Ran

Ran (1985) : le test complet du Blu-ray

Version restaurée 4K

Réalisé par Akira Kurosawa
Avec Tatsuya Nakadai, Akira Terao et Jinpachi Nezu

Édité par Studiocanal

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Le 22/04/2016
Critique

Ran

Le seigneur Hidetora Ichimonji voit dans un rêve qu’il est seul dans un monde vide, ce qu’il interprète comme un présage de sa mort prochaine. Il décide de partager son royaume entre ses trois fils, Taro, Jiro et Saburo, lesquels, en échange, devront l’accueillir à tour de rôle et prendre soin de lui jusqu’à sa fin. Taro, l’aîné, est frustré de devoir partager un pouvoir qu’il pensait exercer seul. Saburo, le benjamin, est banni pour une remarque que son père a prise comme une marque de déloyauté.

Ran, chaos en français, est le dernier grand film d’Akira Kurosawa avec Rêves (Yume, 1990). C’est aussi son troisième film en couleurs après Dodes’kaden (1970) et Kagemusha : l’ombre du guerrier, Palme d’or au festival de Cannes 1980, ex aequo avec Que le spectacle commence de Bob Fosse. Ran est une adaptation assez libre du Roi Lear de William Shakespeare, la seconde après Le Château de l’araignée (Kumonosu-jô, 1957), inspiré de Macbeth.

Akira Kurosawa, qui avait étudié la peinture à l’école des beaux-arts de Tokyo, n’a jamais avant Ran démontré avec autant d’évidence sa maîtrise de la composition des cadres, qu’il vérifiait systématiquement avant de lancer les caméras, et de l’utilisation de la couleur. Chaque plan est une oeuvre d’art que le lent déroulement du récit laisse le temps d’analyser, qu’il s’agisse de gros plans sur les visages ou de plans très larges des scènes de bataille, saisis sous tous les angles, en plongée, contre-plongée, contre-jour…

Les paysages spectaculaires de collines battues par le vent, l’architecture fantastique des trois châteaux construits pour le film sur les pentes noires du Fuji Yama, les costumes aux couleurs éclatantes (somptueusement ravivées par la restauration), l’alternance de scènes rappelant le théâtre Nô avec la sanglante fureur des guerres intestines, font de Ran un film flamboyant, un inoubliable éblouissement.

Impossible aussi d’oublier l’hallucinante performance de Tatsuya Nakadai, l’interprète du vieux seigneur, ni le parfait contrepoint de l’image assuré par l’accompagnement musical de Tôru Takemitsu où dominent flûte et tambours.

Ran

Présentation - 4,0 / 5

Ran (160 minutes) tient sur un premier Blu-ray, complété par un second de suppléments, logés dans un coffret non fourni pour le test, effectué sur check discs. Un splendide menu animé et musical propose le choix entre la version originale sous deux formats, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 et un doublage en trois langues : français et anglais (DTS-HD MA 5.1) et allemand (DTS-HD MA 2.0).

Sous-titres en français, anglais et allemand.

Bonus - 5,0 / 5

Cette édition reprend l’essentiel des suppléments de l’Édition prestige StudioCanal de 2003, et de la première édition Blu-ray de 2009, notamment le documentaire de Chris Marker sur le tournage, auxquels s’ajoutent quatre bonus inédits.

Sur le disque 1, restauration du film (9’), en français, par Charlotte Quemy et Ronald Boullet (Laboratoire Éclair). Le processus de restauration négatif, assez abîmé pour un film de cette époque, est rappelé : scan, image par image, pour une numérisation 4K. Puis, en parallèle, nettoyage des taches et rayures et étalonnage de la luminosité et des couleurs. Les rayures sur le support sont éliminées par un nouveau scan de la pellicule plongée dans un liquide avec le même indice de réfraction. Ce travail s’est fait avec les conseils de Shôji Ueda, l’un des chefs opérateurs, sans recherche excessive du détail, pour conserver la densité de l’original.

Ran

Les autres suppléments sont sur le disque de bonus.

AK, documentaire de Chris Marker, 1984 (72’, 1080i, AVC). Hiver 84, sur les flancs du Fuji Yama. Kurosawa s’imposait des préparations et répétitions minutieuses pour filmer chaque scène en une seule prise. Le documentaire montre toutes les phases de préparation et de tournage, les châteaux construits pour le film, l’ajustage des armures en acier bruni. Depuis Les 7 samouraïs, Kurosawa tourne chaque scène avec trois caméras. Chacun met sa main à la pâte, par exemple la scripte aide à répandre du ciment pour simuler la poussière que soulèveront les sabots des chevaux. Longue attente des conditions idéales : du vent, du grand bleu en plein brouillard. Des roseaux sont laqués à l’or et éclairés par des projecteurs sur des tours métalliques pour une scène de nuit. Sensei Kurosawa, « le maître », est partout, veille à tout, jusqu’aux infimes détails. Un passionnant documentaire accompagné par le quatuor à cordes n° 1 de Tôru Takemitsu !

Akira Kurosawa : L’épopée et l’intime (42’, Wild Side Vidéo, 2006). Akira Kurosawa ne trouvait plus de financement au Japon en raison de sa difficulté à maîtriser la durée des tournages. Serge Silberman a accepté un budget de 13 millions de dollars (au lieu des 6 très légèrement estimés par l’équipe de Kurosawa !). Plusieurs témoins du tournage rapportent des anecdotes.

Akira Kurosawa par Catherine Cadou (14’, StudioCanal, 2002). Elle fut l’interprète et la traductrice de Kurosawa dans les conférences de presse et a assisté à des tournages (celui de Ran a duré 9 mois). Kurosawa, très respecté au Japon, était très simple, exigeant, taiseux, sortant peu, fidèle en amitié.

Ran

L’Art des samouraïs (42’, StudioCanal, 2003) avec Jean-Christophe Charbonnier, auteur de Casques, masques et armures des seigneurs de l’ancien Japon. D’après lui, Ran est assez déconnecté de la réalité historique. Il nous parle ensuite du seppuku, puis du sabre japonais, l’arme blanche la plus sophistiquée, faite de plusieurs aciers pliés avec un trempage limité au tranchant, etc. Intéressant, mais sans rapport très direct avec le film.

Entretien avec Shôji Ueda, directeur de la photographie (10’, StudioCanal, 2015). Kurosawa vérifiait avant chaque tournage que le storyboard contenait bien toutes les indications pour la journée (mise en scène, costumes, choix des couleurs…). Dans chaque séquence, Kurosawa voyait un personnage principal, même s’il n’avait qu’un tout petit rôle dans le film. Des plans longs filmés par plusieurs caméras permettaient d’assurer la fluidité de l’action. Certaines scènes ont requis une longue préparation (éclairage, positionnement des caméras) et de nombreuses répétitions, allant parfois une journée entière de travail pour trois secondes de film ! Kurosawa portait une grande attention à la couleur : trois couleurs symbolisent les frères, jaune, rouge et bleu et il utilisait des filtres pour colorer certaines séquences, filmées notamment de nuit. Il veillait aussi à ce que la mise au point révèle tous les détails du cadre. Tout ça avec un grand souci de réalisme : si le scénario disait « pluie », il fallait attendre qu’il pleuve !

Entretien avec Mieko Harada (21’, StudioCanal, 2015). L’une des deux actrices principales raconte quelques anecdotes de tournage : la difficulté de se mouvoir avec des kimonos neufs, le choix des coiffures et des maquillages, jamais arrêtés à la hâte : Kurosawa voulait toujours se donner « le temps de la réflexion ».

Ran

Entretien avec Michael Brooke (16’), écrivain et journaliste. Kurosawa pensait que Ran serait son dernier film, son testament artistique. À partir de 1960, il a ralenti sa production : d’un film par an, il est passé à 4 films seulement de 1965 à 1985, faute de trouver des financements. Le coût de ses films n’était plus en accord avec les moyens de l’industrie cinématographique japonaise, en pleine en crise. Son approche de Hollywood se solda par deux échecs : le projet The Runaway Train, avec Lee Marvin et Henry Fonda, fut enterré en préproduction (il sera repris en 1985 par Andrei Kontchalovski). Il passa aussi beaucoup de temps à la préparation, de Tora, Tora, Tora, mais finira par se décourager. Dodes’kaden, son premier film en couleurs fut un échec commercial qui le mena à une tentative de suicide en 1971. Puis ce fut Dersou Ouzala en URSS, son premier tournage à l’étranger et Kagemusha : l’ombre du guerrier, entrepris grâce à l’aide de la 20th Century Fox et au soutien de George Lucas et Francis Ford Coppola, dont le succès commercial lui permit d’entreprendre Ran.

Présentation de Ran au festival international du film de Tokyo 2015 (15’) dans sa version restaurée en numérique 4K, par des acteurs et une partie de l’équipe qui évoquent les difficiles conditions de tournage.

Les samouraïs (52’, Ampersand, 2000) sont des hommes d’armes issus de la noblesse qui se sont soumis à un code d’éthique. En 1192, un des daimyos (seigneurs de guerre) impose son pouvoir à ses pairs, devient le shogun et réunifie le Japon. L’ère des shoguns ne prendra fin qu’en 1867. Les samouraïs au cinéma sont découverts en occident avec Les 7 samouraïs. Suit un reportage sur la fabrication du katana, le grand sabre : 20 jours de travail pour une seule lame !

Ran

Image - 5,0 / 5

La qualité de l’image (1.85:1, 1080p, AVC) démontre l’efficacité de la restauration opérée en 2015 par le Laboratoire Éclair. Les contrastes affirmés et les noirs denses, avec des couleurs éclatantes, bien étalonnées, assurant un rendu délicat des tons de peau. La résolution assez poussée, sans lissage excessif, respecte la texture originale.

Son - 5,0 / 5

Le son de la version originale, disponible dans deux formats, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, est parfaitement propre avec un spectre généreusement ouvert, un excellente dynamique, une spatialisation cohérente des bruits d’ambiance et une restitution très fine des petits bruits de la nature : chant des insectes ou frémissement de l’herbe dans la brise.

Le même choix de formats est proposé pour le doublage en français, un peu monotone en comparaison de la VO.

Ran

Crédits images : © Studiocanal

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Aliocha
Le 20 septembre 2021
Pas de commentaire.
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Compte utilisateur désactivé
Le 7 mai 2016
Quelle déception cette edition je me suis fié à votre test et bien je regrette mon achat. Pas pour le film bien évidemment mais l'image c'est catastrophique je me demande encore où est passé la restauration en 4k cela ressemble plus a un dvd upscalé qu'autre chose. Même si j'ai noté une légère amélioration en fin de métrage.
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Philippe Gautreau
Le 22 avril 2016
Longtemps attendue, cette nouvelle édition, après remastérisation 4K, permet de revoir Ran, un chef-d’œuvre tardif d’Akira Kurosawa, dans des conditions optimales et d’apprécier, mieux que jamais, son art du cadrage et du jeu avec les couleurs. Aux généreux bonus repris des éditions précédentes, s’ajoutent quatre bonus inédits.

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