Le Salaire du Diable (1957) : le test complet du Blu-ray

Man In the Shadow

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Jack Arnold
Avec Jeff Chandler, Orson Welles et Colleen Miller

Édité par Rimini Editions

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Le 11/02/2022
Critique

Film noir policier oppressant, fruit de la rencontre inspirée des cinéastes Jack Arnold et Orson Welles.

Le Salaire du Diable

Sud des U.S.A., à Spurline, été 1957 par une chaleur torride : le grand propriétaire Renchler ordonne qu’on punisse un de ses employés mexicains, coupable à ses yeux d’avoir fréquenté sa fille unique. L’homme est frappé à mort par des exécuteurs trop brutaux. Un autre employé a été témoin du meurtre et sa déposition permet l’ouverture d’une enquête par le shérif Sadler. Ce dernier ne va pas tarder à se rendre compte qu’ils sont à présent, le témoin et lui-même, en danger de mort.

Le Salaire du diable (Man in the Shadow, USA 1957) de Jack Arnold est une série B située aux confluents thématiques et esthétiques du film noir policier et du western. Le titre original américain Man in the Shadow (littéralement : « L’homme dans l’ombre ») désigne le témoin du meurtre mais les titres français et belges d’exploitation n’en tinrent pas compte et préférèrent adapter le titre anglais d’exploitation Pay the Devil (littéralement : « Paye le diable »).

Du film noir policier, il illustre un courant important qui va notamment du Incident de frontière (USA 1949) d’Anthony Mann au American Justice (Jackals, USA 1985) de Gary Grillo, décrivant d’une part l’exploitation des travailleurs immigrés clandestins mexicains par des gangs et des grands propriétaires faisant régner la terreur, d’autre part la réaction de la police corrompue et passive ou bien volontaire et active.

Le Salaire du Diable

Du western, il utilise l’espace plastique des extérieurs naturels, la sociologie, l’histoire : la domination brutale voire maléfique d’un rancher trop puissant sur une communauté isolée, refusant l’intervention de la loi juridique représentée par le shérif, est un thème classique illustré par des titres aussi violents que Crépuscule sanglant (Red Sundown, USA 1956) de Jack Arnold, Le Dernier train de Gun Hill (USA 1958) de John Sturges ou L’Homme de la loi (USA 1970) de Michael Winner.

On n’oublie pas, une fois qu’on l’a vue, l’ouverture nocturne impressionnante nourrie par la description sobre, très directe, d’un authentique univers concentrationnaire, régi par une brutalité concertée. Sa double frontière est matérialisée par des fils de fer barbelé, ensuite par un chien-loup dressé pour tuer : on ne saurait être symboliquement plus insistant ni plus clair bien que la présence de ces deux éléments soit logique, justifiée par l’immensité de l’espace à protéger. Le Salaire du diable est donc à la fois réaliste et symbolique. Sur le plan formel, le passage de cette frontière infernale s’effectue par une traversée (optique et physique à la fois) du désert, à plusieurs reprises : Jean-François Rauger avait autrefois très justement attiré l’attention sur la manière dont Arnold filme le désert à propos du film fantastique Tarantula (USA 1955) de Jack Arnold : on peut effectivement la considérer comme un authentique paradigme esthétique de son cinéma.

Le Salaire du Diable

Orson Welles aurait contribué, avec l’accord de Arnold, au scénario et aux dialogues de certaines séquences dans lesquelles il apparaît. Il interprète d’une manière à la fois sobre et shakespearienne ce démiurge névrosé voué à la chute, préfigurant celui qu’il interprétera bientôt la même année dans cet autre film noir Universal, également produit par Albert Zugsmith (avec l’appui de l’acteur Charlton Heston), La Soif du mal (Touch of Evil, USA 1957) de et avec Orson Welles. Quant à l’acteur Jeff Chandler, son interprétation est aussi puissante ici qu’elle le sera dans son dernier film, Les Maraudeurs attaquent (Merrill’s Marauders, USA 1962) de Samuel Fuller. Sur le plan du casting, notons encore la présence de la mignonne Barbara Lawrence qui venait de tourner le beau film fantastique Kronos (USA 1957) de Kurt Neumann et dont ce titre de Arnold est la dernière apparition au cinéma (elle tournera ensuite uniquement pour la télévision) sans oublier d’excellents seconds rôles tels que Leo Gordon et John Larch.

Est-ce Arnold ou Welles qui ont entraîné Le Salaire du diable dans cette direction à la fois réaliste et fantasmatique ? Est-ce l’intelligent producteur Albert Zugsmith qui favorisa ce subtil alliage, résultat d’une rencontre qu’il organisa entre deux personnalités si différentes mais si remarquables ? Il faut se souvenir que Welles venait de prêter sa voix au commentaire de la bande-annonce originale du film fantastique L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man, USA 1957) de Jack Arnold. Les deux cinéastes n’étaient donc pas des étrangers l’un pour l’autre : de toute évidence, ils s’estimaient mutuellement. Il ne faut assurément pas se limiter, lorsqu’on veut apprécier Jack Arnold, à sa filmographie sélective purement fantastique. Sa contribution aux autres genres mérite d’être redécouverte, ne serait-ce qu’à cause du degré effectif de fantastique (allant de pair avec un certain sadisme) qu’il est parfois susceptible d’y introduire. Songeons par exemple à son excellent western Universal, également écrit par Gene L. Coon, Une Balle signée X (No Name on the Bullet, USA 1959).

Le Salaire du Diable

Présentation - 2,0 / 5

1 combo Blu-ray BD50+ DVD9, édité par Rimini le 15 février 2022. Durée du film : 80 min. (sur Blu-ray), 77 min. (sur DVD). Image CinemaScope 2.35 compatible 16/9, Full HD (sur Blu-ray), son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, suppléments : présentation par Florent Fourcart, bande-annonce originale. Menu composé d’un excellent montage d’images du film de référence. Possibilité de changer de piste-son à la volée sans revenir au menu principal. Sérigraphie et illustration du boîtier un peu décevantes, en revanche.

Bonus - 2,0 / 5

Présentation par Florent Fourcart (2021, durée 23 min. env.) : présentation correcte (en dépit de son débit parfois un peu trop rapide) qui n’apprendra rien à ceux qui avaient autrefois visionné la présentation plus brève de François Guérif annexée à l’ancien DVD Bach Film de 2007. Elle permettra aux novices en histoire du cinéma de bien situer le titre dans les biographies et les filmographies respectives d’Orson Welles d’une part, de Jack Arnold d’autre part sans oublier le producteur Albert Zugsmith. Un bémol sur le plan thématique, cependant : le thème de l’immigration mexicaine n’était pas si « inhabituel » que le dit Fourcart puisqu’il avait déjà été traité par Anthony Mann dans une production de 1949 citée supra dans la section critique. L’ensemble est illustré par plusieurs extraits du film de référence : cette pratique fréquente de l’édition française (très appréciée parce que filmer quelqu’un en plan fixe vidéo en train de parler, le tout alterné avec ou superposé sur des extraits, est le bonus qui coûte le moins cher) pose un problème fonctionnel récurrent. Car de deux choses l’une : soit on vient de visionner le film de référence et alors ces extraits sont totalement inutiles puisqu’on a le film en mémoire ; soit on ne l’a pas encore visionné mais alors dans ce cas ils cassent l’effet de surprise et il ne faut donc pas visionner avant le film une telle « présentation ». J’aurais donc, une fois de plus, nettement préféré des documents alternatifs d’histoire du cinéma tels que des affiches ou des photos d’exploitation ou des photos de production ou des photos de plateau : s’agissant d’une production américaine Universal de 1957, ce n’était pas mission impossible. Le cinéphile anglophone pourra compléter ses connaissances en écoutant le commentaire audio (non sous-titré) de Troy Howarth annexé à l’édition américaine Kino Lorber de 2020.

Bande-annonce (2’16”, VO) : trop longue, comme on les aimait à l’époque, mais bien montée et permettant d’identifier à l’écran certains des acteurs principaux car leur nom apparaît la première fois qu’ils y sont à l’image.

Le Salaire du Diable

Image - 5,0 / 5

Format CinemaScope 2.35 compatible 16/9, Full HD 1080p (sur le Blu-ray) bien photographié en N.&B. par Arthur E. Arling. C’est probablement le master Kino Lorber restauré en mars 2020 aux USA qui est repris par cette édition Rimini. La copie argentique est en très bon état général. Sur le plan numérique, les défauts de l’ancienne édition DVD Bach Films sortie en août 2007 (collection « Les grands classiques d’Universal ») sont corrigés : il n’y a plus de variations intempestives du niveau de la lumière sur certains plans ni le très léger bruit vidéo qu’on relevait sur d’autres. C’est donc désormais l’édition française de référence en Full HD.

Le Salaire du Diable

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 Mono en VOSTF et VF d’époque : offre nécessaire et suffisant pour le cinéphile francophone. Aucun défaut technique relevé sur la VO dont le dynamisme est nativement plus élevé que celui de la VF d’époque, dramaturgiquement soignée. Musique correcte supervisée par Joseph Gershenson, seul crédité au générique mais qui aurait été composée, selon certaines sources, par Herman Stein et Hans J. Salter, auteurs de bonnes partitions de films fantastiques Universal des années 1940-1945.

Crédits images : © Universal International Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 12 février 2022
Film noir policier au sadisme oppressant, fruit de la rencontre inspirée des cinéastes Jack Arnold et Orson Welles.

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