Réalisé par Brian De Palma
Avec
Sissy Spacek, Piper Laurie et Amy Irving
Édité par MGM / United Artists
Carrie est une adolescente torturée, mal dans sa peau et totalement ignorante de l’étendue de son pouvoir télékinésique. Mais lorsque les brimades de sa mère, véritable bigote psychotique, et de ses camarades de classe sadiques dépassent les bornes, Carrie va laisser éclater la plus terrible des vengeances. Grâce à ses pouvoirs, cette adolescente autrefois timide va déchaîner les enfers autour d’elle dans un tourbillon de feu et de sang…
Suite au succès de Soeurs de sang (Sisters), Brian de Palma, qui n’a eu de cesse de peaufiner son style et d’explorer quelques-unes de ses thématiques favorites comme la paranoïa, l’obsession et l’angoisse, jette son dévolu sur un roman intitulé Carrie, tout juste publié et écrit par un jeune écrivain du nom de Stephen King. Si les ventes sont modestes, le réalisateur se bat pour pouvoir transposer ce roman à l’écran. Avec Carrie, Brian de Palma signe un des films d’épouvante les plus importants des années 1970 dans lequel il aborde une fois de plus la jalousie, les faux-semblants, la manipulation, tout en dressant le portrait d’une jeune femme extrêmement sensible et fragile comme du cristal.
Carrie, c’est avant tout une comédienne, Sissy Spacek, jeune actrice de 25 ans (qui en paraît dix de moins, donc parfaite pour le rôle) apparue au cinéma au début des années 1970 puis révélée par Terrence Malick dans La Balade sauvage en 1973. Aujourd’hui, il est impossible de se replonger dans le roman de Stephen King sans penser au visage, aux épaules frêles, au regard de la comédienne tant celle-ci a su s’approprier le personnage, solitaire, objet de railleries en permanence et tête de turc de ses camarades de lycée. Jusqu’à l’ultime outrage…
Brian de Palma s’entoure également de jeunes comédiens qui tournaient pour la plupart leur premier long métrage, à l’instar d’Amy Irving, William Katt, Nancy Allen et même John Travolta âgé de 22 ans, bien avant d’enflammer le dance-floor. Mais le personnage donc on se souvient également est évidemment celui de la mère névrosée, catholique fanatique et tyrannique de Carrie incarnée par Piper Laurie, qui n’avait pas tourné depuis L’Arnaqueur en 1961, qui a traumatisé plusieurs générations de spectateurs. Ses confrontations avec Sissy Spacek font aujourd’hui toujours aussi froid dans le dos.
Malgré quelques compromis en raison d’un budget modeste, le scénariste Lawrence D. Cohen parvient à restituer l’âme du roman de Stephen King et le passage tourmenté du passage de l’enfance à l’âge adulte. Sur une partition anthologique signée Pino Donaggio, un montage d’orfèvre, une photo éthérée signée Paul Hirsch, un cadre savamment étudié et sans cesse inspiré, Brian de Palma devient ici un véritable virtuose de la caméra et de la technique cinématographique, en usant de procédés et figures de style qui ont depuis fait sa marque de fabrique, lentille binoculaire, ralentis, split-screen, plans séquences, avec pour apothéose la mythique séquence du bal qui se termine dans un inoubliable bain de sang, inscrit à jamais dans les mémoires des cinéphiles. Rien que cette scène permettrait d’inscrire Brian de Palma au panthéon des réalisateurs américains. C’est dire l’importance de Carrie.
La jaquette est sobre. Le visuel présente Sissy Spacek de dos dans sa robe couverte de sang, sur un fond blanc. MGM oblige, aucun menu principal n’est disponible. Le choix des langues, des chapitres et l’accès aux suppléments se fait via le menu contextuel.
L’éditeur reprend les bonus déjà disponibles sur l’édition Collector éditée en 2001 :
Le premier documentaire rétrospectif, Interpréter Carrie (43’), réalisé par Laurent Bouzereau, croise les propos de Brian de Palma, des comédiens Sissy Spacek, William Katt, Amy Irving, Nancy Allen, Betty Buckley et Piper Laurie. Dommage que John Travolta manque à l’appel. La genèse du film, le casting - comment Sissy Spacek s’est battue pour obtenir le rôle principal face à un de Palma réticent - les conditions des prises de vue sont largement passés en revue, notamment pour les principales séquences du film, le tout illustré par des photos de production et ponctué par de nombreuses anecdotes de tournage.
Comme son titre l’indique, le segment intitulé Carrie, du livre au grand écran (42’) est centré sur la transposition à l’écran du roman de Stephen King (absent des suppléments). Nous retrouvons la plupart des intervenants du module précédent, auxquels s’ajoute le scénariste Lawrence D. Cohen, le principal concerné afin d’évoquer l’adaptation - les points communs et les trahisons nécessaires (pour des raisons économiques, surtout pour le final) par rapport à l’écrit de Stephen King - du premier roman du maître de l’horreur.
De son côté, Brian de Palma avoue s’être battu pour réaliser Carrie, bien que les ventes du livre étaient encore modestes. Le monteur Paul Hirsch parle d’une scène laissée sur le banc de montage, photos à l’appui, où l’on voyait Carrie faire pleuvoir des pierres quand elle n’était encore qu’une petite fille. De son côté, le décorateur Jack Fisk se penche sur le design de la maison de la mère de Carrie. Quelques photos de tournage et des coulisses dévoilent l’envers du décor. Brian de Palma aborde également la longue préparation du film, et dissèque la mise en scène, le montage, les effets spéciaux des séquences les plus célèbres.
Le dernier supplément est plus anecdotique. Carrie, le musical (6’) convie cette fois le scénariste Lawrence D. Cohen et la comédienne Betty Buckley. Nos deux interlocuteurs se penchent cette fois sur l’adaptation au succès honnête de Carrie en comédie musicale à Broadway, suite au triomphe du film. Betty Buckley, qui interprète la prof de sports dans le film, hérite sur scène du rôle de la mère de Carrie.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film, ainsi que celle du remake inutile (pléonasme) Carrie - La vengeance, réalisé par Kimberly Peirce.
Gloups ! Le Blu-ray au format 1080p de Carrie aura mis quelques années à franchir l’Atlantique, au point d’ailleurs que l’éditeur n’a même pas dénié proposer un transfert HD digne de ce nom puisque le film est tout bonnement encodé en MPEG 2 ! Devant une telle hérésie, le résultat ne peut être que mitigé. Si l’image est propre et conserve heureusement sa texture argentique, les magnifiques partis pris esthétiques du chef opérateur Mario Tosi donnent du fil à retordre au codec et force est de constater que le résultat final demeure trop proche de la superbe édition DVD sortie dans les bacs en 2001.
Ceci dit, le grain (omniprésent) est beau et bien géré, la clarté peut-être plus poussée sur les séquences diurnes, la photo ouatée est habilement restituée et n’occasionne pas trop de pertes des détails et les couleurs sont parfois vives, à l’instar des credits rouge-sang ou des teintes bigarrées lors de la séquence du bal. Mais les visages demeurent rosés, certains noirs poreux et quelques fourmillements s’invitent à la partie, la profondeur de champ reste décevante. L’apport HD est donc quasiment invisible pour ce titre. Nous pouvons peut-être envisager une nouvelle édition Blu-ray dans deux ans pour les 40 ans du film.
L’encodage DTS-HD Master Audio 5.1 anglais donne un nouveau coffre à la splendide partition de Pino Donaggio. Cependant, les voix restent confinées sur le canal central et peinent à créer une dynamique digne de ce nom. L’ouverture frontale relève un peu le niveau d’ensemble avec quelques effets frappants (les manifestations télékinésiques), qui manquent néanmoins de naturel et surtout d’homogénéité avec le niveau bas des dialogues et la musique délivrée avec ardeur. Un résultat en demi-teinte donc. La piste française doit se contenter d’un mixage DTS 5.1 au souffle marqué. Les voix des comédiens sont encore plus sourdes qu’en version originale, les ambiances arrière sont pauvres et le caisson de basses se réveille à peine durant les séquences appropriées. Dans les deux cas, l’acoustique est propre et se développe heureusement durant la séquence du bal. C’est déjà ça de pris.
Crédits images : © MGM