Loulou (1980) : le test complet du Blu-ray

Nelly rencontre un soir Loulou, un jeune paumé. Violemment mise à la porte par son mari, elle part vivre avec lui. Bientôt elle attend un enfant mais Loulou ne change pas sa vie de marginal, partagée entre les copains et les petits casses nocturnes. Blessée par cette attitude, Nelly décide de ne pas garder l’enfant.

Loulou marque la rencontre entre Gérard Depardieu et Maurice Pialat (ils tourneront quatre films ensemble), et celle du comédien avec Isabelle Huppert. Drame intimiste et réaliste, authentique et percutant, Loulou est largement inspiré de la vie (et première rupture) entre Maurice Pialat et Arlette Langmann, monteuse et scénariste du réalisateur. Guy Marchand (fascinant), apparaît comme l’alter ego de Maurice Pialat, ce dernier ayant été quitté par sa compagne pour aller vivre avec un autre homme, un voyou qui venait de sortir de prison.

Le bouleversant trio vedette, Depardieu-Huppert-Marchand prend aux tripes, nous fait vivre des sentiments aussi chahutés que des montagnes russes, capable de passer d’une séquence de bagarre entre les deux hommes à celle où ils se retrouvent tous les trois devant une bière sans dire un mot. Comme dans ses autres films, Maurice Pialat atteint son apogée lors de la scène de repas familial qui va bien au-delà de la mise en scène. Le cinéaste filme la vie comme elle va, avec ses hauts (l’amour et la grâce) et ses bas (le reste), parvenant à imprimer sur pellicule ces instants furtifs où la frontière entre fiction et réalité se dissout.

De la jaquette en passant par l’élégance des menus (pour une fois fixes et muets) et la restauration du film lui-même, saluons le travail de l’éditeur qui n’a pas son pareil pour offrir au spectateur un bel objet à ranger dans sa collection Gaumont Classique.

Le Blu-ray contient le film ainsi que deux entretiens, l’un avec Pierre-William Glenn (32’), l’autre avec Patrick Grandperret (28’). Les deux hommes ont collaboré avec Maurice Pialat sur le tournage de Loulou, le premier en tant que directeur de la photographie, le second en tant qu’assistant-réalisateur. Chacun s’exprime sur son rapport avec le cinéaste en racontant diverses anecdotes liées au tournage de Loulou, tout en dressant un portrait sincère, sans langue de bois et de manière spontanée du metteur en scène. Pierre-William Glenn se montre plus critique - il sera d’ailleurs l’auteur du célèbre article publié dans la revue Cinématographe, critiquant Maurice Pialat, auquel ce dernier fera d’ailleurs allusion dans A nos amours - n’hésitant pas à dire que le réalisateur ne pouvait travailler que dans le conflit, au point d’humilier Gérard Depardieu devant toute l’équipe afin d’obtenir de lui ce qu’il voulait. Les deux sont au moins d’accord sur une chose, Maurice Pialat était un metteur en scène exceptionnel mais travailler avec lui était « une expérience affectivement douloureuse ». Notons tout de même que l’éditeur aurait gagné à dégraisser quelque peu ces deux interviews qui partent parfois dans tous les sens.

L’interactivité de ce premier disque se clôt sur la bande-annonce.

Les suppléments suivant sont disponibles sur un DVD.

Nous trouvons un superbe entretien avec Isabelle Huppert (14’, 2004). La comédienne revient d’une part sur la rencontre déterminante entre Maurice Pialat et Daniel Toscan du Plantier (alors compagnon d’Isabelle Huppert), et d’autre part sur les conditions de tournage de Loulou.

Passons ensuite à l’interview du monteur Yann Dedet (12’,2004), ayant fait ses classes avec François Truffaut avant sa rencontre avec Maurice Pialat (Loulou, Police, Sous le soleil de Satan). Ce témoignage pointu et passionnant, nous en dit long sur le processus créatif de Maurice Pialat, mais aussi comment les deux hommes collaboraient et construisaient le film dans la salle de montage.

Maurice Pialat apparaît dans l’émission Ciné Regards (28’, 1980) et répond aux questions pour la sortie de Loulou au cinéma. De nombreuses images de tournage nous dévoilent l’envers du décor, notamment une altercation de Pialat avec Guy Marchand, tandis que le metteur en scène s’exprime sur son rapport avec les comédiens.

L’interactivité de ce deuxième disque se clôt sur un autre extrait de l’émission Ciné Regards (5’, 1979) montrant Gérard Depardieu sur le plateau de Loulou, dans la rue avec les habitants du quartier. L’acteur évoque sa méthode insolite de concentration, son travail avec Maurice Pialat, et se dit très heureux quand il découvre la fiche de Fiches de Mr Cinéma qui lui est consacrée… estampillée « France ».

Il serait difficile de faire mieux que ce Blu-ray (Encodage MPEG 4 / AVC - Format du film respecté 1.66, 1080p) qui respecte les volontés artistiques originales dont le grain original, tout en tirant intelligemment partie de l’opportunité HD. La clarté est fort appréciable, notamment sur toutes les séquences en extérieur (voir la scène du repas en famille), la propreté du master est irréprochable, ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des contrastes et le piqué qui demeure agréable. Les nombreuses séquences nocturnes sont également excellemment conduites avec des noirs denses.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono tente d’instaurer un confort acoustique même si quelques dialogues manquent parfois d’intelligibilité. En dehors de cette petite déconvenue, l’ensemble se révèle très propre, quelques ambiances naturelles parviennent à percer et les silences sont profonds. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.