Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ? (1966) : le test complet du Blu-ray

What Did You Do in the War, Daddy?

Combo Blu-ray + 2 DVD

Réalisé par Blake Edwards
Avec James Coburn, Dick Shawn et Sergio Fantoni

Édité par Rimini Editions

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Le 11/06/2024
Critique

Un des films majeurs de Blake Edwards revient enfin dans nos catalogues, restauré et enrichi d’intéressants suppléments exclusifs.

Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ?

Sicile, 1943. Le capitaine Cash est chargé de s’emparer de Valerno, emplacement stratégique pour les Américains. Pas âme qui vive dans le village : habitants et soldats sont rassemblés dans le stade où se joue un match de football, premier acte de la fête annuelle. Le capitaine Oppo, qui n’a aucune envie de se battre, accepte de se rendre… mais seulement à la fin des festivités.

Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? (What Did You Do in the War, Daddy?), sorti en 1966, met en images une histoire originale imaginée par Blake Edwards et Maurice Richlin qui a participé à l’écriture d’une dizaine de films du cinéaste depuis Operation Jupons (Operation Petticoat, 1959), une autre comédie sur la guerre, son premier succès commercial. Le scénario a été confié à William Peter Blatty qui recevra en 1974 l’Oscar du meilleur scénario pour L’Exorciste, l’adaptation du roman qu’il avait publié en 1972.

Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? est le treizième de la quarantaine de longs métrages réalisés par Blake Edwards de 1956 à 1993, après une expérience acquise sur les plateaux de télévision. En 1966, il a le vent en poupe après l’extraordinaire succès en 1963 de La Panthère Rose (The Pink Panther) qui incitera Walter, Marvin et Harold Mirisch à lui allouer les importants moyens requis par la création du décor du village sicilien… en Californie !

Qu’as-tu fait à la guerre, papa ?, après s’être donné des allures d’un film de guerre, dévoile vite sa nature de comédie burlesque au moment précis où le ballon de football se crève sur la pointe d’une baïonnette quand la compagnie du capitane Cash entre dans le stade où tout le village s’est rassemblé.

Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ?

Le vin local fait tomber les barrières imposées par les bonnes manières. Tout bascule dans un chaos générateur de confusions, brouillant les cartes, un thème récurrent de la filmographie de Blake Edwards. Difficile de savoir qui est qui après les échanges d’uniformes entre Américains, Italiens et Allemands, venus se joindre à la mêlée.

L’alcool aura même raison du rigide système de valeurs du capitaine Cash, foncièrement attaché aux principes hérités de son expérience de grouillot (« gofer ») dans le civil : le respect de la hiérarchie, des consignes et des procédures (à appliquer à la lettre, « by the book »). Cet échafaudage s’écroule jusqu’à l’inimaginable quand, travesti en femme, il excite la libido d’un officier allemand. Il est interprété par Dick Shawn qui tient là son plus grand rôle avec ceux, secondaires, de Sylvester Marcus dans It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World (Stanley Kramer, 1963) et de L.S.D. - Lorenzo St. DuBois dans Les Producteurs (The Producers, Mel Brooks, 1967).

Au petit matin, les soldats sortent d’un sommeil alcoolisé sur les tapis de serpentins jonchant les rues. Une bonne occasion pour le cinéaste d’exploiter l’ahurissement d’une sortie de gueule de bois dans un environnement inattendu, qu’il reprendra notamment dans Elle (10, 1979) quand George Webber / Dudley Moore, arraché par de la musique d’un état cataleptique, se retrouve au Mexique alors qu’il se croyait encore en Californie.

Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? intègre à son scénario des intrigues incidentes, la tentative de cambriolage de la salle forte d’une banque, les tribulations d’un capitaine Pott, perdu dans les catacombes, atteint d’une folie donquichottesque… Un univers foisonnant qui offre à Blake Edwards de multiples opportunités pour démontrer sa maîtrise du « slow burn », popularisé par Laurel et Hardy, un décalage de temps entre un gag et la réaction qu’il produit sur un personnage. On peut dire qu’il a, après Ernst Lubitsch et William Wyler, réussi à reprendre le flambeau de la comédie américaine, sans hésiter à l’assaisonner parfois de quelques vulgarités.

Au diapason de l’ambiance délirante du film, la partition originale de Henry Mancini, grand complice de Blake Edwards. Une complicité fructueuse qui lui a valu ses quatre Oscars, ceux de la Meilleure musique et de la Meilleure chanson originale en 1962 pour Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s), ceux de la Meilleure musique en 1963 pour Le Jour du vin et des roses (Days of Wine and Roses), en 1983 pour Victor Victoria.

Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ?

Présentation - 1,5 / 5

Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? (116 minutes) tient sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9. Les suppléments (80 minutes) sont supportés par un deuxième DVD-9. Les trois disques sont logés dans un boîtier Blu-ray, glissé dans un étui.

Le film est proposé en anglais (et quelques dialogues en italien), avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Bonus - 4,5 / 5

Sur le DVD de bonus, trois suppléments exclusifs coproduits par Rimini Éditions et Bubbelcom :

Conversation entre Thierry Jousse et Frédéric Mercier, critiques de cinéma (29’). Blake Edwards, après La Grande Course autour du monde (The Great Race, 1965), confirme avec Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? son penchant pour le burlesque, un genre qui tendait à disparaître, qui sera repris, dans un contexte de guerre, par Les Douze salopards (The Dirty Dozen, Robert Aldrich, 1967) et MASH (M*A*S*H, Robert Altman, 1970). Il démontre son habileté à occuper le cadre, à utiliser les ressorts du comique, notamment le travestissement, à dérouler plusieurs intrigues parallèles, un procédé qu’il reprendra en 1968 pour The Party

Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ?

Blake Edwards ou l’art de l’ivresse, par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (38’). À un « moment de flottement », au milieu des années 60, quand « les vieilles recettes ne marchent plus » et la concurrence de la télévision se fait sentir, Hollywood réagit avec des productions opulentes, notamment des films de guerre. La Mirisch Corporation a misé sur le succès de La Panthère rose pour financer à hauteur de 7 millions de dollars la production de Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? dont l’idée du titre est venue à Blake Edwards d’une question que lui posait son fils. Le scénario, après une ouverture de film de guerre réaliste, se « dérègle » vite en comédie burlesque, « impossible à raconter ». Blake Edwards veut souligner sa perception de la réalité : « la guerre, c’est le chaos (…), la confusion », en optant pour le burlesque, dans une approche qui « désarme, la fascination pour la violence ». Il confirme sa science du tempo de la comédie par un montage alternant plans-séquences et un découpage haché. Jean-Baptiste Thoret souligne la performance de Dick Shawn et le choix judicieux, pour le rôle de Rizzo, d’Aldo Ray, connu pour ses incarnations de soldats. La musique de Henry Mancini, une sorte de « variation goguenarde sur le thème du Pont de la rivière Kwai (…), reflète parfaitement le film ».

Un cinéaste majeur, par Jean-Baptiste Thoret (13’). Blake Edwards est un des grands cinéastes américains, peut-être moins connu que d’autres parce qu’il n’est pas identifié à un seul genre, la comédie. Il s’est aussi intéressé au drame, avec Days of Wine and Roses (1962), au thriller, avec Allo… Brigade spéciale (Experiment in Terror, 1962), au western avec Deux hommes dans l’Ouest (Wild Rovers, 1971) et à une des dénonciations les plus violentes du système hollywoodien, avec S.0.B. (1981). Après quelques petits rôles et l’écriture de scénarios pour Richard Quine (dont Le Destin est au tournant / Drive a Crooked Road, 1954), il commence une carrière de réalisateur à la télévision, pour laquelle il crée en 1958 la série Peter Gunn, avant de connaître ses premières réussites au cinéma avec Opération jupons, puis A Day of Wine and Roses. « Le succès phénoménal » de La Panthère rose, en partie dû à Peter Sellers qui remplaça au pied levé Peter Ustinov après qu’il ait rejeté le rôle au dernier moment, incita les frères Mirisch à produire plusieurs de ses films.

Qu'as-tu fait à la guerre, Papa ?

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio originel de 2.35:1, encodée au standard 1080p AVC, après une restauration opérée pour l’édition américaine de 2015, lumineuse et agréablement contrastée, déploie des couleurs vives, parfaitement étalonnées. La définition est conforme aux attentes, avec une préservation du grain de la pellicule 35 mm. Malgré quelques minuscules taches ou rayures, on n’est pas loin de la perfection.

Son - 5,0 / 5

Le son mono d’origine, réencodé au standard DTS-HD Master Audio 2.0 (Dolby Digital 2.0 sur le DVD), débarrassé des bruits parasites, sans souffle, assure la clarté des dialogues, donne une présence réaliste à l’ambiance et met en valeur l’accompagnement musical, sans saturations.

Ces observations valent pour le doublage en français qui place un peu trop en avant des dialogues affectés par de ridicules imitations d’accents. Il n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © The Mirisch Corporation

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 11 juin 2024
Après nous avoir donné l’illusion qu’il allait nous montrer un film de guerre, Blake Edwards, un des maîtres de la comédie américaine, dévoile vite ses véritables intentions : nous proposer une farce burlesque ! Depuis longtemps introuvable, le film nous revient pour la première fois en haute définition, restauré et accompagné de remarquables suppléments.

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