Les Vampires (1957) : le test complet du Blu-ray

I vampiri

Digibook - Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Riccardo Freda
Avec Gianna Maria Canale, Carlo D'Angelo et Dario Michaelis

Édité par Sidonis Calysta

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Le 04/07/2022
Critique

Premier grand film fantastique de Freda, aux trucages réalisés par Mario Bava.

Les Vampires

Paris 1957 : on retrouve des cadavres exsangues de jeunes filles, victimes de celui qu’on nomme « Le Vampire » dans la presse. Mais qui peut-il bien être ? Le journaliste PierreLantin mène son enquête parallèlement à celle de la police, d’ailleurs agacée par son entêtement. Le meurtre d’une jeune danseuse le met sur la piste d’un criminel drogué à l’héroïne, soigné par le docteur du Grand. Or Lantin est précisément courtisé par sa nièce, Gisèle du Grand : cette femme noble, riche, et belle est célèbre dans tout Paris en raison de la conservation spectaculaire de sa jeunesse. Lantin décide de creuser cette piste, à ses risques et périls.

Les Vampires (I Vampiri, Ital. 1957) de Riccardo Freda (1909-1999) est l’un de ses meilleurs films (en dépit des coupes imposées par les producteurs et qui provoquèrent le départ de Freda avant la fin du tournage) et c’est aussi l’un des grands titres de l’âge d’or du cinéma fantastique italien parlant des années 1955-1975. Il est parfois considéré comme datant de 1956 dans divers ouvrages mais son copyright mentionné en minuscules chiffres arabes à la fin du générique d’ouverture est bien 1957. il ne faut évidemment pas confondre Les Vampires de Riccardo Freda avec Les Vampires (France 1915) de Louis Feuillade bien que leurs scénarios partagent deux points communs : leur sujet n’est pas le vampirisme ni la figure classique du vampire telle qu’on la trouve décrite dans les mythes et légendes ; l’action se situe à Paris.

Produit majoritairement par la Titanus, la firme italienne responsable en grande partie du second âge d’or du péplum italien (1953-1965), il est photographié par Mario Bava et doté de trucages inspirés de ceux de la Universal des années 1930 mais techniquement améliorés d’une manière souvent remarquable. Riccardo Freda est alors au milieu de son propre âge d’or filmographique qui me semble couvrir la période allant de sa belle version N&B de Spartacus (Fr.-Ital. 1953) jusqu’à Liz et Hélène (A doppa facia / Operazione allucinante, Ital.-All. 1969). Il tourne en moyenne un ou deux grands films chaque année, contribue à tous les genres du cinéma populaire avec le même talent mais sa veine fantastique, au sens thématique le plus restrictif du terme (car il y a des traces de fantastique dans plusieurs Freda antérieurs) débute vraiment avec Les Vampires

.

Les Vampires

C’est Freda qui a découvert en 1946 l’actrice principale, la sublime calabraise Gianna Maria Canale (1927-2009) qui demeure une des stars les plus belles de toute l’histoire du cinéma-bis européen des années 1950-1965. Elle a tourné environ cinquante films de 1945 à 1965 notamment des films d’aventure, des péplums (historiques et mythologiques) sous la direction de Freda, Pietro Francisci, Vittorio Cottafavi, Sergio Corbucci, Giacomo Gentilomo, Mario Costa, Carlo Ludovico Bragaglia. C’est Freda qui lui donne, logiquement puisqu’il l’aime, certains de ses plus beaux rôles, de Spartacus en passant par Theodora impératrice de Byzance (Teodora venere imperatrice, Fr.-Ital. 1954) - dont Jean-Pierre Léaud enfant vole en 1959 une photo d’exploitation à l’entrée d’un cinéma filmé par François Truffaut dans Les Quatre cents coups - jusqu’à son rôle vedette dans Les Vampires. Les décors baroques de Beni Montresor, alliant images photographiques, décors peints, fragments réalistes pointillistes à des éléments fantasmatiques issus du roman noir, du rêve, du surréalisme, sont un autre élément à porter au crédit du film. Encore une fois, on doit préciser que Bava est responsable de la photo, des trucages mais pas de la conception ni de la genèse ni du tournage majoritairement dirigé par Freda même si Bava termina seul les deux derniers jours de tournage. Reste que Bava, assez paradoxalement, contribua à une version censurée par les producteurs qui fut plus sage que celle initialement voulue par Freda.

Les Vampires

L’histoire du cinéma est d’abord une question de dates : Les Vampires en sont la preuve éclatante en raison de leur influence technique et thématique ! Les effets de vieillissement de Gianna Maria Canale sont issus des versions hollywoodiennes de Dr. Jekyll & Mr. Hyde (celles des années 1931 et 1941) mais elles sont techniquement améliorées et annoncent le vieillissement visuel des vampires dans certains Hammer Films anglais classiques des années 1958-1970. Le thème mi-fantastique, mi science-fiction de la transfusion du sang, source ambivalente de vie et de mort, sera presque repris tel quel par Le Moulin des supplices (Il Mulino delle donne di pietra, Fr.-Ital. 1960) de Giorgio Ferroni, sans oublier les titres thématiquement proches de Georges Franju (1960) et Jesus Franco (1961). L’enterrement à 22’50” est le précurseur, par son magnifique travelling latéral, de certains enterrements cormaniens de la série Edgar Poe qui débute en 1960. Freda lui-même en filmera ensuite d’admirables dans son propre diptyque d’horreur et d’épouvante interprété en vedette par Barbara Steele, à savoir L’Effroyable secret du docteur Hichcock (1962) et dans Le Spectre du professeur Hichcock (1963). Le thème de la drogue enfin (le personnage joué par Paul Muller) s’insère dans une longue histoire de films fantastiques où elle est le moteur d’actions criminelles, y compris dans la filmographie sélective fantastique postérieure de Freda lui-même, et cela dès 1962.

Sur le plan historique, l’influence plastique de Les Vampires est assez comparable à celle de son contemporain d’outre-atlantique Les Proies du vampire (El Vampiro, Mex. 1957) de Fernando Mendez : il s’agit dans les deux cas de films charnières, à la fois aboutissement d’une tradition et renouveau de cette tradition. La grande différence étant que le film de Freda mélange les genres : un peu giallo (dont il est ainsi un précurseur), un peu film de science-fiction, un peu film fantastique, un peu mélodrame, sans oublier quelques touches de comédies. Les Vampires demeure, autant par lui-même que par l’histoire de sa production, un très étrange et très passionnant objet pur d’histoire du cinéma fantastique.

Les Vampires

Présentation - 4,5 / 5

1 Digibook combo Blu-ray BD50 + 1 DVD9 + 1 livret 24 pages, édité par Sidonis Calysta en Digibook le 26 mai 2022. Durée du film : 81 min. 31 sec. env. (Blu-ray) et 78 min. 15 sec. (DVD). Image 2.35 N&B compatible 16/9 (en Full HD 1080p sur Blu-ray). Son VISTF et VF d’époque en DTS-HD Master Audio 2.0 mono (sur Blu-ray). Suppléments : présentation du film par Olivier Père (2022, durée 22’30”) + le film vu par Christophe Gans (2022, durée 45’) + scènes coupées et séquences supplémentaires américaines (durée 10’44”) + bandes-annonces originales (durées 2’35” + 1’38”, VO). C’est un fragment du visuel de l’affiche américaine qui a été sélectionné pour l’illustration de couverture du Digibook.

Livret 24 pages illustrées N&B et couleurs, par Marc Toullec

Il commence bien sur le plan iconographique (une reproduction pleine page d’une des affiches italiennes), mal sur le plan de la syntaxe (« Son réalisateur attitré, Riccardo Freda, aurait-il pu s’y faire appeler Robert Hampton ! » : cette phrase, écrite sous l’affiche reproduite page 2, n’est pas correcte syntaxiquement et n’a littéralement aucun sens puisque, en 1957, Freda ne signe pas encore avec ce pseudonyme) et mal aussi sur le plan des coquilles orthographiques ( parmi lesquelles les sévères « l’en 0  » sic, page 3 au lieu du correct « l’an zéro », « quoi que » au lieu de « quoique » en bas de la page 16, etc. sans oublier quelques expressions franchement vulgaires ou argotiques : « tête dans le cul » sic page 18, « coup de gueule » sic page 18 aussi, « Quitte à un coup tordu, les producteurs tentent bientôt d’inverser la vapeur » sic page 23 outre le fait que « quitte à » exige un verbe ici absent). Bonne remarque historique sur le cinéma fantastique italien muet. Nombreuses précisions utiles sur la genèse, la production, le tournage, la collaboration de Freda et Bava, pour la plupart empruntées à des entretiens déjà publiés avec Bava et Freda, notamment celui avec Freda paru dans la revue Midi-Minuit Fantastique n°7. En illustrations, sont reproduites des photos de tournage, des photos de plateau (celle de Gianna Maria Canale sur double page est célèbre) et d’exploitation, quelques très belles affiches (dont une sur double page aussi). La photo N&B en haut de la page 5 est un exemple d’un plan invisible en France mais exploité aux USA et qui servit là-bas pour une photo de production imprimée par le distributeur américain : Gianna Maria Canale y est surprise dans son lit par le photographe amoureux d’elle. La scène est absente en France. Non seulement le rédacteur ne le mentionne pas à cet endroit (ce qui eût été utile au lecteur même si l’existence des scènes alternatives américaines et coupées européennes est mentionnées plusieurs pages après) mais, ce qui est nettement plus gênant, il confond dans le texte écrit en légende et imprimé entre les deux photos de cette page 5, l’acteur jouant le rôle du photographe (sur la photo du haut) et celui jouant le rôle du journaliste (sur la photo du bas). Les sources utilisées pour la rédaction du livret sont mentionnées à la dernière page : une dizaine de livres, articles de journaux et revues, anglophones et francophones. Elles ne sont, en revanche, pas datées, ce qui constitue une lacune éditoriale contrevenant aux règles bibliographiques. Il faudrait se donner la peine de les mentionner systématiquement dans les futurs livrets.

Les Vampires

Bonus - 4,5 / 5

Présentation du film par Olivier Père (2022, durée 22’30”) : précise et soignée, cette présentation générale couvre la genèse du film, sa place dans l’histoire du cinéma fantastique, la situation filmographique de Freda et de Bava au moment de la production, l’histoire de la comtesse Bathory qui influença thématiquement le scénario, la carrière de l’actrice Gianna Maria Canale, la réception critique du titre en France (par exemple la position de Jacques Lourcelles, occasion d’une bonne remarque sur le nécessaire équilibre à maintenir entre Freda et Bava, concernant ce titre). Elle est illustrée par quelques extraits du film. Je recommande de la visionner avant l’analyse de Gans qui est plus pointue et très complémentaire de celle de Père sur certains points. Juste une remarque : ce ne sont évidemment ni Freda ni Piero Regnoli qui ont inventé le thème de la femme aux deux visages ni Gianna Maria Canale qui est sa première incarnation : il hante toute l’histoire du cinéma mondial des origines muettes à nos jours.

Le film vu par Christophe Gans (2022, 45’ env.) : présentation pointue, fine, parfois même très serrée, technique et historique à la fois, passionnément dite et défendue. Elle apprendra beaucoup de choses au cinéphile novice et même au cinéphile pointu. Bonne remarque historique sur le mélange des genres constitué par le scénario, sur son originalité. La question de la répartition des rôles entre Freda et Bava est le point central de cette analyse esthétique ; elle sert aussi de point d’appui pour une synthèse comparative de l’oeuvre de Freda et de celle de Bava dans laquelle Gans se révèle, me semble-t-il, un peu moins à l’aise que dans la précédente. Des remarques utiles sur l’hommage possible de Freda à Louis Feuillade, sur les trois similitudes entre ce Freda et le Bava de 1960, sur la filiation photographique entre Eugenio Bava (grand directeur photo du cinéma muet classique italien) et son fils Mario Bava, sans oublier des informations sur les scènes coupées par la production (par exemple celle qui était à l’origine de la cicatrice vue sur le coup du criminel Joseph joué par Paul Muller), sur l’actrice Gianna Maria Canale, sur les décors de Beni Montresor. Illustré par des extraits du film et quelques photos et affiches, l’ensemble étant soigneusement monté.

Scènes coupées et alternatives américaines (10’44”) : état argentique médiocre mais documents rares, précédés d’une explication historique concernant notamment les scènes américaines. Le Dvdphile se souvient peut-être que l’ancienne édition américaine DVD NTSC de Image Entertainment montrait, dans sa section affiches et photos, d’étranges photos de plateau totalement inconnues des spectateurs français : elles provenaient pour l’essentiel de ces scènes alternatives américaines.

Bandes-annonces (2’35 + 1’38”, VO, N&B) : états argentiques médiocres mais documents rares. La première est une BA allemande (au titre savoureux) qui présente l’intérêt de montrer quelques plans de la scène (invisible dans les copies françaises) durant laquelle Joseph Signoret était guillotiné. La seconde est la très médiocre BA américaine qui contient quelques plans rajoutés aux USA.

Il manque une galerie affiches et photos pour que la note de ces bonus soit au maximum : lacune partiellement (mais partiellement seulement) comblée par le livret. Cela dit, bel ensemble informatif et la meilleure édition française numérique actuelle de ce classique.

Les Vampires

Image - 4,5 / 5

Format 2.35 N.&B, compatible 16/9 en Full HD 1080p. Master restauré par la RAI italienne. État argentique : à quelques deux ou trois plans près (télécinéma à la mise au point un peu lente, lors des amorces de certaines séquences ou plan du cadavre dans la Seine à la définition médiocre : quelles que soient la version et l’image vidéo visionnée, ce plan demeure obstinément le parent pauvre du film), le reste est impeccable. État numérique  : c’est une restauration supérieure à toutes celles qu’on avait pu voir en France auparavant. Bonne luminosité, bonne définition, bonne gestion du contraste et des noirs dans les scènes de nuit aux profondeurs de champ techniquement très soignées. La direction de la photo et les effets spéciaux optiques sont de Mario Bava.

Les Vampires

Son - 5,0 / 5

VitalienneSTF + VFrançaise d’époque, en DTS-HD Master Audio 2.0 mono : offre complète pour le cinéphile francophone. L’ancienne édition DVD Carlotta ne comportait pas la VF d’époque : cette lacune (alors que la Cinémathèque Française avait autrefois projeté cette VF d’époque au Palais de Chaillot en présence de Riccardo Freda lui-même) est enfin réparée par cette édition Blu-ray Sidonis ! Il le fallait d’autant plus qu’elle est dramaturgiquement très soignée et qu’on y entend la voix originale du comédien Antoine Balpêtré. Pistes très bien restaurées, en excellent état technique. Musique symphonique baroque composée par Roman Vlad.

Crédits images : © Titanus, Athena Cinematografica

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 5 juillet 2022
Premier grand film fantastique de Riccardo Freda, secondé à la photographie et aux effets spéciaux par Mario Bava. Et l'un des plus beaux rôles de l'actrice Gianna Maria Canale, l'une des reines du cinéma-bis italien des années 1950-1965.

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