Brannigan (1975) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Douglas Hickox
Avec John Wayne, Richard Attenborough et Judy Geeson

Édité par BQHL Éditions

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 08/08/2023
Critique

Film noir policier anglais au casting luxueux, à la syntaxe brillante, au climat parfois cauchemardesque.

Brannigan

Chicago, USA puis Londres, Angleterre, 1975. Le lieutenant de police Brannigan, sur lequel pèse un contrat lancé par la pègre américaine, est chargé d’extrader de Londres le gangster Larkin. Ce dernier est enlevé puis rançonné par un mystérieux gang. L’avocat de Larkin mène les négociations sous la surveillance de Scotland Yard. Brannigan est victime de tentatives d’assassinats : son revolver Colt Diamonback est certes mal vu par les autorités londoniennes mais il pourrait bien ne pas être inutile.

Tourné en Angleterre dans la foulée de Un Silencieux au bout du canon (McQ, USA 1974) de John Sturges, Brannigan (USA-GB, 1975) de Douglas Hickox est le second et ultime film noir policier des années 70 interprété par John Wayne (1907-1979). Âgé et souffrant d’un cancer, la star déclarait : « J’avais envie de changer un peu. Naturellement mon style, c’est le film d’action et aujourd’hui le film d’action, c’est le film policier avec un flic impitoyable. » (1). Dans la filmographie du cinéaste anglais Douglas Hickox, Brannigan peut certes être considéré comme le plus sage de ses trois grands films noirs policiers. La Cible hurlante (The Sitting Target, GB 1971) était bien davantage virulent et désespéré. Blackout (GB 1986) flirtera même franchement avec l’épouvante.

Brannigan bénéficie, outre d’une mise en scène de l’esthète britannique qu’est alors Hickox, d’une belle direction de la photographie signée Gerry Fischer, d’une musique parfois inspirée de Dominic Frontiere, sans oublier un casting riche et savoureux. Le scénario repose sur une idée sociologique classique (celle illustrée chez nous au dix-huitième siècle par le Montesquieu des Lettres persanes) : l’inspecteur de police incarné par John Wayne découvre un Londres contemporain qui lui est étranger, comme le policier de l’Arizona rural incarné par Clint Eastwood découvrait l’enfer urbain dans Un Sherif à New York (Coogan’s Bluff , USA 1968) de Don Siegel. Notez, concernant le réalisme des armes légères visibles dans le titre de 1975, que le tueur est doté d’une variante du pistolet semi-automatique Mauser C96 capable du tir en rafales, produit par la firme allemande de 1896 à 1937. Oliver Reed s’en servait déjà à Londres dans La Cible hurlante en 1971 : signe que cette arme devait probablement encore avoir les faveurs de la pègre anglaise des années 1970. Brannigan est, pour sa part, doté d’un revolver américain Colt Diamondback en calibre 38 spécial, à canon de 4 pouces. Il était fourni, de 1966 à 1988, à certains services américains de police qui n’autorisaient pas (pour différentes raisons y compris budgétaires) le tir de la cartouche 357 magnum.

Hickox ne se contente pas d’illustrer l’exotisme anglais aux yeux du grand public américain, cible commerciale évidente des co-producteurs américains du film. En cinéaste anglais des années 70, il cultive autant l’ambivalence que la violence. Les quatre scénaristes et adaptateurs ont écrit une histoire presque trop complexe, composée comme un miroir aux multiples facettes. Hickox les déploie avec un constant dynamisme. Sous ses dehors policés, la visite de Londres se mue ainsi progressivement en une sournoise descente aux enfers. Elle est certes parfois émaillée d’une scène ironique, voire franchement comique (la bagarre dans le pub renvoie franchement à celles des westerns tournés par Wayne pour John Ford ou Henry Hathaway) mais c’est afin de mieux restaurer ensuite l’inquiétude et le danger. L’impossibilité pour les personnages principaux d’avoir une vision réellement stable de leur environnement (qui se recompose à plusieurs reprises : voir la relation douteuse et fluctuante des personnages joués par John Vernon, Mel Ferrer, James Booth ou bien le personnage du tueur montré d’abord comme un jeune cadre dynamique avant qu’une scène avec une prostituée ne révèle brusquement son dangereux sadisme) confine même parfois au cauchemar éveillé. En somme, Hickox montre dans Brannigan comment insuffler une authentique virulence et une authentique efficacité de série B dans une série A grand public : du grand art.

(1) cité par Philippe J.-P. Ferrari, John Wayne, éditions Solar, collection Solarstars, Paris 1980, page 60.

Présentation - 1,0 / 5

1 Blu-ray BD50 région B, édité par BQHL le 29 juin 2023. Image Panavision Technicolor au format large respecté, format 2.35 compatible 16/9. Son Linear PCM VF d’époque + VOSTF 2.0 mono. Durée film : 111 min. environ. Supplément : présentation du film par Samuel Blumenfeld (27 min. environ).

Bonus - 2,0 / 5

Présentation du film par Samuel Blumenfeld (27’ environ) : elle comporte des informations sur les scénaristes, sur la filmographie de Hickox, sur l’acteur John Wayne. Faut-il cependant, comme Blumenfeld, imaginer que Wayne était un dinosaure dorénavant inadapté à Hollywood car inadapté au western ? Non puisque le public l’aimait et que les producteurs finançaient sur son simple nom une production, quitte à transposer l’acteur d’un genre classique d’Hollywood à un autre, du western au film noir policier. Faut-il, comme Blumenfeld, considérer que les séquences sans Wayne sont les meilleures du film d’Hickox ? Elles sont certes souvent très bonnes mais ce serait aller trop loin puisque le film repose tout du long sur l’irruption de Wayne dans un contexte qui ne se suffit donc pas à lui-même et qu’il met encore mieux en relief. La remarque de Blumenfeld sur le monolithisme du personnage opposé à la complexité et à l’ambivalence de ceux joués par Clint Eastwood ou Gene Hackman en 1971 est, en revanche, exacte : il faut en effet se souvenir que John Wayne, à qui on avait proposé le rôle, avait refusé d’interpréter L’Inspecteur Harry (Dirty Harry, USA 1971) de Don Siegel. Celle sur le western américain des années 1970 devenu sur-western (au sens que donnait André Bazin à ce terme) est intéressante mais me semble discutable au cas par cas : est-ce que La Horde sauvage (USA 1969) de Sam Peckinpah est un sur-western ? Est-ce que Le Dernier des géants (The Shootist, USA 1976) de Don Siegel avec John Wayne en est un ? En illustrations, extraits du film, ainsi que quelques affiches bien reproduites mais un peu trop petites tout de même et quelques photos (dont une du cinéaste Douglas Hickox).

Honorable édition spéciale. Notez, pour les cinéphiles anglophones qui souhaiteraient quelques suppléments plus consistants, qu’il existe des commentaires audio (dont un par l’actrice Judy Geeson) sur les éditions américaine Blu-ray sortie en 2014 par Twilight Time et en 2017 par Kino Lorber. Notez aussi que la bande-annonce originale était proposée sur l’ancien DVD zone 2 PAL édité en France par MGM (détenteur du catalogue United Artists / Artistes Associés).

Image - 4,0 / 5

Format large respecté 2.35 en Panavision Technicolor compatible 16/9, reporté en Full HD 1080p AVC. Le logo de United Artist est celui de 2023, pas celui de 1975, idem pour celui de la MGM. Copie argentique nettoyées des poussières négatives et positives qui parsemaient occasionnellement celle mastérisée sur l’ancien DVD français MGM : il suffit de comparer les premiers plans du générique d’ouverture (fragments photographiés du revolver Colt Diamonback en version bronzée noir) sur DVD et sur Blu-ray pour mesurer le progrès. Globalement, l’image est identique à celle éditée aux USA par Kino Lorber en 2017, meilleure que celle éditée en 2014 aux mêmes USA par Twilight Time. On pourrait certes encore faire mieux concernant la densité et la précision générale ; le télécinéma n’est pas constamment précis ni impeccable mais les séquences nocturnes sont enfin correctement restituées, y compris sur le plan colorimétrique.

Son - 5,0 / 5

Linear PCM VF d’époque + VOSTF : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Pistes son bien nettoyées dans les deux cas. La VF d’époque est soignée, les voix françaises bien adaptées aux personnages. VOSTF un peu plus ample et dynamique, notamment concernant les effets sonores. Ample musique signée par Dominic Frontiere - le compositeur de la musique générique de la série TV de science-fiction, Les Envahisseurs (The Invaders, USA 1967) - et certains passages ont peut-être inspiré des fragments de la partition de John Williams composée pour Les Dents de la mer 2ème partie (Jaws 2, USA 1978) de Jeannot Szwarc. La remastérisation augmente un peu trop le niveau des basses lorsqu’elles se manifestent.

Crédits images : © BQHL

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

3,0
5
0
4
0
3
1
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
francis moury
Le 9 août 2023
Film noir policier anglais au casting luxueux, à la syntaxe brillante, au climat parfois cauchemardesque.

Lire les avis »

Multimédia

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)