Le Monstre vient de la mer (1955) : le test complet du Blu-ray

It Came from Beneath the Sea

Réalisé par Robert Gordon
Avec Kenneth Tobey, Faith Domergue et Donald Curtis

Édité par Sidonis Calysta

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Le 17/02/2023
Critique

Première collaboration du maître de l’animation Ray Harryhausen avec Charles H. Schneer, producteur de films fantastiques dont l’âge d’or fut 1955-1970.

Le Monstre vient de la mer

USA 1955, océan Atlantique puis San Francisco : un sous-marin américain repère d’étranges signaux aquatiques. Ils s’avèrent émis par une gigantesque pieuvre devenue radioactive à la suite d’une expérience atomique sous-marine. Un fragment de sa chair permet de le confirmer et d’évaluer ses monstrueuses dimensions. Elle attaque des navires puis les plages et même le port de San Francisco dont elle détruit le pont Golden Gate. L’armée de terre et la marine sont alors mobilisées pour une lutte sans merci.

Le Monstre vient de la mer (It Came From Beneath the Sea, US 1955) de Robert Gordon marque le début de la collaboration du créateur d’effets spéciaux et spécialiste de l’animation Ray Harryhausen (1920-2013) avec le producteur Charles H. Schneer (1920-2009) qui était depuis 1949 l’associé du producteur Sam Katzman (1901-1973, ici crédité producteur exécutif. Tous les trois sont bien connus des cinéphiles s’intéressant à l’histoire du cinéma fantastique. Il faut ajouter un quatrième nom : Willis O’Brien (1886-1982) car c’est la vision, à l’âge de 13 ans, de ses célèbres effets spéciaux conçus pour le King Kong (USA 1933) de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, qui décida de la vocation cinématographique de Harryhausen. Il devint son collaborateur en 1949 puis son héritier technique, son continuateur indépendant à partir de Le Monstre des temps perdus (The Beast From 20,000 Fathoms, USA 1953) d’Eugène Lourié, produit par la Warner.

Harryhausen et Schneer travailleront par la suite régulièrement ensemble, de 1955 à 1981 mais l’âge d’or de leur collaboration s’étend de 1955 à 1969. Le Monstre vient de la mer (1955), Les Soucoupes volantes attaquent (Earth vs. Flying Saucers, USA 1956) de Fred. F. Sears et À des millions de kilomètres de la Terre (20 Millions Miles To Earth, USA 1957) de Nathan Juran sont les trois premières productions de Schneer dans le genre, N&B d’origine. Le scénariste George Worthing Yates (1901-1975) connut un plus bref âge d’or fantastique couvrant la période 1954-1960, essentiellement dans le domaine de la science-fiction : il signe en 1955 le scénario du film de Gordon, en 1957 celui du film de Juran.

Le Monstre vient de la mer est l’un des deux titres qui maintiennent la mémoire du réalisateur Robert Gordon dans le genre fantastique : il relève de la catégorie science-fiction tandis que l’autre sera le surréaliste, rare, et très savoureux film d’épouvante Les Fauves meurtriers (Horror of the Black Zoo, USA 1963) produit par Herman Cohen et tourné en Scope-couleurs dont la dernière projection publique remonte peut-être bien chez nous à un des premiers L’Etrange Festival. Son titre de science-fiction de 1955 résiste bien à l’épreuve du temps en raison de plusieurs qualités : sa volonté de réalisme documentaire (tournage dans un véritable sous-marin, utilisation de films documentaires militaires), son sens du suspense (la révélation progressive du monstre), son interprétation, et, bien sûr, la poésie de ses effets spéciaux.

Le Monstre vient de la mer

Lors d’une exposition (The Art of Ray Harryhausen) organisée à la Tate Britain Gallery de Londres en 2017 (*) , on montra au public les collections de Harryhausen, ses figurines, dessins et croquis mais aussi certains des principaux tableaux de peintres anglais romantiques qui l’inspirèrent tels que John Martin et Joseph Michael Landy. Il fut clairement fasciné par l’apocalypse et la destruction, hanté par l’idée d’atteindre à leur illustration plastique aussi précise que possible. Le dernier tiers, si étrangement naïf et oppressant à la fois, de Le Monstre vient de la mer, est sous-tendu par cette précision hallucinée, devenant une sorte de documentaire soudainement saisi de folie. Le réalisme antérieur de la mise en scène de Robert Gordon se transforme alors en écrin destiné à mieux faire ressortir cette terrible puissance destinée - il faut s’en souvenir lorsqu’on visionne cela en vidéo, même sur un grand écran UHD - à un très grand écran de cinéma, sur image N&B d’origine (**).

Notes :
(*) Cf. l’article de Horatia Harrod, A God who worked at 24 frames a second (« Un dieu qui travaillait à 24 images par seconde »), paru dans le journal Financial Times du mercredi 20 septembre 2017, section Visual Arts, page 6.
(**) Harryhausen confirme dans ses souvenirs le fait que la conception plastique des trois titres Columbia fut N&B. Il assure certes, en 2007, qu’il aurait aimé les concevoir en couleurs mais souligne qu’il ne le pouvait pas du fait des lacunes techniques des pellicules couleurs de l’époque. Il semble beaucoup apprécier la coloration tardive de ses titres, effectuée par ordinateur en 2007, mais le cinéphile doit privilégier les versions N&B d’origine par principe. Heureusement, elles sont ici proposées. Cette réserve ne préjuge pas de la qualité propre des films couleurs natifs originaux auxquels Harryhausen participa dès les années 1960 lorsqu’il jugea suffisant le niveau technique de leur élaboration argentique : là, ce n’est pas un ordinateur réglé selon on ne sait quels critères statistiques et esthétiques qui présidait aux aspects d’une émulsion mais ses artistes créateurs (le réalisateur, le directeur photo et Harryhausen lui-même). Cela change tout. La coloration d’une oeuvre d’art initialement N&B est une aberration du point de vue esthétique puisqu’elle modifie l’oeuvre originale. Cela même si ses créateurs l’approuvent : il faut savoir défendre une création contre ses créateurs eux-mêmes : l’oeuvre d’art ne leur appartient plus ; elle appartient au patrimoine universel de l’humanité et doit donc être par principe respectée, maintenue en état intangible.

Le Monstre vient de la mer

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray BD50 région B, édité par Sidonis Calysta le 09 décembre 2022. Image N&B au format 1.77 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 mono VOSTF. Durée du film : 79 min. Suppléments : Commentaire audio VOSTF de Ray Harryhausen (effets spéciaux et animation), Arnold Kunert (producteur), Randy Cook (expert en animation) et John Bruno (expert effets visuels) enregistré pour la version couleurs en 2007 + Tim Burton s’entretient avec Ray Harryhausen (2007, durée 27’) + Matériel publicitaire d’origine (1955, durée 18’) + Ray Harryhausen se souvient du film (2007, durée 22’).

Bonus - 5,0 / 5

Commentaire audio (2007, VOSTF, durée 80 min. environ) : le créateur des effets spéciaux et de l’animation Ray Harryhausen, le documentariste Arnold Kunert, les expert en animation et effets spéciaux Randall William Cook et John Bruno ont enregistré ce commentaire à l’occasion de la présentation de la version coloriée en 2007. Arnold Kunert est inconnu du public français mais il fut non seulement l’agent américain de Harryhausen à partir des années 2000 mais devint en outre son historien et documentaliste officiel. Kunert lui a consacré plusieurs documentaires contenant du matériel de première main. La majorité des informations techniques fournies par Harryhausen se retrouvent aussi dans l’entretien spécifiquement consacré au film, examiné dans le bonus suivant. Quelques remarques supplémentaires sur le casting et les conditions de production.

Ray Harryhausen se souvient du film (2007, VOSTF, durée 22 min. environ) : trois intervenants au total puisque Harryhausen se souvient de la genèse et de la production de 1955 tandis que le spécialiste des effets spéciaux John Bruno s’intéresse à ces derniers et que l’écrivain John Canemaker examine la gestion du temps et de l’espace dans la continuité plan par plan. C’est le bonus principal et le plus riche en informations : il s’avère supérieur au commentaire audio sur ce plan.

Tim Burton s’entretient avec Ray Harryhausen (2007, VOSTF, durée 28 min. environ) : le réalisateur Tim Burton discute avec Harryhausen du style des films fantastiques auxquels il collabora, de leurs budgets, de leurs réception critique et commerciale. Ce bonus vaut pour les trois titres Columbia qu’il examine et pour l’ensemble de la filmographie fantastique de Harryhausen à laquelle il fait régulièrement allusion. Nombreuses informations techniques commentées de première main.

Matériel publicitaire d’origine (2007, durée 18 min. environ) : Arnold Kunert présente de nombreux dessins et projets publicitaires conçus pour la sortie en exclusivité de 1955, son dossier de presse original de 1955 et les publicités d’autres films fantastiques auxquels contribua Harryhausen. Bel ensemble très soigneusement et utilement commenté mais que le cinéphile pourra compléter par la galerie affiches et photos de l’édition américaine Power House de 2017.

Ensemble solidement documenté, reprenant l’essentiel des bonus de l’édition collector américaine Sony de 2007. Seul bémol : la section consacrée au matériel publicitaire d’origine ne peut, en dépit de son intérêt propre, hélas pas rivaliser avec une véritable galerie affiches et photos.

Le Monstre vient de la mer

Image - 4,0 / 5

Full HD 1080p AVC, au format large original 1.85 compatible 16/9, en N&B. Mis à part quelques plans rapportés en état moyen de stock-shots documentaires éparpillés dans le film, la continuité argentique est impeccablement restaurée. Sur le plan vidéo, bon équilibre entre grain et lissage. Je conseille de visionner d’abord la version N&B avant la version récente coloriée. Bien que Harryausen assurât en 2007 qu’il était favorable à l’entreprise et satisfait du résultat, je considère qu’elle demeure sur le plan de la poésie plastique très inférieure à la version originale N&B. D’autant que le même Harryhausen assure qu’un de ses maîtres en matière d’art plastique fut Gustave Doré. Et son autre maître Willis O’Brien concevait lui aussi ses oeuvres en N&B. Cette admiration sénile que Harryhausen manifeste en 2007 dans les divers suppléments ici repris de l’ancienne édition américaine Sony pour la coloration informatique de ses oeuvres argentiques est, sinon vénale, au moins très naïve et peu réfléchie sur le plan esthétique. C’est au moment où l’on sélectionne « film » dans le menu que l’option de choix entre image coloriée 2007 et image originale N&B 1955 est offerte.

Le Monstre vient de la mer

Son - 2,5 / 5

Dolby Digital Audio 5.1. et 2.0 mono en VOSTF : offre nécessaire mais insuffisante pour le cinéphile francophone puisqu’il manque la VF d’époque qui existait très probablement. En effet, la Columbia distribuait à Paris, durant le même mois d’août 1958, ce film signé Gordon de 1955 et le film signé Fred F. Sears de 1956. Celui de 1956 était muni de sa VF d’époque (le Blu-ray Sidonis en témoigne puisqu’il la propose) ; celui de 1955 l’était très probablement aussi (même si on n’a pas réussi à la retrouver) : même catégorie science-fiction du genre fantastique, même budget de production série B, même producteur-distributeur américain Columbia, même public visé et même mois de sortie française. Pourquoi l’un en aurait-il été muni et pas l’autre ? Concernant le titre Columbia de 1957 signé par Juran, je renvoie à la section son de sa fiche technique : il fut distribué plus tôt (en 1957) en France (Christophe Bier a obligeamment vérifié) et disposa d’une sortie VO dans au moins un cinéma parisien et d’une sortie VF en province (dont Jean-Pierre Bouyxou me rapporte non moins obligeamment avoir été l’auditeur, témoin contemporain de son exploitation chez nous). Revenons à notre titre de 1955 : la remastérisation 5.1 de la VO (aux STF optionnels) est, pour sa part, très efficace et nette mais la piste 2.0 mono originale est largement suffisante sur la plan du dynamisme et des effets sonores comme de la musique. Sur la musique signée Misha Bakaleinikoff, je renvoie à la section bonus du Blu-ray de À des millions de kilomètres de la Terre qu’il a également composée.

Crédits images : © Columbia Pictures Corporation, Clover Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 17 février 2023
Première collaboration du maître de l’animation Ray Harryhausen avec la Columbia et Charles H. Schneer, producteur de films fantastiques dont l’âge d’or fut 1955-1970.

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