7 secondes en enfer (1967) : le test complet du Blu-ray

Hour of the Gun

Édition Collection Silver Blu-ray + DVD

Réalisé par John Sturges
Avec James Garner, Jason Robards et Robert Ryan

Édité par Sidonis Calysta

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Le 19/07/2022
Critique

Un des meilleurs westerns de Sturges, au scénario délivrant une vision originale d’un fait réel devenu légendaire.

7 secondes en enfer

Arizona, USA, le 26 octobre 1881, vers 15H00 : un sanglant règlement de comptes oppose au lieu-dit OK Corral, aux portes de la petite ville de Tombstone, le clan de Wyatt Berry Earp et celui de Joseph Isaac Ike Clanton. Chacun estime que la justice de l’Ouest doit être de leur côté : ils disposent d’hommes de main mais aussi d’avocats, de shérifs adjoints, d’amitiés politiques locales. Les procès se succèdent sans rien régler sur le fond : lke Clanton ordonne l’assassinat des frères de Earp. Ce dernier pourchasse puis abat les tueurs, remontant inexorablement la piste de leur commanditaire. Un duel final se produit à Clanton Corral, au Mexique, le 15 avril 1882.

7 secondes en enfer (Hour of the Gun, USA 1967) de John Sturges (1910-1992) est un western original. Le scénario de Edward Anhalt prend le célèbre combat de OK Corral comme point de départ de son histoire et non comme un point d’aboutissement, ainsi que le faisaient certaines versions cinématographiques parlantes antérieures signées Edward L. Cahn (1932), Allan Dwan (1939), John Ford (1946) et aussi John Sturges lui-même, dix ans plus tôt en 1957. 7 secondes en enfer forme en effet un diptyque filmographique autant qu’historique avec Règlements de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the OK Corral, USA 1957) de John Sturges.

7 secondes en enfer

Le titre de 1967 commence où s’achevait celui de 1957 : il développe les conséquences meurtrières de l’histoire racontée en 1957, décrivant soigneusement leur contexte politique, social, juridique. Le scénario de Anhalt se veut réaliste et documenté - « ce film est basé sur des faits : voici la manière dont les choses se sont passées » prévient le générique d’ouverture - mais modifie de nombreux aspects de la réalité et parfois la laisse franchement de côté. Les âges réels de Wyatt Earp (1848-1929), Doc Holliday (1851-1887) et Ike Clanton (1847-1887) ne sont pas respectés par le film ; Wyatt Earp conservait systématiquement le chien de son revolver sur une chambre vide par prudence et ne tirait donc en simple action que cinq coups maximum à la suite et non pas les six coups qu’on le voit tirer sur Warshaw lorsqu’il l’abat ; le duel final entre Earp et Clanton est purement fictif car le véritable Clanton fut tué quelques années plus tard en 1887 pour vol de bétails par un policier nommé Brighton ; enfin Earp n’a pas cessé d’agir comme shérif après 1882 puisque, outre ses activités parfois illégales, il collaborait occasionnellement comme auxiliaire de justice pour diverses polices de divers États américains, par exemple pour la police de Los Angeles vers 1910 alors qu’il avait plus de soixante ans. Anhalt a donc, de toute évidence, préféré transformer certains aspects de la réalité historique pour mieux la traiter d’une manière dialectique (« Earp est-il un justicier porteur d’un badge ou un assassin au sang froid ? » se demandait l’affiche américaine de 1967) car assez hégélienne, la considérant comme un authentique combat à mort pour la reconnaissance, similaire à celui théoriquement décrit par G.W. F. Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit (1807). Ce combat peut sembler avoir échoué (point de vue formel légaliste de la société civile de 1881 : ni Earp ni Clanton ne sont justifiés par les juges) mais Sturges et Anhalt le montrent comme fondamentalement réussi (point de vue réel exprimé par l’oeuvre d’art qu’est le film de 1967 : Earp et Clanton appartiennent bien à une race d’élite car la seule prenant le risque de faire reconnaître sa vérité au prix de la mort). 7 secondes en enfer veut restituer ces deux clans non pas tant tels qu’ils furent réellement mais tels qu’ils se voulurent, tels qu’ils se représentèrent à eux-mêmes, autrement dit la conscience qu’ils eurent d’eux-mêmes.

7 secondes en enfer

La critique de la justice formelle délivrée par le scénario est, pour sa part, non moins hégélienne : elle est ironiquement symbolisée par un « Levez-vous ! » identique après que le marteau du juge se soit abattu deux fois en pure perte à l’issue de deux procès censés juger les assassinats ayant meurtri successivement chaque clan. Le fait que l’un des deux clans bénéficie dans ses rangs d’un homme porteur d’une étoile ou bien présente un tel homme comme témoin est considéré par les protagonistes comme une pure contingence. L’administration judiciaire est montrée comme un leurre qui n’existe que pour être nié (en tant que fondamentalement ignorante et inefficace) puis surmonté par un nouvel affrontement (prenant pour sa part en compte à la fois la vérité et la réalité des situations et des conflits) jusqu’à l’affrontement final.

Le scénario de 7 secondes en enfer est construit d’une manière circulaire. Une épreuve initiatique (le duel du début à Ok Corral en Arizona) l’ouvre ; il s’achève par une seconde épreuve davantage resserrée mais homogène en tension dramatique (le duel de la fin à Clanton Corral au Mexique). La mort est considérée comme le juge de l’action et confère un sens total à la vie comme à la conscience des intervenants. Clanton (et les hommes qu’il juge dignes de lui car prêts à mourir) et Earp (et les hommes qu’il juge dignes de lui car prêts à mourir) sont identifiés l’un à l’autre car tous deux authentiquement prêts à risquer la mort pour être reconnus. Alors que la contingence des temps, des lois et des moeurs change le monde autour d’eux, ces deux-là ne changent pas : leur volonté est la clé tragique de leur affrontement mais détermine aussi leur communauté réelle par-delà la contingence des intérêts matériels, économiques, financiers qui les opposaient. Doc Holliday est envisagé, pour sa part, comme une sorte d’étrange médiateur, dominant réflexivement l’histoire. Il incarne tout du long une curieuse distance mais aussi une curieuse fraternité objective, posant un regard égal sur Earp et Clanton : son point de vue est le leur ; il comprend leur lutte et il n’existe que pour l’accomplir réellement, indifférent à son aspect légal qui l’amuse car il l’estime formel. Le fait qu’il soit du côté de Earp est presque contingent, lui aussi : si le hasard l’avait voulu, il aurait pu être du côté de Clanton : il est de la même race d’élite, si on s’en tient au scénario de Anhalt. Seul le combat l’intéresse : la paix l’intéresse si peu qu’il préfère se suicider (en buvant contre les ordres médicaux afin d’accélérer sa mort) pour y échapper.

7 secondes en enfer

John Sturges est le seul cinéaste américain à avoir filmé les deux volets temporels (l’avant et l’après) de ce combat célèbre du 26 octobre 1881, de cette action historique fondatrice, parmi quelques autres, de l’image légendaire des USA. La vision du scénariste Edward Anhalt pousse cette action au bout de sa logique mais en vidant les individus de leur substance personnelle contingente. Leurs familles, leurs maîtresses, leurs autres activités historiques sont mises de côté par l’histoire qui se concentre sur leur rapport à une mort ressentie comme preuve éthique de leur valeur, condition sine qua non de la vérité de leur propre vie. Le rapport de fidélité au chef du clan est, comme à l’époque de la foi jurée et de la chevalerie médiévale occidentale, considéré comme supérieur à tout rapport monétaire ressenti comme vil et inférieur : la séquence où les proches lieutenants de Earp lui reprochent de mentionner une question d’argent et où ce dernier leur présente ses excuses pour l’avoir fait, est admirablement significative. D’autres notations en revanche économiques, et même parfois presque d’économie politique (le discours ample et lucide, cynique et dur, de Clanton à ses hommes après le premier combat et les explications amusées de Earp concernant la limitation régulée des pertes au jeu dans son établissement) renvoient à l’éthique protestante et au développement du capitalisme américain dans le cadre démocratique de la révolution américaine de 1775. Si les fantômes respectifs de Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835-1840) et de Max Weber (L’Éthique protestante et le développement du capitalisme, 1905) visionnent 7 secondes en enfer dans une cinémathèque de l’au-delà, je gage qu’ils apprécieront en connaisseurs certaines de ses notations sociologiques.

7 secondes en enfer

Pessimiste, raisonnablement documenté concernant certains aspects (les armes légères filmées - notamment les revolvers simple action Colt Cavalerie et Colt Artillerie de calibre 45 Long Colt (11,43 mm x 33 mm nominal) aux canons longs de 5 à 8 pouces - sont historiquement correctes), lucide, viril, ultra-violent sur le plan graphique, 7 secondes en enfer demeure un des meilleurs westerns de Sturges et un des meilleurs du genre de la période parlante du vingtième siècle. Sur le plan esthétique Il allie un classicisme glacé (Sturges filme la nature comme Raoul Walsh et Bud Boetticher : les arbres seuls échappent à ce pur fonctionnalisme et sont l’occasion de plans presque esthétisants) à un modernisme parfois proche du baroque (voir l’impressionnante composition géométrique des premiers plans du générique d’ouverture, voir aussi le décor baroque désolé mexicain duquel jaillit brusquement une construction trahissant la richesse de Clanton puis la rigueur au contraire dépouillée du duel final qui est presque une épure). Cet équilibre esthétique fragile mais qui est une des qualités remarquables de ce titre (elle s’oppose évidemment à l’esthétique souvent purement baroque du western européen de 1960-1967) se reflète dans la partition de Jerry Goldsmith, conçue comme une ample boucle symphonique reliant musicalement, d’une manière elle aussi à la fois subtilement baroque et classique, le premier combat au dernier.

7 secondes en enfer

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray BD50 + 1 DVD9 édités par Sidonis, collection Silver Blu-ray, le 1er juillet 2022. Image Full HD 1080p couleurs au format original 2.35 compatible 16/9 sur le Blu-ray. Son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF et VF d’époque. Durée du film sur Blu-ray : 101 min. environ. Suppléments : présentations par Patrick Brion, Bertrand Tavernier, Jean-François Giré, bande-annonce originale de 1967.

Bonus - 3,5 / 5

Présentation par Patrick Brion (2008 provenant de l’ancienne édition spéciale DVD Sidonis, 8’30” environ) : elle situe rapidement mais très bien le titre dans l’histoire cinématographique du genre. Elle examine ensuite assez précisément son rapport à l’histoire réelle et à la légende. Quelques affiches et photos en illustration.

Présentation par Bertrand Tavernier (2008 provenant de l’ancienne édition spéciale Sidonis, durée 42’ environ) : elle replace soigneusement le titre dans l’histoire du western américain (adaptations antérieures signées Allan Dwan, Edward L. Cahn, John Ford, John Sturges pour une première version) et dans la filmographie de Sturges (occasion de jugements variés sur certains de ses titres), le compare (sans aucune précision réellement apportée mais en soulevant quelques points controversés) à la réalité selon divers écrivains et historiens américains. Elle analyse la mise en scène de John Sturges, la direction photo de Lucien Ballard, la musique de Jerry Goldsmith, la conception du scénario (analyse très inégale qui pointe correctement certains aspects mais en manque d’autres), le jeu des acteurs principaux. Attention à une erreur gênante : le premier dialogue est, contrairement à ce que prétend Tavernier, bien prononcé dans la VO et bien traduit dans la VF d’époque, nullement évincé par la musique de Goldsmith. Présentation trop longue, parfois franchement pénible à écouter en raison du bafouillage récurrent de Tavernier, de ses hésitations et de ses redites inutiles. Elle est illustrée par des extraits, des affiches, quelques photos.

7 secondes en enfer

Présentation par Jean-François Giré (2022, durée 21’15’ ») : elle aurait pu assez bien remplacer les deux autres car elle couvre synthétiquement et clairement les points examinés par Brion et Tavernier en 2008. Sans oublier une incise conséquente sur la contribution du compositeur Jerry Goldsmith au genre du western. Ensemble illustré de quelques extraits, quelques affiches et quelques photos y compris une montrant les véritables Wyatt Earp et Doc Hollyday.

Bande-annonce originale (1967, VO sans STF, durée 2’20”) : état argentique moyen mais très intéressante car elle confirme le slogan de l’affiche originale (Wyatt Earp était-il un justicier ou un assassin ?) et son montage est très efficace.

Aucune galerie affiches et photos d’exploitation, de plateau, de production, de tournage : j’aurais pour ma part préféré avoir un tel bonus plutôt que l’ensemble de ces trois présentations, parfois inévitablement redondantes mais qui se complètent néanmoins assez bien sur certains points. Attention, Tavernier en 2008 comme Giré en 2022 ont tendance à classer Un Homme est passé (Bad Day at Black Rock, USA 1955) de Sturges comme un western alors que c’est un film noir policier qui se déroule dans des extérieurs de western : nuance. Il est vrai que certains critiques américains le classent de la sorte mais c’est une erreur générique de leur part.

7 secondes en enfer

Image - 4,0 / 5

Format 2.35 original en couleurs et compatible 16/9, en Full HD 1080p AVC. Copie argentique pas irréprochable : les fragments de quelques plans sont défectueux ou sales mais le reste est, dans la grande majorité de l’ensemble, impeccable. Transfert vidéo satisfaisant : bruit vidéo maîtrisé, couleurs vives, définition rehaussée, excellent équilibre entre grain et lissage tout du long. Direction de la photographie signée Lucien Ballard, employé à la même époque par le cinéaste Sam Peckinpah.

7 secondes en enfer

Son - 5,0 / 5

VOSTF + VF d’époque en DTS-HD Master Audio 2.0. mono, parfaitement restaurée : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VOSTF est dotée d’un équilibrage net et dynamique entre effets sonores, dialogues et musique. La VF d’époque est excellente, dotée de voix bien adaptées aux personnages : seul Jason Robards est doublé d’une manière un peu trop chargée. Musique remarquable signée Jerry Goldsmith dont c’était l’âge d’or : une de ses plus belles partitions symphoniques, à la fois sur le plan mélodique et sur le plan orchestral.

Crédits images : © Mirisch-Kappa Production

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 20 juillet 2022
Un des meilleurs westerns de Sturges, au scénario délivrant une vision originale d’un fait réel devenu légendaire.

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