Coffret World Cinema Foundation - Volume 1 (1936) : le test complet du DVD

Édition Collector

Réalisé par Fred Zinnemann
Avec Silvio Hernández, David Valle González et Rafael Hinojosa

Édité par Carlotta Films

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Le 12/06/2012
Critique

Les Révoltés d’Alvarado (Mexique - 1936) :

À Alvarado, le poisson fait cruellement défaut et les pêcheurs se trouvent démunis. Miro doit enterrer son fils qu’il n’a pas pu soigner. Quelques jours plus tard, les poissons abondent par centaines et le travail prospère à nouveau. Miro part en mer avec un groupe d’hommes engagés par Don Anselmo, un notable de mèche avec un politicien local. Mais au retour, le salaire qu’on leur verse est ridicule. Indigné, Miro prend la tête d’un mouvement de contestation. Commence alors la révolte des pêcheurs…

Commande du secrétaire de l’Education publique mexicaine, Les Révoltés d’Alvarado est un bijou co-réalisé par Fred Zinnemann et Emilio Gomez Muriel, et photographié par Paul Strand. Comme l’indiquait le réalisateur du Train sifflera trois fois,  » Les Révoltés d’Alvarado est le premier (et le dernier) film de son genre. Ce film devait jouer un petit rôle dans le projet du gouvernement mexicain pour éduquer des millions de citoyens illettrés à travers ce gigantesque pays et les sortir de l’isolation. (…) Nous avions recruté pratiquement tous les « acteurs » parmi les pêcheurs locaux, qui n’avaient rien à faire de plus qu’être eux-mêmes. C’étaient des amis formidables et loyaux, travailler avec eux fut une joie. En plus de faire les acteurs, ils transportaient le matériel, manoeuvraient les barques et effectuaient une multitude de tâches, gagnant ainsi plus d’argent que jamais tout en s’amusant follement. « 

Oublions les frictions survenues entre le cinéaste et le directeur de la photographie durant le tournage car Les Révoltés d’Alvarado mêle admirablement la fiction avec le documentaire à l’instar du cinéma de Robert Flaherty, nette référence de Fred Zinnemann. La photographie est splendide et l’on a souvent l’impression d’admirer une exposition consacrée aux travaux de Paul Strand, qui avait alors passé près de dix ans au Mexique. Entièrement tourné en décors naturels avec des comédiens non-professionnels, ce magnifique portrait engagé de pêcheurs subjugue du premier au dernier plan par sa beauté plastique, sa folle modernité et son authenticité.



Le Voyage de la hyène (Sénégal - 1973) :

Anta, une jeune fille des quartiers pauvres de Dakar, s’est amourachée de Mory, un gardien de troupeau qui conduit une moto ornée d’un crâne de vache. Au sein d’une société cruelle prise entre tradition et modernité, tous deux forment un couple de marginaux. Ils s’inventent des histoires pour s’évader et, face à la mer, rêvent de prendre un bateau qui les mènera en France. En route, tous les moyens sont bons pour trouver les ressources nécessaires : jeux d’argent, vol ou escroquerie…

 » Un film prophétique, magnifique, troublant, inattendu, qui nous interpelle. L’histoire du Voyage de la hyène est vieille comme le monde : les hommes sont toujours partis en quête de pays étrangers où le temps ne s’arrête jamais. (…) Ce portrait de la société sénégalaise de 1973 n’est pas très différent de la réalité actuelle. Chaque jour au détroit de Gibraltar, des centaines de jeunes Africains perdent la vie en tentant de rejoindre l’Europe. Qui n’en a jamais entendu parler ? Le film de Djibril porte la voix de leur douleur : ces jeunes nomades pensent pouvoir franchir l’immensité de l’océan en suivant une bonne étoile, un rêve de bonheur, mais ne font que rencontrer la cruauté des hommes «  déclare le grand cinéaste malien Souleymane Cissé sur l’oeuvre de Djibril Diop Mambety.

Film turbulent, inclassable, violent, drôle et magnifiquement photographié, Le Voyage de la hyène n’a aujourd’hui rien perdu de sa fraîcheur. Ce  » rêve d’ailleurs  » de deux jeunes amants, marqué par de nombreuses péripéties, de ruptures de tons donne l’espoir d’un monde meilleur symbolisé par la ville de Paris, ville de tous les fantasmes chanté par Josphine Baker tout au long du film. Portrait et critique du Sénégal, mais aussi oeuvre picturale recherchée, sensorielle et poétique, Le Voyage de la hyène s’inscrit au panthéon du cinéma africain.



Transes (Maroc - 1981) :

Nass El Ghiwane est un groupe de musiciens marocains formé dans les années 70 au coeur de l’un des quartiers pauvres de Casablanca. Mêlant grands thèmes traditionnels et incantations laïques, leur musique puise dans le creuset de la culture populaire. Les chansons racontent aussi bien les joies du monde qu’elles pleurent les poètes défunts, clamées au son de rythmes frénétiques. Au détour des rues comme dans les salles de concert bondées, l’explosion musicale déclenchée par Nass El Ghiwane met les foules en transe…

Voyage envoûtant à travers la musique et les traditions du Maroc, Transes est devenu un film culte dans tous les pays du Maghreb. Usant à la fois de la fiction et du documentaire, le réalisateur Ahmed El Maanouni filme au plus près les membres du groupe Nass El Ghiwane, porte-parole de toute une génération qui puise son inspiration dans la culture et la poésie marocaine.

Avec leurs paroles engagées et poétiques reflétant les malaises de la jeunesse marocaine de l’époque, cette révolution culturelle rythmée par des percussions puissantes et endiablées crée une véritable transe parmi la foule de spectateurs venus en masse pour les écouter. Nass El Ghiwane a véritablement révolutionné la musique marocaine et maghrébine et demeure encore aujourd’hui une référence majeure dans le paysage culturel du pays. Ahmed El Maanouni suit le groupe dans leur tournée et leurs réflexions, scrute chacun des membres du groupe, filme leurs mains, leurs yeux, et la musique finit par bercer le spectateur trop heureux de participer à ce voyage où tous les sens sont mis à contribution.



La Flûte de roseau (Kazakhstan - 1989) :

Il y a longtemps, un poète s’opposa à son roi avec ces mots :  » La poésie ne naît pas au son d’une exécution.  » En 1915, dans la campagne coréenne, un instituteur est pris de rage et assassine l’une de ses élèves, la fille d’un vieux paysan qui lui avait refusé l’hospitalité. Ce dernier traque l’assassin jusqu’en Chine mais, une fois arrivé face à lui, ne trouve pas la force de le tuer. De retour chez lui, le paysan décide de prendre une jeune concubine et met au monde un garçon, Sungu, qu’il élève dans un seul but : la vengeance…

 » Au début des années 1940, des centaines de milliers de Coréens qui vivaient en Extrême-Orient russe depuis le XIXe siècle furent chassés par Staline du jour au lendemain. On les considérait comme des traîtres et des ennemis publics. Femmes, enfants et vieillards durent partir sans que la moindre explication ne leur soit donnée. La diaspora coréenne, qui représente plus d’un million de personnes, est un sujet interdit depuis de nombreuses années. La Flûte de roseau est le premier film qui raconte leur tragédie. «  Ermek Shinarbaev

Hommage à la diaspora coréenne au Kazakhstan, La Flûte de roseau, chef d’oeuvre poétique réalisé par Ermek Shinarbaev en 1989 demeure tout d’abord singulier du point de vue de ses origines. Film kazakh réalisé par un kazakh, dont le scénario a été écrit par un coréen en langue russe, La Flûte de roseau propose une contemplation du poète et de l’artiste dans la société. Conte sur la vengeance, inclassable, mêlant le film historique et une histoire contemporaine avec une maestria formelle, cette oeuvre singulière à la vaporeuse photographie prônant la liberté et la difficulté de la préserver demeure le fer de lance de la nouvelle vague cinématographique kazakh. Troisième et dernière collaboration entre le cinéaste et l’écrivain russo-coréen Anatoli Kim, La Flûte de roseau hypnotise et s’imprime dans les mémoires des cinéphiles.

Présentation - 5,0 / 5

Ce magnifique coffret au visuel sobre renferme les disques séparés en quatre boitiers slim. Les jaquettes, la sérigraphie des DVD, le livret inclus de 36 pages, les menus principaux, sont splendides et intègrent directement les plus belles dvdthèques.

Bonus - 3,5 / 5

Chaque film se voit accompagné d’un court module (de 2 à 4 minutes) démontrant tout le travail de restauration effectué, au moyen d’un écran scindé en deux avec d’un côté l’image originale, et de l’autre le master une fois restauré :

DVD 1 :
Les Révoltés d’Alvarado - Paul Strand et les Révoltés d’Alvarado (20’) :
L’auteur et historien James Krippner, professeur au Haverford College (Pennsylvanie), revient sur l’héritage du photographe et réalisateur (et dans le cas ici directeur de la photographie) Paul Strand (1890-1976), son rôle dans la production du film, et les tensions avec le réalisateur Fred Zinnemann. Ce portrait d’un des plus grands photographes modernistes donne envie de se plonger dans son travail, l’ensemble est illustré de magnifiques photographies et les anecdotes du tournage des Révoltés d’Alvarado ne manquent pas.

DVD 2 :
Le Voyage de la hyène - Eclipse lumineuse (25’) :
Wasis Diop (musicien, frère et collaborateur de Djibril Diop Mambety) et sa fille, Mati Diop (cinéaste), reviennent sur la force tellurique, la clairvoyance, l’énergie et la violence du Voyage de la hyène. Chacun s’exprime sur le rapport entre l’homme et la hyène, la complexité de l’âme humaine, les thèmes exploités, le casting, les conditions de tournage, tout en croisant adroitement le fond avec la forme. Quelques photos issues des prises de vue viennent illustrer cet émouvant échange et portrait du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety (1945-1998).

DVD 3 :
Transes - C’est toute une histoire (21’) :
Omar Sayed (membre du groupe Nass El Ghiwane), Ahmed El Maanouni (réalisateur et scénariste) et Izza Génini (productrice) reviennent sur la formidable aventure de Transes, de sa production en 1980 jusqu’à sa restauration, orchestrée en 2007 grâce à Martin Scorsese, grand admirateur du film qui l’avait d’ailleurs programmé au Festival de Marrakesh en 2005. La genèse du projet, les conditions de tournage, l’accueil sont ainsi passés en revue à travers quelques photos du tournage.

DVD 4 :
La Flûte de roseau - La Force de la poésie (29’) :
Le cinéaste kazakh Ermek Shinarbaev évoque la singularité de son film, tourné en pleine perestroïka d’après un scénario du grand écrivain russe d’origine coréenne, Anatoli Kim. Cet entretien est le plus passionnant de cette interactivité. Ermek Shinarbaev revient sur ses débuts dans le cinéma, la condition artistique au Kazakhstan qui appartenait à l’époque à l’Union Soviétique, sa rencontre et sa collaboration avec Anatoli Kim, les conditions de tournage de La Flûte de roseau (le contexte politique, la direction d’acteurs, la construction de l’histoire), tout en développant les thèmes explorés dans le film et comment cette oeuvre a été sauvée par Gilles Jacob.



Un livret inédit de 36 pages intitulé Aux quatre coins du Monde est également glissé dans ce coffret. Il comprend quelques photos, un éditorial de Martin Scorsese sur la présentation de la World Cinema Foundation ainsi que des textes de Kent Jones (directeur de la World Cinema Foundation) sur les quatre films du coffret.

Image - 4,0 / 5

Les Révoltés d’Alvarado (2,5/5) :
La restauration a été réalisée en 2009 par la World Cinema Foundation au laboratoire L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna. Le master 1.33 respecté des Révoltés d’Alvarado a été restauré à partir des meilleurs éléments subsistants, notamment un négatif 35mm de sécurité et une copie d’exploitation conservée par la Filmoteca de la UNAM, la Universidad Nacional Autónoma de México. De cette restauration numérique a été tiré un internégatif 35mm. Il est évident que ce travail a été effectué à temps car de nombreuses griffures, points, poils caméra et autres scories subsistent encore. Il n’empêche que la copie demeure claire et que l’ensemble parvient à trouver rapidement un équilibre, bien que les fourmillements, décrochages sur les fondus enchainés et divers flous sporadiques demeurent constatables. Si les noirs se révèlent poreux, quelques plans sortent du lot, étonnent par leur précision, et le rendu de la sublime photo de Paul Strand est soigné.

Le Voyage de la hyène (4,5/5) :
Effectué en 2008, le lifting du Voyage de la hyène a été réalisé en numérique 2K à partir des négatifs originaux image et son 35mm prêtés par Teemour Diop Mambety, le fils du réalisateur, et préservés au laboratoire GTC à Paris. La restauration numérique a permis de retrouver les éléments chromatiques originaux du film. Au terme de ce processus numérique, un nouvel internégatif 35mm a été tiré. Cette copie au format 1.33 respecté se révèle splendide. Les partis pris esthétiques originaux flattent constamment la rétine, la clarté et la propreté sont éblouissantes, l’encodage est solide comme un roc mais c’est surtout la colorimétrie qui se révèle d’une richesse inespérée, tout comme le piqué que nous n’attendions pas aussi aiguisé. Malgré ses presque quarante ans au compteur, Le Voyage de la hyène affiche une nouvelle jeunesse qui participe grandement à sa redécouverte.

Transes (4/5) :
La restauration a été effectuée en 2007 par la World Cinema Foundation au laboratoire L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna. Premier film choisi et présenté par Martin Scorsese pour inaugurer sa fondation au Festival de Cannes en mai 2007, Transes a été restauré à partir des négatifs originaux image et son 16 mm prêtés par Izza Génini, la productrice du film. Le négatif image a été restauré à la fois de façon photochimique et numérique, et gonflé au format 35mm. Présenté dans son format 1.66 respecté, ce nouveau master restauré (16/9 compatible 4/3) ressuscite le film d’Ahmed El Maânouni en lui ravivant sa colorimétrie chatoyante. Les contrastes sont raffermis, la propreté est quasi-irréprochable, les noirs plutôt denses et le piqué inespéré. La clarté des séquences diurne est indéniable et malgré quelques fourmillements et baisses de la définition, la copie demeure impressionnante et les halos de lumière sont resplendissants.

La Flûte de roseau (4/5) :
Comme pour les films précédents, la restauration a été effectuée par la World Foundation avec cette fois le soutien de Kazakhfilm Studios, au laboratoire L’Immagine Ritrovata de la Cinémathèque de Bologne, en 2010. La Flûte de roseau a été restauré à partir des négatifs originaux image et son, ainsi que d’une copie positive, prêtés par Kazakhfilm Studios et conservés aux archives nationales de la République du Kazakhstan. Le réalisateur Ermek Shinarbaev a activement participé à ce travail de restauration. La splendide photo hypnotique retrouve tous son éclat, la définition est quasi-exemplaire, les couleurs sont magnifiques, les blancs étincelants et les volontés artistiques sont en tous points respectées. En dépit de quelques contrastes plus légers sur les séquences sombres, ce travail de restauration s’impose comme un modèle du genre.

Son - 3,5 / 5

Les Révoltés d’Alvarado (2/5) :
Le film le plus ancien de ce coffret est aussi celui dont la bande-son mono demeure la plus abimée. Quelques craquements sont notables tout comme de nombreuses fluctuations, parfois au cours d’une même séquence. Les dialogues (enregistrés en postproduction) demeurent suffisamment distincts, divers grésillements sont constatables, un léger souffle se fait parfois entendre, mais l’ensemble est suffisant pour se plonger dans le film.

Le Voyage de la hyène (3,5/5) :
Plus récent, Le Voyage de la hyène mixe quelques dialectes (sous-titrés en français) avec la langue française aux dialogues plus étouffés et qu’il aurait été utile de sous-titrer également. La musique est bien présente, l’ensemble est plutôt dynamique, la restauration ne fait aucun doute et le confort acoustique est au final assuré.

Transes (4/5) :
Le négatif son a été restauré en Dolby SR et en numérique. La piste Dolby Digital 2.0 mono se révèle ardente et participe grandement à l’immersion des spectateurs. Propre, dynamique et précise, cette version permet de rentrer véritablement en transe !

La Flûte de roseau (4/5) :
Comme pour Transes, le mixage mono de La Flûte de roseau se révèle riche et particulièrement dynamique. D’une limpidité jamais prise en défaut, la bande-son mixe allègrement les dialogues, les effets et la musique avec une belle homogénéité.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm