À des millions de kilomètres de la Terre (1957) : le test complet du Blu-ray

20 Million Miles to Earth

Réalisé par Nathan Juran
Avec William Hopper, Joan Taylor et Frank Puglia

Édité par Sidonis Calysta

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Le 17/02/2023
Critique

Un classique de la filmographie fantastique du cinéaste Nathan Juran, aux effets spéciaux signés Ray Harryhausen.

À des millions de kilomètres de la Terre

Sicile puis Rome, Italie 1957 : un vaisseau spatial américain amerrit, de retour d’une mission d’exploration de la planète Vénus. Il ramène un survivant, le colonel Calder, mais aussi un oeuf d’où émerge un terrible reptile dont la croissance, sous l’effet de l’atmosphère terrestre qui fait réagir son métabolisme, double toutes les 24H. Traqué par la police sicilienne et l’armée américaine, il s’échappe mais finit par être capturé vivant, endormi et transporté à Rome. Présenté à la presse internationale, il s’échappe de nouveau, terrasse un éléphant puis, devenu incontrôlable et gigantesque, se réfugie au sommet de l’enceinte archéologique du monumental Colisée : l’armée l’attaque alors avec des chars d’assaut et des mitrailleuses.

À des millions de kilomètres de la Terre (20 Millions Miles To Earth, USA 1957) de Nathan Juran (1907-2002) est la troisième production fantastique Columbia fantastique aux effets spéciaux réglés par Ray Harryhausen. La structure de sa production et de son tournage furent identiques à celles des deux titres de 1955 et 1956 distribués par la Columbia (bien que le producteur Charles H. Schneer ait créé une société indépendante mentionnée au générique) : Harryhausen dessinait et concevait l’essentiel du film puis contribuait à l’élaboration du scénario, de la réalisation, du montage aux côtés du producteur et du réalisateur. La direction artistique très soignée et les extérieurs naturels romains (et proches de Rome car aucune scène ne fut réellement tournée en Sicile) lui confèrent cependant un aspect techniquement forcément plus luxueux que celui des deux productions Columbia auxquelles Harryhausen avait collaboré antérieurement, à savoir le film de Robert Gordon de 1955 et celui de Fred F. Sears de 1956.

Distribué à peine un mois après La Chose surgit des ténèbres / La Chose surgie des ténèbres (The Deadly Mantis, USA 1957) du même Nathan Juran, À des millions de kilomètres de la Terre supporte techniquement la comparaison avec lui et son scénario comporte quelques morceaux de bravoure plastiquement très beaux tels que le combat de la créature avec un éléphant (alterné au montage avec une maquette moulée : le procédé venait tout juste d’être expérimenté par Harryhausen pour une production d’Irwin Allen) qui annonce celui du tyrannosaure avec un autre éléphant dans le si beau La Vallée de Gwangi (USA 1969) de James O’Connolly, également réglé par Harryhausen en ce qui concerne les effets spéciaux. La distance entre la planète Vénus et la Terre est d’environ 40 millions de kilomètres (donc 23 millions de Miles anglo-saxons) mais le réalisme scientifique du film se limite à cette approximation du titre. Harryhausen lui-même se félicite d’avoir fait respirer sa créature monstrueuse (ce qui lui confère un surcroît plastique de réalisme et de vie) alors que les dialogues expliquent qu’elle est dépourvue de poumon du fait de son origine !

À des millions de kilomètres de la Terre

NathanJuran avait été un des décorateurs les plus célèbres d’Hollywood dans les années 1940  : il avait été responsable de la direction artistique de titres signés par des cinéastes très divers, de John Ford à Harry Lachman. Passé à la mise en scène au début des années 1950, il signa comme réalisateur de solides westerns, des films noirs policiers, des films d’aventures, des films fantastique. Il collabora avec Harryhausen sur plusieurs productions fantastiques. À des millions de kilomètres de la Terre est le dernier film N&B auquel Ray Harryhausen contribua et un des derniers en N&B que Juran signa comme cinéaste. Anecdote amusante d’histoire du cinéma : l’action devait débuter sur le lac Michigan puis se poursuivre à Chicago mais Harryhausen rêvait depuis longtemps de visiter l’Italie ; il décida de remplacer le lac Michigan par la mer sicilienne à la dernière minute, juste avant de soumettre le projet final au producteur Charles H. Schneer. Une partie du casting (notamment l’actrice Joan Taylor) fut repris de la précédente production fantastique de Schneer à laquelle Harryhausen avait collaboré, à savoir Les Soucoupes volantes attaquent (Earth Vs. the Flying Saucers, USA 1956) de Fred F. Sears.

Le plus frappant, dans À des millions de kilomètres de la Terre, demeure l’hommage - décanté par le temps pour le cinéphile - rendu par Harryhausen à son maître Willis O’Brien et au King Kong (USA 1933) de Schoedsack et Cooper dans trois scènes (le réveil du monstre qui brise ses bracelets de métal, son combat contre l’éléphant, la scène finale où la créature est mitraillée et bombardée par l’armée) qui évoquent inévitablement trois scènes similaires du titre de 1933, cela jusqu’aux détails de certains cadrages et effets de montage. Ces trois séquences appartenant à la partie romaine finale sont, par leur surréalisme baroque, une étape sur la voie qui aboutira à La Vallée de Gwangi (USA 1969) de James O’Connolly qui était à l’origine un projet de Willis O’Brien qu’il n’avait pu mener à bien et qui fut repris et achevé par Harryhausen, en guise d’hommage cette fois-ci encore plus évident du disciple à son maître, tant sur les plans techniques que génériques. Harryhausen, comme son maître O’Brien, insufflait le sens du tragique à ses créatures animées : elles souffrent et meurent dans de baroques et fantastiques apocalypses.

À des millions de kilomètres de la Terre

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray BD50 région B, édité par Sidonis Calysta le 09 décembre 2022. Image N&B au format 1.85 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 mono VOSTF + VF d’époque. Durée du film : 82 min. Suppléments : Commentaire audio de Ray Harryhausen, Arnold Kunert, Dennis Muren, Phil Tippet (enregistré pour la version couleurs en 2007) + Mischa Bakaleinikoff, le héros méconnu de la musique de films, par David Schecter (2007, VOSTF, durée 22 min.) + La colorisation (2007, VOSTF, durée 11 min.) + Ray Harryhausen se souvient du film (2007, 27 min.).

Bonus - 4,0 / 5

Commentaire audio : le créateur des effets spéciaux et de l’animation Ray Harryhausen, le documentariste Arnold Kunert, les techniciens en effets spéciaux Dennis Muren et Phil Tippett ont enregistré ce commentaire à l’occasion de la présentation de la version coloriée en 2007. Ce commentaire fut enregistré au moyen d’une liaison satellite entre les intervenants (Harryhausen se trouvait alors à Londres) : il est assez riche et pointu bien que Harryhausen soit parfois trahi par sa mémoire ou répugne à livrer certains secrets de fabrication. On apprend néanmoins vraiment beaucoup de choses.

Ray Harryhausen se souvient du film (2007, VOSTF, durée 27 min.) : il commente ses effets spéciaux, comme à l’habitude, et les techniques d’animation image par image qu’il avait héritée de Willis O’Brien (revendiqué comme son maître esthétique en compagnie de Gustave Doré) et explique aussi en quoi le cinéaste Nathan Juran, du fait de son passé de directeur artistique et de décorateur, était particulièrement réceptif aux exigences techniques requises par l’animation. Méditez la belle remarque du cinéaste Eugène Lourié sur Harryhausen : « Ses créatures meurent comme des ténors d’opéra » mentionnée dans l’un des trois commentaires audio de ses trois titres Columbia 1955, 1956, 1957. Quelques témoignages de divers cinéastes admiratifs et quelques illustrations (dessins, croquis) complètent cette section.

Mischa Bakaleinikoff, le héros méconnu de la musique de films, par David Schecter (2007, VOSTF, durée 22 min.) : David Schecter expose la manière dont étaient composées les musiques destinées aux films Columbia de série A et de série B puis il analyse la musique de Misha Bakaleinikoff pour ce film de Juran et pour les titres antérieurs de 1955 et 1956 également animés par Harryhausen pour la Columbia. Ce bonus s’applique donc à ces trois titres et pas seulement à celui-ci de 1957. Il ravira, par sa précision, les musicologues autant que les cinéphiles. On apprend comment la Columbia disposait d’une véritable banque de musiques (composées par Max Steiner, Georges Dunning, Daniele Amphiteatrof et bien d’autres, sans oublier Bakaleinikoff lui-même) et comment Bakaleinikoff les modifiait, les recomposait, les agrégeait et y ajoutait ses propres compositions personnelles (notamment ses fameux thèmes à deux ou quatre notes) auxquelles il faisait ensuite subir des modifications non moins précises et sophistiquées.

La Colorisation - sic : je rappelle qu’il existe le mot français coloriage au lieu de ce navrant franglais - (2007, VOSTF, durée 11 min.) : Harryhausen témoigne sa satisfaction à Barry Sandrew du laboratoire Legends Films concernant le coloriage de ses anciens films N&B Columbia de 1955-1956-1957. Techniquement, le travail est certes sans reproche mais esthétiquement l’image obtenue plaque des couleurs informatiques impersonnelles et parfois dénaturées (le bleu de l’océan) qui demeurent inférieures à l’image N&B originale. Sur le principe, j’estime au demeurant navrant qu’Harryhausen cautionne la dénaturation d’une oeuvre appartenant à l’histoire du cinéma (et non plus à lui-même bien qu’il en fût le créateur associé).

Bonne édition collector, riche en informations de première main, reprenant l’essentiel des bonus de l’édition américaine Blu-ray Sony de 2007 mais sacrifiant ses galeries affiches et photos sans que je saisisse la raison (qu’elle soit technique ou éditoriale) de cette amputation qui fait fatalement baisser la note d’un cran.

À des millions de kilomètres de la Terre

Image - 4,0 / 5

Full HD 1080p AVC, en 1.85 compatible 16/9, en N&B d’origine ou bien, au choix, en version coloriée en 2007, approuvée par Ray Harryhausen. Le fait que le concepteur des effets spéciaux ait approuvé le coloriage ne suffit évidemment pas, à mes yeux, à faire préférer cette version coloriée à l’originale N&B puisque le réalisateur Nathan Juran et son directeur photo ont composé leurs plans en fonction d’une esthétique N&B native. Sur le plan argentique, copie N&B en bon état : comme pour le titre de 1955 et celui de 1956, les poussières négatives et positives se comptent sur les doigts d’une seule main. Sur le plan vidéo, haute définition qui redonne vie à la profondeur de champ, à l’ampleur de certains cadrages (la chute de la fusée revenant de la planète Vénus).

À des millions de kilomètres de la Terre

Son - 2,5 / 5

Dolby Digital 5.1 et 2.0 mono en VOSTF : remastérisation soignée de la VO ; la piste originale 2.0 mono tient très bien le coup elle aussi, sur le plan des effets sonores mais elle est parfois variable en niveau d’une séquence à l’autre en raison de son âge. Hélas pas de VF d’époque proposée alors que cette dernière a assurément existé (Jean-Pierre Bouyxou me l’a obligeamment confirmé). La note baisse, de ce fait, de moitié.

Crédits images : © Morningside Movies

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

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francis moury
Le 17 février 2023
Un classique de la filmographie fantastique du cinéaste Nathan Juran, aux effets spéciaux signés Ray Harryhausen. Troisième collaboration de ce dernier avec le producteur Charles H. Schneer et la firme Columbia. La dernière partie du film rend clairement hommage au "King Kong" (USA 1933) de Schoedsack et Cooper, animé par Willis O'Brien, le maître dont Harryhausen fut le disciple.
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dartagnan-19
Le 19 octobre 2009
le bluray n'a pas de version francaise contrairement a ce qui est inscrit sur la jaquette et dans votre rubrique audio.par contre les effets speciaux et les images couleurs raviront les fans de ray harryhausen

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