Guerre et Paix (1965) : le test complet du Blu-ray

Voyna i mir

Édition collector coffret en bois - Blu-ray + Livre

Réalisé par Sergueï Bondartchouk
Avec Sergueï Bondartchouk, Lyudmila Savelieva et Vyacheslav Tikhonov

Édité par Potemkine Films

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Le 22/12/2023
Critique

Ressortie attendue, la première en haute définition, d’un chef-d’oeuvre universel, le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma.

Guerre et paix

En 1805, la vie de deux familles de l’aristocratie, celles du comte Rostov et du prince Andreï Bolkonski, abonnées aux mondanités de la cour du tsar Alexandre 1er à Saint Pétersbourg et à Moscou, est bouleversée par l’entrée en guerre de la Russie aux côtés de l’Autriche contre la Grande Armée. Conduite par l’empereur Napoléon 1er, elle va se rapprocher inexorablement de Moscou. Le comte Pierre Bezoukhov est témoin de leur histoire jusqu’à la déroute des envahisseurs, en 1820.

Guerre et paix (Voyna i mir), sorti en 1965, est une réponse en forme de surenchère, en pleine guerre froide, au Guerre et paix, l’adaptation qu’avait réalisée King Vidor en 1956 du chef-d’oeuvre de Léon Tolstoï, publié en feuilleton entre 1865 et 1869 dans Le Messager russe.

C’est à Sergueï Bondartchouk, qui s’était attiré les faveurs du régime soviétique avec Le Destin d’un homme (Sudba cheloveka, 1959), que revint la responsabilité de relever le défi avec des moyens considérables, dispensés sans compter. Ce sera son deuxième film, avant Waterloo, que vient de rééditer sur Blu-ray Colored Films.

Alors que le film de King Vidor, concentré sur les trois personnages principaux, durait près de 3h30, le Guerre et paixde Sergueï Bondartchouk, plus fidèle à la source, met en scène la plupart des personnages du roman et double la mise, dans un montage d’un peu plus de sept heures.

Guerre et paix, comme le roman, est divisé en quatre parties d’inégale durée. La première, Andreï Bolkonski (en deux épisodes d’une durée cumulée de 147 minutes), introduit les personnages, le comte Pierre Bezoukhov, un « bâtard » que son père a fait légitimer par le tsar Alexandre 1er, le prince Andreï Bolkonski, le héros de l’histoire et, vers la fin, la jeune Natacha Rostova, la fille du comte Rostov ; on assiste aussi à une spectaculaire reconstitution des batailles de Schöngrabern et d’Austerlitz. La seconde partie, Natacha Rostova (97 minutes), commence à la signature de l’accord de Tilsitt, met en avant Natacha au début de sa vie sentimentale, et se termine quand les troupes napoléoniennes franchissent la frontière de la Russie. Dans la troisième partie, 1812 (81 minutes), Pierre Bezoukhov est le témoin de la bataille de Borodino et des lourdes pertes infligées à la Grande Armée, marquant le début de la fin de l’aventure napoléonienne. Dans la quatrième partie, Pierre Bezoukhov (96 minutes), Pierre, arrêté par les Français pendant la mise à sac de Moscou, fuit la ville en flammes.

Guerre et paix

Guerre et paix a été filmé et distribué en 70 mm, avec six canaux pour le son, en Sovscope 70, l’équivalent du Todd-AO américain. Plusieurs caméras légères, spécialement fabriquées pour les prises des scènes de guerre, traversent le champ de bataille, suspendues à un câble ou manoeuvrées par une grue. Un studio de plus de 1 000 m² a servi au tournage des intérieurs.

Guerre et paix, une stupéfiante réussite pour un deuxième film, frappe pour la qualité de la direction des scènes mobilisant une foule de personnages : les trois scènes de bataille, inspirées de tableaux, deux de bal et celles de l’entrée des Français à Moscou. Tout y est superbement cadré, sur toute la profondeur du champ.

Lioudmila Savelieva, dans son premier rôle, celui de Natacha, quitte ses chaussons de ballerine pour se trouver soudain en tête de distribution d’une superproduction, aux côtés de Sergueï Bondartchouk qui s’est attribué le premier rôle, celui de Pierre Bezoukhov, et d’autres stars du cinéma soviétique de l’époque : Vyacheslav Tikhonov dans le rôle d’Andreï Bolkonski, Vladislav Strzhelchik dans celui de Napoléon… Trois cents acteurs furent recrutés pour incarner les personnages identifiés, au milieu de quelques dizaines de milliers de figurants.

Guerre et paix est également servi par la musique originale composée et dirigée par Viatcheslav Ovchinnikov. Notamment connu pour l’accompagnement musical de deux films d’Andreï Tarkovski, L’Enfance d’Ivan (1962) et Andreï Roublev (1979), il composera aussi celui de trois autres films de Bondartchouk, dont Ils ont combattu pour la patrie (1975).

Battant tous les records de durée d’un tournage, étalé sur quatre ans, Guerre et paix est le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma avec un coût récemment estimé à 700 millions de dollars ! C’est aussi un impérissable chef-d’oeuvre du cinéma universel.

Guerre et paix

Présentation - 5,0 / 5

Guerre et paix (453 minutes) et ses suppléments (117 minutes) tiennent sur deux Blu-ray BD-50 logés dans un Digipack à trois volets, en compagnie d’un livre de Marc Moquin, dans un coffret en bois, comme l’était la prestigieuse réédition par Potemkine Films du Rashomon d’Akira Kurisawa.

Le film est proposé dans sa langue originale, le russe, avec sous-titres optionnels, et le choix entre deux formats audio, Dolby TrueHD 5.1 ou 2.0 stéréo, et dans un doublage en français Dolby TrueHD 2.0.

Le livre de 156 pages, intitulé Guerre et paix, une histoire russe, une épopée soviétique, écrit par Marc Moquin, directeur éditorial de Revus & corrigés, spécialement édité par Potemkine Films, préfacé par le cinéaste Bertrand Mandico et par Marie-Pierre Rey, professeur d’histoire russe et soviétique à Paris I Panthéon-Sorbonne, rappelle la genèse et le succès du Guerre et paix de King Vidor, « la contre-attaque (…) en Stalinorama » de l’URSS, un défi politique qu’Ekaterina Foursteva, ministre de la culture et la première femme à intégrer le Politburo, chargera Sergueï Bondartchouk de relever. Des moyens énormes sont affectés à la production du film dont le tournage « chaotique et riche en rebondissements » chevaucha avec la postproduction. Sélectionné dans de nombreux festivals, il obtint la reconnaissance des USA avec l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger… Un remarquable complément au film !

Guerre et paix

Bonus - 4,0 / 5

Introduction par Joël Chapron, spécialiste des cinématographies d’Europe de l’Est (3’), Une rapide esquisse des contours de l’histoire.

Résumé des épisodes 1, 2, 3 & 4 par Joël Chapron (3’32”, 1’47”, 4’18” & 3’35”), rappelant le résumé des épisodes précédents des séries, une aide appréciable pour le spectateur qui découvre le roman de Tolstoï et ses nombreux personnages.

Sergueï Bondartchouk par Joël Chapron (9’). Né en Ukraine en 1920 dans une famille de paysans, il entame une formation d’art dramatique à 17 ans, commence une carrière d’acteur à Grozny, avant d’être enrôlé dans L’Armée Rouge et de participer à la bataille de Stalingrad. Il rejoint Moscou pour terminer ses études supérieures, se lance dans une carrière d’acteur avec un succès qui lui vaudra la distinction « d’artiste populaire de l’Union soviétique », et réalise son premier film, Le Destin d’un homme, dans lequel il tient le rôle principal, qui attirera en 1959 40 millions spectateurs. Son deuxième film, Guerre et paix, lui prendra dix années de sa vie.

Portrait de Ludmila Savelieva (28’). La vie simple de l’interprète de Natacha, née à Leningrad en 1942, filmée en 1968 pour un des épisodes de la série documentaire produite par la R.T.B., Les Soviétiques : recueil des impressions des Moscovites sur son incarnation de Natacha, visite du théâtre du Komsomol où joue son mari et du théâtre Kirov où elle fut ballerine…

Guerre et paix

Making of Guerre et paix commenté (Mosfilm, 1969, noir et blanc et couleurs, 1.33:1, 31’). La première à Odessa de l’adaptation d’un roman que tant de Russes connaissent par coeur, la une des journaux des 80 pays qui ont accueilli le film, la remise de l’Oscar. Le document rappelle la longue préparation du tournage, dès 1961, les importants moyens alloués à la production, montre les répétitions et les prises de scènes de bataille, les caméras tenues par des chefs opérateurs sur patins à roulettes dans la scène du premier bal de Natacha, la construction des décors de l’incendie de Moscou, les prises par des cameramen protégés par des vêtements et des cagoules en amiante, l’enregistrement de la musique, le montage…

Guerre et paix par Joël Chapron (30’). Écrit de 1863 à 1869, le roman fut traduit en français en 1879 et sept fois adapté au cinéma entre 1912 et 1915. Puis oublié par le cinéma jusqu’à l’adaptation tournée en Italie par King Vidor, une superproduction Paramount qui attira 6 millions de spectateurs en France et 32 millions en URSS. Alors qu’Ekaterina Foursteva, ministre de la culture, aurait voulu que le film sorte en 1962 pour le 150ème anniversaire de la bataille de Borodino, le tournage ne commença que le 7 septembre de cette année-là. Une quarantaine de consultants historiques et militaires furent mobilisés, 272 décors construits, 13 000 fantassins détachés pour renforcer une foule de figurants, 1 500 cavaliers, une division de cavalerie spécialement créée. Les deux premières parties furent projetées dans un montage provisoire en juillet 1965 au festival de Moscou et saluées par le Grand prix, ex-aequo avec Vingt heures de Zoltán Fábri. Sorti en salles le 14 mars 1966, les deux premières parties firent 49 millions d’entrées en cinq mois. Le tournage des parties 3 et 4 s’acheva en octobre 1966, la troisième partie fut montrée à Cannes en 1967. Les quatre parties cumulèrent 135 millions d’entrées en URSS (1,25 millions en France).

Guerre et paix

Image - 3,5 / 5

L’image, au ratio 2.35:1 (initialement projeté au ratio 2.20:1), restaurée en 2017 après scan 2K de plusieurs sources, correctement débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, déploie des couleurs ravivées, agréablement saturées, mettant en valeur les rouges et ors des uniformes… et le bleu des yeux de Lioudmila Savelieva ! Une bonne résolution permet d’apprécier, sur toute la profondeur du champ le soin apporté à la mise en scène des trois batailles, au prix d’une réduction du grain qui mord parfois sur la ligne jaune. Après ce satisfecit, vient le reproche majeur : une instabilité de l’étalonnage qui tend, notamment, à faire souvent virer au gris les visages. Un défaut déjà relevé dans d’autres restaurations opérées par Mosfilm, par exemple pour Le Conte du tsar Saltan ou Le Géant de la steppe.

Guerre et paix

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby TrueHD 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo), très propre lui aussi, restitue clairement les dialogues et bénéficie d’une dynamique et d’une ouverture de la bande passante donnant une bonne présence à l’ambiance, avec un effet immersif toutefois limité par une sollicitation trop timide des canaux latéraux.

Ces observations valent pour le doublage en français au format Dolby TrueHD 2.0 stéréo.

Crédits images : © Mosfilm

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 23 décembre 2023
En pleine guerre froide, le régime soviétique, ulcéré par l’énorme succès planétaire du Guerre et pax de King Vidor, alloua des moyens sans commune mesure à Sergueï Bondartchouk pour réaliser une meilleure adaptation du roman de Léon Tolstoï. Un défi brillamment relevé : cette nouvelle version de sept heures devint un des chefs-d’œuvre du cinéma universel. Elle nous revient dans une édition exceptionnelle, un véritable objet de collection !

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