Alan Ladd, Jr. (2017, 18’50”, VOSTF) : Sherman est très vivant, comme souvent, Kanter aussi mais Ladd Jr. est beaucoup plus silencieux. La réunion vaut par elle-même, lorsqu’on connaît leur filmographie respective. C’est le bonus le plus intéressant. Il comporte un témoignage de première main sur la production et la distribution (le film aurait pu être distribué par Paramount aux USA car Frank Yablans l’avait visionné et aimé mais il était trop tard : les producteurs venaient de signer le contrat de distribution américaine avec Samuel Z. Arkoff de A.I.P.), sur le casting (l’un des producteurs envisageait Marlon Brando, alors à Londres en train de tourner sous la direction de Michael Winner, pour incarner le rôle finalement échu à Hugh Armstrong), sur le tournage de certaines séquences à la station de métro Russell Square, sur le fameux travelling de 7 minutes 30 secondes photographié par Alex Thomson.

Des profondeurs : discussion entre l’acteur David Ladd et le producteur Paul Maslanksy (2017, 12’33”, VOSTF)  : l’acteur David Ladd se souvient du casting, de ses relations avec les autres acteurs durant le tournage puis revient, en compagnie du producteur, sur certains des éléments-clés du scénario.

Fermeture des portes ! : interview de l’acteur Hugh Armstrong (2016, 15’35”, VOSTF) : Armstrong qui joue le monstre, raconte les débuts de sa carrière théâtrale (il passa sous les fourches caudines de la Royal Shakespeare Company) et se souvient du tournage en plein mois de novembre donc glacial, des 4 heures de maquillage quotidien. Il insiste sur la dualité du personnage qu’il interprète. On peut observer, au détour d’un plan, une impressionnante photo N&B datant de l’époque de la construction du métro londonien, montrant les ouvriers travaillant à la lueur des lampes à gaz et des bougies.

Bande-annonce (2’06”, VO) : en état argentique assez bon, elle est bien montée et rapporte divers plans impressionnants du film, sans toutefois trop dévoiler son intrigue. Son titre original Death Line indique que c’est la bande-annonce anglaise d’époque.

3 spots TV (1’53” au total, VO) : ce sont les spots américains sous le titre Raw Meat distribué par A.I.P. Ils sont en état argentique assez bien conservé, uniquement constitués de fragments de la bande-annonce anglaise originale.

Les bonus de cette bonne édition spéciale ne reprennent curieusement pas la totalité de ceux offerts sur l’édition américaine collector Blue Underground (la société d’édition cinéphile fondée par le grand cinéaste William Lustig) sortie aux USA en 2017. Rimini a fait l’impasse sur les deux qui font de l’édition américaine une édition collector, à savoir le commentaire audio du réalisateur Gary Sherman, du producteur Paul Maslansky, de l’assistant-réalisateur Lewis More O’Ferrall, et une remarquable galerie affiches et photos, très complète. Le cinéphile, si et seulement si il est anglophone (car l’édition américaine propose des STF au film mais pas aux bonus que l’éditeur Rimini a sous-titrés, sauf la BA et les 3 spots) pourra éventuellement s’y reporter. En revanche le livret français contient un peu plus de pages que le livret de l’édition américaine ; c’est une relative compensation bien que je n’en ai, pour ma part, pas profité puisque l’éditeur n’a envoyé à la rédaction que de simple disques au lieu du coffret complet.

Image - 4,5 / 5

Format original 1.85 respecté en couleurs, compatible 16/9 (en Full HD 1080p sur Blu-ray). Copie argentique en très bon état et transfert vidéo provenant d’une restauration effectuée aux USA à partir d’une source 2K, permettant d’apprécier l’un des travellings les plus célèbres de l’histoire du cinéma anglais de la période 1970-1980, réglé par le grand directeur photo Alex Thomson. Un seul petit défaut fugitif relevé en bas à droite de l’image pendant le méga-travelling (à 29’ 27 » environ, minutage du Blu-ray) : une fine déchirure numérique blanche d’une seconde à peine. La texture privilégie le lissage par rapport au grain mais la définition est, notamment en intérieurs nuits, tout à fait impeccable. Colorimétrie parfaitement respectée, vive et nuancée autant en intérieurs qu’en extérieurs. Désormais assurément l’édition française de référence en Full HD.

Son - 5,0 / 5

VOSTF et VF (pas d’époque car le film ne fut distribué chez nous au cinéma qu’en 1986) en DTS-HD Master Audio 2.0 mono sur Blu-ray, en Dolby Digital mono 2.0 sur le DVD : offre complète pour le cinéphile francophone. Privilégier plutôt la VOSTF car c’est du son direct, bien nettoyé, dont l’intensité est parfaitement restituée lorsqu’il le faut (générique d’ouverture devant les boîtes de strip-tease, hurlements amplifiés dans les tunnels). La VF est dramaturgiquement du niveau d’une VHS Secam : hypothèse d’autant plus probable qu’il me semble bien me souvenir qu’en 1986, le film n’avait été exploité qu’en VOSTF dans le circuit parisien Art et Essais, sans VF disponible.

Crédits images : © Harbor Ventures, K-L Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 3 décembre 2021
Premier long-métrage de fiction du cinéaste Gary Sherman, au budget serré mais riche en recherches plastiques, l'un des meilleurs films fantastiques d'horreur et d'épouvante ayant été consacrés au thème de la régression durant 1970-1980.

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