Le Diabolique Docteur Mabuse (1960) : le test complet du DVD

Peter Barter, un journaliste de télévision, est tué à Berlin au volant de sa voiture par une aiguille d’acier lancée par un fusil pneumatique, un prototype dérobé aux USA. Le commissaire Kras avait été prévenu au dernier moment du meurtre par un devin, le mystérieux Docteur Cornelius. Peter Barter avait séjourné à l’Hôtel Luxor, comme d’autres victimes d’assassinats commis, une trentaine d’années plus tôt, par un sinistre criminel, le Docteur Mabuse, mort en 1932.

Le Diabolique Docteur Mabuse (Die 1000 Augen des Dr. Mabuse), réalisé en 1960, sera le dernier film de Fritz Lang et le troisième qu’il tournera depuis son retour en Allemagne, après le diptyque indien, sorti en 1959, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau Hindou (Der Tiger von Eschnapur, Das indische Grabmal).

Le Docteur Mabuse, personnage maléfique créé par l’écrivain Norbert Jacques en 1921 dans son roman Dr. Mabuse, der Spieler, inspira immédiatement le scénario du film Dr. Mabuse, le joueur (Dr. Mabuse, der Spieler), sorti en 1922, puis de sa suite, en 1933, juste avant que Fritz Lang ne quitte l’Allemagne, Le Testament du Dr. Mabuse (Das Testament des Dr. Mabuse), tournée en deux versions, une en allemand et une en français, coréalisée par René Sti, avec Rudolf Klein-Rogge dans le rôle-titre, mais des acteurs différents pour les autres personnages. Le diabolique docteur renaîtra dans une dizaine de films réalisés par d’autres et justement oubliés.

Le Diabolique Docteur Mabuse, une trentaine d’années après ses deux premières apparitions, revient, en 1960, sous deux identités, celle d’un médecin, le Docteur Jordan, et celle du Docteur Cornelius, un magicien aveugle capable de prédire l’avenir, avec des projets toujours funestes, mais dans le vent de l’époque, par exemple voler la force nucléaire à Henry B. Travers, un industriel américain en voyage d’affaires à Berlin. Le criminel a également mis ses moyens en utilisant les technologies de pointe : il a truffé l’Hôtel Luxor de caméras et micros pour espionner les clients.

Les acteurs sont tous germanophones, Wolfgang Preiss, dans le rôle-titre, Gert Fröbe dans celui du commissaire Kras, Peter van Eyck dans celui de Travers, le Suisse Howard Vernon, dans celui du tueur au fusil à air comprimé et Werner Peters dans celui du mystérieux courtier en assurances Mistelzweig. Seule la belle Anglaise Dawn Addams a dû être doublée, assez bien d’ailleurs.

On retrouve dans Le Diabolique Docteur Mabuse la patte de Fritz Lang, son attention à la composition de chaque cadre, dans toute leur profondeur pour les plans larges, la sobriété maîtrisée des mouvements de caméra, l’inspiration du montage et le soin apporté à la direction des acteurs. Tout ce talent mis au service d’un style très moderne, en rupture franche avec l’esthétique l’expressionniste de sa période classique.

Le Diabolique Docteur Mabuse (99 minutes) et ses suppléments (62 minutes) tiennent sur un DVD-9 logé dans un boîtier noir épais de 14 mm, glissé dans un fourreau. Le menu animé et musical propose le choix entre version originale, avec sous-titres imposés placés trop haut sur l’image, et doublage en français, en mono d’origine, au format Dolby Digital 1.0.

Une édition Blu-ray propose le même contenu.

En supplément, une présentation du film par Stéphane Du Mesnildot (8’), critique aux Cahiers du cinéma. Si les deux premiers films avec le Docteur Mabuse annonçaient la menace née de l’accession au pouvoir des nazis, il lui semble que celui de 1960 soit un avertissement sur les dangers d’avancées technologiques, telles que l’énergie nucléaire et l’essor des moyens de surveillance…

Suit, une analyse du film par Olivier Père (25’), responsable du département cinéma d’ARTE France. Fritz Lang revint en Allemagne en 1956 pour obtenir plus de moyens que ceux que lui allouaient les producteurs américains, ce qui arriva pour Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou. Après avoir rappelé les films qu’il avait réalisés en Allemagne, Olivier Père est persuadé qu’avec Le Diabolique Docteur Mabuse Fritz Lang porte un regard critique sur l’Allemagne des années 60 et exprime sa crainte de voir une utilisation abusive des techniques de surveillance menacer les libertés individuelles. Il rappelle que l’idée du film lui est venue d’un projet des nazis d’installer des micros dans des hôtels de luxe pour espionner les clients. Une fin heureuse du film a été imposée par les producteurs.

On aurait aimé que ces deux entretiens analysent la mise en scène du film.

Pour finir, un entretien inédit avec Howard Vernon (29’), probablement enregistré peu avant sa mort, survenue en 1996. L’acteur évoque sa première rencontre, chaleureuse, avec Fritz Lang, à Berlin, en 1960. Il lui a proposé, au pied levé, le seul rôle qui n’avait pas encore été attribué, celui du tueur. Puis, pendant le tournage, le changement d’humeur du réalisateur, d’une maniaque intransigeance dans la direction des acteurs…

L’image (1.66:1), magnifiquement restaurée, propose un impeccable dégradé de gris, avec des blancs lumineux et des noirs denses, et une grande stabilité. Toutes les taches ont été effacées et le bruit vidéo éliminé jusqu’à la limite d’un lissage excessif. Aucun défaut de compression n’est décelable, y compris dans les scènes de réunion envahies par la fumée des cigarettes, cigares et autres pipes !

Le son Dolby Digital 1.0 est, lui aussi, d’une extrême propreté. Pratiquement impossible d’entendre le moindre souffle. Toutefois, les dialogues de la version originale sont parfois trop réverbérés, à l’opposé de ceux du doublage en français, trop mats.

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