Trenque Lauquen - Parties 1 & 2 (2022) : le test complet du Blu-ray

Ce film insolite venu d’Argentine nous conte un double jeu de piste, à la recherche de deux femmes, une inconnue, une disparue. À découvrir.

Laura, une botaniste, a disparu. Deux hommes, Ezequiel et Rafael, partent à sa recherche aux alentours de la ville de Trenque Lauquen où elle a été repérée. Ils l’aiment tous les deux et chacun a ses propres soupçons quant aux raisons de cette disparition. Laura, intriguée par des lettres érotiques cachées entre les pages de livres, écrites par Bertino, un Italien, à Carmen Zuna, apparemment restées sans réponse, cherche à rencontrer leur mystérieuse destinataire…

Trenque Lauquen - Parties 1 & 2 sélectionné à Venise dans la section Orizzonti, Prix du meilleur film latino-américain au festival de Mar del Plata, sorti dans nos salles en mai 2023, est le troisième long métrage de la productrice, réalisatrice et scénariste argentine Laura Citarella.

Laura Citarella avait notamment produit La flor de Mariano Llinás, un film qui raconte six histoires, chacune dans un genre, une série B, un mélodrame musical, une histoire d’espionnage, une mise en abyme du cinéma, un vieux film français et la mésaventure de femmes captives au XIXème siècle, avec les quatre mêmes actrices, dont Elisa Carricajo et Laura Paredes qu’on retrouve dans Trenque Lauquen.

Le scénario coécrit par Laura Citarella et Laura Paredes, l’interprète de Laura, divisé en deux parties et douze chapitres, nous raconte deux jeux de piste. La recherche par Ezequiel et Rafael de Laura, disparue après avoir été vue à Trenque Lauquen, une petite ville aux confins occidentaux de la province de Buenos Aires. Et la recherche par Laura de la destinataire des lettres enflammées, la mystérieuse Carmen Zuna. Les deux quêtes s’imbriquent l’une dans l’autre avec des allers et retours dans le temps, une superposition de plusieurs couches temporelles.

Trenque Lauquen laisse entrer le fantastique dans sa seconde partie. Laura, dans une ferme isolée s’est liée à deux femmes, Juliana et Eliza Esperanza, qui cachent dans leur grenier une créature dont on entend les gémissements, sans qu’on la voie jamais, pas plus que l’étrange animal qui rôde autour de la ferme. Réalité ou fruit de l’imagination de Laura ? Un mystère que la fin du film ne dissipera pas.

Avec le commentaire en voice over des narrateurs, Ezequiel, puis Laura, et une grande économie de dialogues, une écriture filmique épurée faite d’une suite de plans fixes, larges et rapprochés en alternance, et de quelques lents panoramiques suivant le déplacement des personnages, Trenque Lauquen envoûtera le spectateur qui aime se laisser conter des histoires pas toujours reliées par un enchaînement logique et gardant leur part d’irrationnel et de mystère. On pourra toutefois, ressentir quelques longueurs, par exemple dans les quinze dernières minutes du film quand la caméra suit les déplacements de Laura sans qu’elle prononce une parole.

Trenque Lauquen - Parties 1 & 2 (129 et 133 minutes) et ses suppléments (78 minutes) sont supportés par un Blu-ray BD-50 logé dans un fin Digipack.

Le menu propose le film dans sa version originale, en espagnol, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby TrueHD 5.1.

Pas d’édition DVD.

Trenque Lauquen à Trenque Lauquen (Laura Citarella, 2022, 11’). La projection du film au cinéma Barrio Alegre de Trenque Lauquen. Des plans de l’écran pendant la projection et de la réalisatrice attablée en terrasse de la brasserie, en face du cinéma.

Entretien avec Laura Citarella (2023, Capricci, 42’). Interrogée à Paris le 3 avril 2023 par Marcos Uzal (Cahiers du cinéma), la réalisatrice présente El Pampero cine dont elle fait partie, un groupe indépendant de cinéastes créé il y a vingt ans avec une approche flexible de production et un accompagnement collectif de la fabrication des films, tournés principalement dans la province de Buenos Aires, là où souffle le pampero sur un paysage plat, difficile à mettre en images. Ostende, qu’elle réalisa en 2011 dans une ville située en bord de mer, forme une saga avec Trenque Lauquen, un lieu avec lequel elle entretient une relation particulière. Le scénario, formant un puzzle d’histoires imprévisibles, emblématique d’une certaine littérature latino-américaine, évoque métamorphoses et choses cachées, racontées par un tiers. La réalisation s’est étalée sur six ans, avec une partie tournée en Italie par une équipe réduite. Elle évoque ce qui lui a inspiré le personnage de Carmen Zuna et les scènes du studio de radio…

Trenque Lauquen vu par Camille Nevers (2023, Capricci, 25’). Conduit par Maxime Werner, cet entretien avec Camille Nevers, critique à Libération, s’ouvre sur la vocation d’El Pampero cine créé en 2005 pour soutenir un cinéma « sortant des sentiers battus ». Elle souligne la parenté entre Ostende et Trenque Lauquen, un film révélant « une fascination pour la fiction (…) un enchâssement de récits », une sorte de conte de Shéhérazade qui « arpente un territoire interminable (…) avec plusieurs versions d’une vérité ». C’est aussi une histoire d’amour pour l’énigmatique Carmen Zuna, un personnage qui peut rappeler Madeleine de Vertigo ou Laura Palmer de Twin Peaks…

L’image numérique, au ratio originel de 1.78:1 (s’élargissant à 2.39:1 pendant les quinze dernières minutes du film), bien résolue, révélant le détail des nombreux plans larges sur toute la profondeur du champ, propose une palette de couleurs délibérément peu saturées, soigneusement étalonnées.

Le son Dolby TrueHD 5.1 restitue clairement les dialogues dans un bon équilibre avec la partition originale pour orchestre de chambre de Gabriel Chwojnik et l’illustration musicale dans laquelle reviennent souvent des valses de Johann Strauss. La répartition du signal sur les cinq canaux génère un effet immersif discret et cohérent.

Crédits images : © El Pampero Cine, Grandfilm