Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films : le test complet du Blu-ray

The House of Usher + Pit and the Pendulum + Tales of Terror + Premature Burial + The Haunted Palace + The Raven + The Tomb of Ligeia + The Masque of the Red Death

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Roger Corman
Avec Vincent Price, Mark Damon et Myrna Fahey

Édité par Sidonis Calysta

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Le 22/11/2022
Critique

Les 8 films fantastiques adaptés d’Edgar Allan Poe par le cinéaste Roger Corman de 1960 à 1964, enfin rassemblés en édition cinéphile.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

La Chute de la maison Usher (The Fall of the House of Usher / House of Usher, USA 1960) de Roger Corman obtint un succès critique et commercial d’une telle ampleur qu’il donna naissance à une série de 8 titres produits et réalisés par Corman de 1960 à 1964, que les cinéphiles français nommèrent assez vite « la série Edgar Poe » . Elle est constituée, dans l’ordre de distribution chronologique ascendant, par La Chute de la maison Usher (The Fall of the House of Usher / House of Usher, première cinéma aux USA juin 1960), La Chambre des tortures (Pit and the Pendulum / The Pit and the Pendulum, USA août 1961), L’Enterré vivant (The Premature Burial, USA mars 1962), L’Empire de la terreur (Tales of Terror,USA juillet 1962), Le Corbeau (USA janvier 1963), La Malédiction d’Arkham (The Haunted Palace, USA août 1963), Le Masque de la Mort rouge (USA juin 1964), La Tombe de Ligeia (USA novembre 1964). Chaque titre est indépendant des autres, plus ou moins fidèlement adapté d’histoires fantastiques d’horreur et d’épouvante écrites par Edgar Allan Poe (1809-1849), mais tous sont unifiés plastiquement par la mise en scène de Corman.

Si on veut connaître la genèse du premier film de 1960 et disposer d’une vue d’ensemble de l’évolution de la série de 1960 à 1964, on peut relire deux textes très complémentaires.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

D’abord, relire le savoureux chapitre 7 de l’autobiographie de Corman, Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime (paru aux USA en 1990, traduit en 2018 aux éditions Capricci). Alors que les producteurs Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson, les patrons de la firme American International Pictures (AIP), lui proposaient en 1960 de réaliser deux films fantastiques en N&B pour un budget de 100 000 $ chacun, Corman refusa et leur proposa de signer un seul film mais doté d’un budget supérieur, en CinemaScope et en couleurs, adaptant ce célèbre conte de Poe, auteur étudié dans toutes les classes de lycée aux USA et très aimé par les adolescents. A la commerciale question de Arkoff - « Mais, Roger, qui sera le monstre ? » - Corman répondit avec assurance : « La maison » !

Ensuite relire l’entretien de Chris Wiking et Vincent Porter avec Roger Corman, traduit par Michel Caen et publié dans Midi-Minuit Fantastique n°10/11 de l’hiver 1964-1965 (tome 2 de la nouvelle édition Rouge profond, Aix-en-Provence 2015, page 649), alors qu’il venait de produire et réaliser l’ultime titre de la série, dans lequel il déclarait : « Si je considère comment les choses ont démarré, je dois avouer que je n’avais pas du tout l’intention de faire une « série Poe ». Je voulais [adapter] La Chute de la maison Usher et je pensais que, si les choses marchaient bien, je ferais par la suite Le Puits et le Pendule et Le Masque de la Mort rouge. » Au moment où paraît la traduction de cet entretien, la série n’est que très incomplètement distribuée en France car ses titres sortent avec un décalage moyen de 4 ans par rapport à leurs sorties américaines en exclusivité : les deux derniers produits en 1964 n’arrivent par exemple chez nous et en Belgique que durant la saison cinématographique 1968-1969. Bien que la moitié en soit donc, en cet hiver 1964-1965, encore invisible pour plusieurs années, on peut dire que sa réputation l’a précédée : la critique française a déjà pu visionner les premiers titres et elle attend impatiemment les suivants. Tout ce qui s’y rapporte est donc avidement consulté.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Corman venait de réaliser, durant les années 1955-1960, des films B de genres variés (aventures, westerns, policiers, comédies, science-fiction, Rock n’Roll) pour AIP et il voulait prouver qu’il pouvait adapter Edgar Poe, si souvent porté à l’écran par le cinéma fantastique. Et une des histoires les plus célèbres de Poe, ayant déjà inspiré bien des productions des origines du cinéma muet à nos jours. Qu’on se souvienne de la version muette expérimentale du cinéaste français Jean Epstein (1928), sur laquelle Luis Bunuel avait été assistant-réalisateur. Ou bien qu’on songe, tout récemment, à Lady Usher’s Diary (Fr. 2022) d’Alexandre H. Mathis avec Pamela Stanford en vedette, version non moins expérimentale que celle de Epstein mais inaugurant un inédit renversement de point de vue (*). Sans oublier des versions commerciales aujourd’hui méconnues, par exemple celle réalisée par Ivan Barnett avec Kay Tendenger en 1950. La filmographie de Poe est un univers à part entière dans l’histoire du cinéma fantastique et Corman le sait. En tant que producteur-réalisateur, il avait donc parfaitement conscience qu’il plaçait la barre assez haut mais qu’il pouvait laisser sa marque à l’histoire du cinéma, en cas de succès : ce fut le cas.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

De 1960 à 1964, Corman s’entoure de collaborateurs talentueux : les scénaristes Richard Matheson (1960-1963), Charles Beaumont (1963 et 1964), Robert Campbell (1964), Robert Towne (1964), les directeurs de la photographie Floyd Crosby (1960 à 1963), Nicolas Roeg, Alex Thompson et Arthur Grant (pour les deux derniers produits aux USA mais tournés en GB en 1964), le décorateur Daniel Haller (1960 à 1963, style maintenu par les décorateurs anglais de 1964 supervisés par Haller), les compositeurs Ronald Stein (admirable partition de 1963), Les Baxter, David Lee. Le casting fut, pour sa part, d’une grande richesse : des acteurs réputés tels que Vincent Price, Ray Milland, Boris Karloff, Basil Rathbone, Lon Chaney Jr., Peter Lorre donnaient la réplique à une nouvelle génération incarnée par des visages nouveaux tels que Skip Martin, Patrick Magee, Nigel Green, Leo Gordon, Elisha Cook. Du côté des actrices, une nouvelle génération était représentée par Barbara Steele (1961 mais, hélas, Corman ne lui confie qu’un rôle assez mince : c’est Luana Anders qui joue, d’ailleurs bien, le rôle féminin principa), Debra Paget, Hazel Court, Elizabeth Shepherd, Cathie Merchant, Maggie Pierce, Joyce Jameson, Barboura Morris, Darlene Lucht. En alliant d’une manière homogène ces talents par la rigueur serrée de sa mise en scène, Corman créa un frisson nouveau, baroque, inquiétant, ouvertement sous-tendu par son intérêt revendiqué pour la psychanalyse freudienne (**).

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Dans ce même entretien paru pendant l’hiver 1964-1965 dans Midi-Minuit Fantastique n°10/11 (op. cit. supra, même page 649), Corman esquissait d’une manière intéressante l’évolution esthétique et thématique de la série, à présent close : « Au début j’étais persuadé que le monde dans lequel évoluaient nos personnages était une pure création de l’esprit (celui d’Edgar Poe), l’illustration d’un monde subconscient ; je croyais que rien n’était réel. C’est pour cela que je ne tournais jamais en extérieurs, à l’exception d’un plan de l’océan (…) et d’une forêt qui venait de brûler et c’était une atmosphère très insolite. Je croyais que le moindre plan réaliste ne pourrait que révéler l’artifice du monde que je mettais en scène. Pour Ligéia, au contraire, j’ai utilisé pour la première fois dans la série Poe des décors naturels. (…) Et puis Ligeia, de tous mes films, est le plus proche d’une véritable histoire d’amour. Il y a un aspect très important chez Poe que nous avons peu traité auparavant, c’est le thème de l’amour perdu : Annabelle Lee, Leonora, Morella, Ligeia (…) « . Comme d’habitude, cette déclaration est dotée d’une inégale valeur de vérité, rapportée aux films : Corman et Matheson avaient, par exemple, adapté l’histoire de Morella dès 1963 dans un moyen-métrage qui ouvrait L’Empire de la terreur ; d’autre part il n’y avait pas qu’un plan d’océan ou de forêt brûlée en fait de décors naturels dans la série Poe : il y avait aussi des plans de plage (1961), de forêt intacte (1962), de châteaux perchés sur des falaises ou des collines par de savants artifices optiques (1961 et 1963) sans oublier les si belles reconstitutions de rues américaines du dix-neuvième siècle (1962 et 1963), qu’il s’agisse de villes ou de villages. Reste que Corman avait conscience de n’avoir traité que marginalement certains aspects de Poe qu’il souhaitait alors explorer davantage : certaines séquences de films noirs policiers tels que Mitraillette Kelly (USA 1958), L’Affaire Al Capone (The Saint Valentine’s Day Massacre, USA 1966) ou Bloody Mama (USA 1970) de Corman portent, avant comme après la production de la série Poe, des traces de l’influence de Poe sur le cinéaste. Corman et ses scénaristes, au total, furent à la fois infidèles et fidèles à Poe.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

La série Edgar Poe de Corman présente, sur le plan technque, une qualité plastique homogène de 1960 à 1964 mais les adaptations des scénaristes furent d’un niveau inégal, y compris concernant la fidélité littéraire à Poe. La Malédiction d’Arkham est ainsi un film tout à fait remarquable, peut-être même le meilleur de la série, mais, en dépit de son titre américain original reproduisant celui d’un poème célèbre (1839) de Poe et cité à une ou deux reprises en intertitres, c’est d’abord une adaptation du court roman ou de la longue nouvelle de Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), L’Affaire Charles Dexter Ward (1927). Le lien littéraire avec Poe est donc réel mais ténu. En revanche son lien esthétique avec Poe était revendiqué par Corman (même entretien Midi-Minuit Fantastique n°10/11, page 648) : « J’ai pris l’histoire de Lovecraft et je l’ai transposée dans l’univers de Poe. ». On ne peut pas non plus parler, en 1963, d’adaptation du célèbre poème élégiaque de Poe, Le Corbeau. Matheson lui-même l’a confirmé par la suite dans un entretien en 2003 : ce n’était absolument pas une adaptation mais une fiction totale prenant simplement l’argument du poème pour base narrative. D’autres films de la série sont davantage fidèles, sinon à la lettre, au moins à l’esprit général des textes de Poe. Certaines innovations méritent d’être relevées : la seconde histoire des trois que compte L’Empire de la terreur est un étrange et adroit mélange, oscillant entre comédie et terreur, de deux contes d’Edgar Poe, Le Chat noir et La Barrique d’Amontillado. Même remarque pour l’insertion, dans la trame de Le Masque de la mort rouge, d’un épisode (purement dramatique, celui-là) adaptant Hop-Frog. La Chambre des tortures est muni par Matheson d’une intrigue rajoutée qui occupe la majeure partie du film alors que le conte adapté Le Puits et le pendule (1842) ne mettait en scène qu’un seul et unique personnage.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Sur le plan de l’histoire du cinéma fantastique, la série Edgar Poe de Roger Corman posa vraiment l’américaine AIP en rivale de l’anglaise Hammer Films et des productions italiennes de la période. Corman fut considéré par la critique française spécialisée des années 1960-1970 comme un cinéaste fantastique aussi important que ses contemporains anglais (Terence Fisher) et italiens (Mario Bava). Edgar Poe était chez nous, il est vrai - en raison de la traduction de Charles Baudelaire et de ses notices biographiques enflammées d’admiration pour ce poète, philosophe et prosateur américain - une référence culturelle alors que les oeuvres littéraires de Mary Shelley et Bram Stoker (adaptés par Fisher) ou de Nicolas Gogol (adapté par Bava) étaient considérées, comparativement, comme davantage confidentielles et mineures. Le critique Jean de Baroncelli, du journal Le Monde, ne croyait donc pas déchoir en allant visionner en 1961 un Corman adapté de Poe ni en publiant un article sur La Chambre des tortures (***). L’acteur Vincent Price (vedette de 7 films de la série) devint une star du cinéma fantastique aussi importante pour l’AIP, durant la décennie 1960-1970, que l’étaient alors les acteurs anglais Christopher Lee et Peter Cushing pour la Hammer Films. Price était parfois tenté par un certain expressionnisme mais également, à l’occasion, capable d’une sobriété très concertée (la possession de Charles Dexter Ward par le portrait de Joseph Curwen, par exemple, en 1963 ou bien son interprétation inattendue de l’ultime titre de 1964). Inversement, la belle actrice Hazel Court qui avait été la vedette féminine du Hammer Films Frankenstein s’est échappé (The Curse of Frankenstein, GB 1957) de Terence Fisher, joua aussi en vedette féminine dans la série américaine Edgar Poe, en 1962, 1963 et 1964. Et lorsque le dernier titre de la série, à savoir La Tombe de Ligeia, fut tourné en Angleterre, Corman s’assura les services d’Arthur Grant, l’un des meilleurs directeurs photos anglais de la Hammer Films. Il y eut, par conséquent, ce qu’on pourrait nommer des points de passage, sur le plan plastique comme sur le plan du casting, entre la série Edgar Poe américaine de Corman et la Hammer Films anglaise entre 1960 et 1964 : il ne faut surtout pas les méconnaître car ils témoignent d’une émulation stylistique, d’un dialogue esthétique dont les résultats furent, à tous points de vue, remarquables des deux côtés de l’Atlantique.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

(*) Lien direct vers la page du producteur-réalisateur-éditeur Alexandre H. Mathis dont ce second film long-métrage (qui est aussi une sorte de ciné-roman à cause de l’importance des intertitres) mérite d’être découvert car il procure, en raison de ses innovations plastiques et scénaristiques, une respiration nouvelle au rapport entre cinéma et littérature : http://https-alexandre-mathis.over-blog.com/2019/08/lady-usher -s-diary-film.html

(**) Si l’oeuvre de Poe a été attentivement analysée du point de vue psychanalytique par Marie Bonaparte dès les années 1930, les contributions de la série Edgar Poe de Corman à une cinéma proprement psychanalytique ont été étudiées par Lise Frenkel dans quelques pages suggestive de son article Cinéma et psychanalyse (paru en deux parties in revues Cinéma 71 n° 154 et 155).

(***) Jean de Baroncelli avait écrit une critique - dont le livre de Jean-Marie Sabatier, Les Classiques du cinéma fantastique (éditions Balland, Paris 1973) cite le fragment que je reproduis ci-après - certes un peu ambivalente mais finalement, pour l’époque en tout cas, assez sympathique et éclairée de La Chambre des tortures :

« Il y a quelque chose de fruste et d’élémentaire dans cette adaptation au premier degré. Pourtant Poe n’en est pas totalement absent. On y entend l’écho de sa voix et, entre deux frissons nerveux, il nous arrive de ressentir ce que Baudelaire appelait : ce malaise du coeur qui hante les lieux immenses et singuliers.

En réalité, Baroncelli manquait de points de comparaison car, rétrospectivement, l’adaptation de Corman et Matheson n’apparaît nullement « fruste et élémentaire » mais, tout au contraire, raffinée et sophistiquée, assurément plus élaborée et complexe sur le plan narratif que la nouvelle de Poe. Si on recherche « quelque chose de fruste et d’élémentaire », il faut se tourner vers l’adaptation française postérieure d’Alexandre Astruc (son téléfilm produit par l’ORTF et diffusé en 1964, édité en DVD en 2014 dans le tome 1 de la nouvelle édition Rouge Profond de l’intégrale de la revue Midi-Minuit Fantastique) et bien davantage fidèle à l’histoire originale de Poe dont elle respecte la simplicité narrative mais dont elle perd inévitablement la richesse psychologique, bien trop complexe pour être, telle quelle, adaptable.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Présentation - 4,0 / 5

Coffret 8 films sur 8 Blu-ray BD-50 région B et sur 8 DVD-9 + 1 neuvième DVD de bonus + 1 livret de 158 pages, édités par Sidonis Calysta le 08 novembre 2022. La Chute de la Maison Usher (première cinéma juin 1960, durée film 79’) + La Chambre des tortures (août 1961, durée film 80’) + L’Enterré vivant (mars 1962, durée film 81’) + L’Empire de la terreur (juillet 1962, durée film 89’) + Le Corbeau (janvier 1963, 86’) + La Malédiction d’Arkham (août 1963, 87’) + Le Masque de la Mort Rouge (juin 1964, 89’) + La Tombe de Ligeia (novembre 1964, 82’). Images couleurs au format original 2.35 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF + VF d’époque. Durée totale programme : 673 min. Suppléments : documentaire « Le Monde de Corman, les exploits d’un rebelle à Hollywood » de Alex Stapleton (« Corman’s World: Exploits of a Hollywood Rebel », 2011, 86’20”, VOSTF) sur 1 DVD séparé + présentations des films par Christophe Gans, Joe Dante, Olivier Père, Patrick Brion, Bertrand Tavernier, Eric Paccoud, Greg Carson + entretiens avec le cinéaste Roger Corman et l’acteur Vincent Price + 1 séquence TV rajoutée + bandes-annonces originales + fiches des films.

Livret « Roger Corman - Edgar Allan Poe : Les Démons de l’esprit » rédigé par Marc Toullec

Ample travail (au titre comportant un clin d’oeil curieusement hammerien car il fait référence au titre original anglais du film de Peter Sykes) qui situe rapidement la série dans l’histoire du cinéma fantastique puis examine très en détail chacun des 8 films, dans leur ordre chronologique correct de production et de distribution. Ensemble très bien documenté à la fois sur le plan bibliographique (nombreux extraits de livres, d’articles et d’entretiens, parus aux USA, en Angleterre et quelques uns en France) et sur le plan iconographique (nombreuses affiches, photos de plateau, photos de production, photos d’exploitation sans oublier de rares et amusantes photos d’archive, par exemple cet incroyable casting de chats noirs, organisé en 1962 par AIP). Quelques bémols, cependant : d’abord la bibliographie ne mentionne ni les dates ni la nationalité des livres, revues et articles cités (ce qui est contraire aux usages établis de l’édition et assez fréquent concernant les livrets signés par Toullec); ensuite les extraits cités en italiques ne sont pas reliés à leur source, encore moins à sa pagination (ce qui est là encore contraire aux usages établis de l’édition) ; enfin certaines affiches, certaines photos d’exploitation (lobby cards) et certaines photos de production (production stills) sont très bien reproduites mais hélas détourées, autrement dit les informations et textes inscrits sous leurs images sont amputés au profit de la seule image (une constante de l’édition française de livres et revues de cinéma qu’il faut absolument réformer car on doit respecter l’intégralité d’un documents d’histoire du cinéma). Par exemple page 98, on devrait pouvoir lire en bas de l’affiche américaine originale de The Haunted Palace les noms du réalisateur (Roger Corman), du scénariste (Charles Beaumont), des deux producteurs (Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson) : la mise en page du livret a tranquillement amputé ces informations visuelles qui font pourtant partie de l’affiche au profit d’une légende rajoutée qui n’a aucun intérêt. Quelques autres légendes curieuses ou erronées sont lisibles sous certaines photos : en bas de la page 79 on nous parle ainsi d’un supposé « regard concupiscent » (sic) de l’hypnotiseur joué par Basil Rathbone alors qu’il ne regarde absolument pas Debra Paget ; c’est même tout le contraire car c’est elle qui le regarde mais pas non plus d’une manière particulièrement « concupiscente » tandis que Rathbone regarde droit devant lui, probablement vers son patient joué par Vincent Price hors-champ. Il y a certes dans le film des regards concupiscents de l’hypnotiseur joué par Rathbone vers la Hélène jouée par Debra Paget mais pas sur cette photo-là. Est-ce que Le Corbeau peut être qualifié de « comédie loufoque » comme l’écrit la légende inscrite au pied de son affiche page 80 et comme Corman ou certains de ses collaborateurs ont pu le dire ? C’est une comédie fantastique certes, assurément, bien sûr…mais ce n’est tout de même pas non plus une pantalonnade et il y flotte une certaine cruauté et une certaine inquiétude fondamentales en dépit de son aspect comique manifeste ; Boris Karloff, Peter Lorre et Vincent Price ne sont, au demeurant, tout de même pas les Trois Stooges ! Les dernières pages sont consacrées à l’histoire postérieure des adaptations d’Edgar Poe par le cinéma fantastique mondial. Quelques photos et commentaires des adaptations (très lointaines sur le plan de la lettre mais respectant bien l’esprit de Poe) signées par Gordon Hessler, au tournant de 1970.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Bonus - 4,0 / 5

NB : je classe les titres dans leur ordre chronologique ascendant de production et de distribution en première exclusivité.

La Chute de la Maison Usher (USA première sortie en juin 1960) de Roger Corman  :

Présentation par Christophe Gans (2022, 46’43”) : riche et précise, elle couvre la situation de Corman au moment du tournage, la genèse de la production, le tournage (anecdote de la grange), le rapport scénario - oeuvre originale de Poe, la mise en scène, la direction de la photo de Floyd Crosby (ses dominantes rouges, ici), les décors de Daniel Haller, les peintures montrées dans le film, l’acteur Vincent Price. Pour les cinéphiles un peu plus pointus, intéressantes remarques sur les versions muettes de 1928 et sur de possibles allusions à Poe dans Un baquet de sang (USA 1959) de Roger Corman. Un bémol concernant l’analyse de la mise en scène : il y a des recadrages assez fréquents dans les dialogues et la mise en scène, certes correspondante aux exigences techniques du Scope 2.35, comporte néanmoins un découpage plus complexe que ce que Gans décrit.

Entretien avec Vincent Price (1986, 11’13”, VOSTF) : Claude Ventura et Philippe Garnier rencontrent la star à Malibu mais, mis à part de savoureuses anecdotes dites avec une bonne humeur roborative (une relative à un film de James Whale, une autre aux acteurs Basil Rathbone, Peter Lorre et Boris Karloff sur les deux films fantastiques de 1963 appartenant à la série Edgar Poe) on n’apprend pratiquement rien, mis à part le fait que Price appréciait les tournages rapides de Corman.

Bande-annonce originale (2’31”, VO): au format Scope 2.35 respecté mais en état argentique moyen ; elle prélève de nombreux plans au célèbre cauchemar de Withrope.

Bel ensemble mais pourquoi ne pas avoir ajouté en VOSTF, pour les cinéphiles francophones, le commentaire audio du producteur-réalisateur Roger Corman, proposé depuis 2013 (en VO mais sans STF) aux cinéphiles américains sur l’édition Blu-ray de Shout Factory faisant partie de la collection Vincent Price ?

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

La Chambre des tortures (USA août 1961) de Roger Corman :

Présentation par Olivier Père (2022, 25’46”) : elle fournit l’essentiel des informations nécessaires à une bonne appréhension du titre et de sa place dans la série. Elle mesure bien les transformations apportées par Matheson à l’histoire de Poe. Je partage le regret de Père concernant le sous-emploi de Barbara Steele par Corman : c’est une des faiblesses du film. Le jeu ici un peu outré de Vincent Price, parfois presque expressionniste, en est une autre. Bonne remarque sur la similitude de construction narrative entre les trois premiers titres de la série. En revanche, je suis plus réservé concernant l’assertion de Père concernant la densité dramaturgique inférieure des personnages féminins au sein de la série Poe, par rapport aux personnages masculins.

Séquence TV ajoutée (5’03”, VOSTF, 1.78 compatible 16/9) : il s’agit d’une curieuse et rare séquence additionnelle d’introduction (de prologue probablement pré-générique) tournée pour une télévision américaine qui voulait augmenter légèrement la durée du métrage cinéma original. Elle est curieuse, assez bien mise en scène, jouée en vedette par Luana Anders, ici prisonnière et qui assure aux autres détenus qu’elle n’est pas folle, que l’histoire qui lui est arrivée est bien réelle. On pouvait déjà la visionner sur le Blu-ray américain édité par Shout Factory vers 2013.

Bande-annonce originale (2’27”, VO) : au format 2.35 respecté, dotée d’un grain un peu supérieur à celui du film de référence, ce qui est bien mais en état argentique moyen, ce qui l’est moins. La voix-off qui la commente fait allusion au rôle tenu en vedette par Barbara Steele l’année précédente dans le premier film fantastique de Mario Bava.

La Chambre des tortures revient de loin sur le plan des bonus, chez nous comme aux USA. Son histoire, sur ce plan, est typique des dilemmes absurdes que les éditions vidéo numériques successives, durant la période 2000 à 2015, ont pu poser au spectateur français : on disposait depuis juin 2001 en DVD M.G.M. zone 1 NTSC d’une image 2.35 compatible 4/3 mais dotée d’un commentaire audio de Roger Corman et d’autres suppléments intéressants alors que le DVD M.G.M. zone 2 PAL édité en France en octobre 2004 proposait le titre en 2.35 compatible 16/9 (ce qui était mieux) mais sans aucun supplément (ce qui constituait une absurde régression). Le Blu-ray américain Shout Factory édité en 2013 réalisait un autre exploit : offrir d’excellents bonus mais ne plus comporter ni VF d’époque ni VOSTF alors que les DVD MGM zone 1 comme zone 2 en disposaient tous les deux ! En somme, lorsque le Festival de Cannes 2016 rendit justement (bien que tardivement) hommage à ce titre de Corman de 1961, il était encore tout bonnement impossible de trouver une édition Full HD dans des conditions cinéphiles francophones décentes. Cette édition Sidonis Calysta 2022 compense enfin partiellement ces lacunes mais je regrette néanmoins l’absence du commentaire audio de Corman (c’était pourtant l’occasion de le proposer enfin en VOSTF) et l’absence de la galerie affiches et photos, évidemment tous deux proposés sur l’édition américaine Blu-ray de 2013.

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L’Enterré vivant (USA mars 1962) de Roger Corman :

Présentation par Olivier Père (2022, 19’27”) : elle comporte la plupart des informations nécessaires à une bonne situation du titre dans la série, à commencer par le rappel de la fameuse tentative de Corman de s’allier avec Pathé, tentative déjouée par AIP. Excellente comparaison de Price et Milland. Quelques informations sur les scénaristes Charles Beaumont et Ray Russell. Bonne remarque sur l’introduction de quelques éléments discrets de comédie (les deux fossoyeurs) pour la première fois dans la série Poe mais pas la dernière. En revanche, Olivier Père fait curieusement l’impasse sur la belle Hazel Court que Corman réemploiera encore deux fois au sein de cette série Poe.

Hommage à Roger Corman par Bertrand Tavernier et Joe Dante (2010, 12’30”) : Dante filmé avec une belle affiche française d’un classique du cinéma fantastique de Jack Arnold à l’arrière plan, et Tavernier filmé en alternance avec quelques documents numérisés, parlent de leurs rencontres avec Corman, de sa carrière, de ses films. Il s’agit d’un montage assez raccourci de ce qu’on trouvait plus en détails dans les suppléments des autres DVD Sidonis de la collection Roger Corman éditée il y a 10 ans. Le spécialiste n’apprendra rien mais le novice sera correctement initié.

Entretien avec Roger Corman (2002, 9’15”, VOSTF) : bref mais intéressant car Corman revient sur sa tentative de produire le film sans AIP, avec Pathé comme co-producteur. Elle échoua car AIP était un des plus importants clients du laboratoire Pathé. Le casting de Ray Milland (remarquable dans le rôle) à la place de Vincent Price demeure le signe tangible de cette tentative d’émancipation de Corman car Price était sous contrat avec AIP. Corman évoque aussi certains aspects techniques communs à l’ensemble de la série, se souvient de Floyd Crosby, de Daniel Haller. Il évoque bien entendu ses deux vedettes Hazel Court et Ray Milland.

Bande-annonce originale (2’32”, VO) : hélas recadrée en 1.78, état argentique moyen mais bien conçue et efficace.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

L’Empire de la terreur (USA juillet 1962) de Roger Corman :

Présentation par Olivier Père (2022, 19’10”) : bonne présentation qui couvre bien les divers aspects du film (réunion de trois moyens-métrages en un long-métrage, problème de la fidélité ou de l’infidélité du scénario de Matheson à Poe, réunion de trois stars du cinéma fantastique, caractères individuels de chaque histoire). Un bémol d’histoire du cinéma : contrairement à ce qu’énonce Père, il y a eu assez régulièrement des films fantastiques à sketchs dans l’histoire du cinéma fantastique depuis la période muette à nos jours ; d’autre part la firme Amicus n’a pas inauguré la formule « vers 1970 » (sic) mais dès 1964.

Bande-annonce originale (2’23”, VO) : au format 2.35 respecté, image argentique moyenne, donnant une bonne idée du film de référence.

Pourquoi ne pas avoir proposé ici en VOSTF les deux commentaires audio (le premier de Tim Lucas, le second de Vincent Price et deux autres commentateurs) disponibles en VO sans STF sur l’édition américaine Blu-ray Kino Lorber de 2015 ? C’était l’occasion ou jamais !

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Le Corbeau (USA janvier 1963) de Roger Corman :

Présentation par Olivier Père (2022, 25’28”) : bonne dans l’ensemble, mettant bien en valeur l’originalité du titre d’une part, sa filiation avec les titres antérieurs d’autre part (par exemple les comédies fantastiques de 1959 et 1960 tournées juste avant la série Poe, par exemple l’histoire centrale du titre comportant trois histoires rassemblées en un long-métrage de 1962 appartenant à la série Poe) mais attention à un point non négligeable d’histoire du cinéma : ce n’est pas ce titre de Corman de 1963 qui constitue la naissance de la parodie fantastique, contrairement à ce que dit Père. La parodie fantastique a toujours existé : voir la série des films d’Abott et Costello dans les années 1940. Je suis surpris, au demeurant, que Père ne commente pas les premiers plans du générique d’ouverture, identiques à ceux du titre de 1961 : il y avait quelque chose à dire dessus et que j’ai, pour ma part, écrit dans ma critique archivée sur Stalker-dissection du cadavre de la littérature. Cette remarque vaut aussi pour des fragments de la musique du titre de 1961.

Richard Matheson, conteur d’histoires par Greg Carson (« Richard Matheson, Storyteller », 2003, 6’34”, VOSTF) : bonus qu’on trouvait sur l’édition DVD MGM NTSC zone 1 de 2003 et qui est intéressant en dépit de sa brièveté. Matheson y confirme qu’il n’a jamais voulu adapter le poème de Poe mais qu’il lui a simplement servi de point de départ matériel pour une histoire bien différente, qui plus est une comédie. Quelques extraits du film montés sur l’entretien, en illustration.

Corman et la comédie de Poe par Greg Carson (« Corman’s Comedy of Poe », 2003, 8’11”, VOSTF) : bonus provenant également de l’édition DVD MGM NTSC zone 1 de 2003 dans lequel Corman revient d’une manière assez pointue sur cette comédie fantastique. Quelques extraits du film, montés sur l’entretien en illustration.

Bande-annonce originale (2’26”, VO) : en état argentique moyen mais donnant une excellente idée du film.

Les deux entretiens avec Matheson et Corman proviennent de l’édition Shout Factory de 2014 : c’est bien de les avoir inclus car ce sont des témoignages de première main d’histoire du cinéma mais pourquoi ne pas avoir ajouté en VOSTF le commentaire audio de Steve Haberman et son ample galerie affiches et photos ? Deux occasions ratées.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

La Malédiction d’Arkham (USA août 1963) de Roger Corman :

Présentation par Christophe Gans (2022, 42’31”) : bien meilleure et bien plus consistante que celle de Patrick Brion (néanmoins reprise sur le même disque par l’éditeur). Il faut surmonter la manie un peu agaçante de Gans de prononcer « Aich Pi Lovecraft » avec l’accent mais, au bout de quelques minutes, on surmonte sans effort cette préciosité (Olivier Père prononce « Rojeur » lorsqu’il parle de Roger Corman : même agacement constant de ma part : on est en France, pas en Amérique et on dit « Roger » et on pense « Roger » en prononçant mentalement « Rogé », pas « Ro-Geur » ni « Ro-Gére » ou que sais-je) : le cinéphile français peut traduire mentalement ce H. P. Lovecraft prononcé à l’anglaise vaguement américanisée par un plus simple H. P. Lovecraft (prononcé « Ach Pé » Lovecraft à la française !) ou, encore mieux, par un complet « Howard Phillips Lovecraft » qui demeure la meilleure désignation car la plus complète. Gans situe bien le titre dans l’histoire de la série, examine d’une manière assez dense et approfondie la relation entre Poe et Lovecraft, la manière dont Corman a innové par rapport aux titres antérieurs de la série (même directeur de la photographie mais une tonalité plus réaliste et plus sombre ; quelques nouveaux et spectaculaires décors du même directeur artistique), évoque les acteurs principaux (Vincent Price, Debra Paget, Lon Chaney Jr.), les contributions des techniciens importants et aussi quelques autres adaptations de Lovecraft au cinéma par le directeur artistique, passé à la mise en scène, Daniel Haller. Excellent remarque sur la personnalité profondément poétique (et poesque tout autant) de Lovecraft ; assertion plus discutable concernant la plus grande difficulté d’interpréter d’une manière freudienne Lovecraft que Poe (on le peut tout aussi bien car le réalisme de Lovecraft - que Gans a raison de mettre en relief - est un effet de son art). Non moins bonne remarque sur le fait que, davantage que la comédie fantastique antérieure de 1963, ce titre lovecraftien constitue dans la série un titre charnière, témoin d’un relatif basculement, d’un relatif renouveau à la fois sur les plans scénaristiques et matériels : relatif, cependant, car l’unité de la série est néanmoins préservée. On dit parfois que la série Poe, à partir de la comédie fantastique de 1963, a moins rapporté d’argent à ses producteurs que les titres de 1960-1962 : il faudrait examiner les chiffres pour le vérifier mais cela coïnciderait, si c’était vraiment le cas, avec cette volonté de liberté de Corman, son désir d’expérimenter et de ne plus être prisonnier de la forme initiale de 1960 qui l’avait lancée. Les admirateurs de 1960-1963 voulaient revoir la même chose mais, à partir de la 1963 et jusqu’en 1964 inclus, Corman co-producteur leur offrit presque la même chose mais pas tout à fait ! Last but not least, je note une très bonne remarque de Gans concernant quelques aspects lovecraftiens dans L’Horrible cas du docteur X (X, the Man With the X-Ray Eyes, USA 1963) de Roger Corman : il faudrait rééditer ce film dans des conditions cinéphiles car c’est un des plus étonnants de Corman, au sein de sa filmographie fantastique sélective.

Présentation par Patrick Brion (2010, 7’35”) : bonus repris de l’édition DVD Sidonis de 2010. Première moitié intéressante car Brion y cite un entretien avec Corman paru dans la revue Positif où ce dernier précisait la genèse du film, son rapport à Poe d’une part, à Lovecraft d’autre part. Faut-il, comme Brion le fait, accorder crédit aux propos de Corman ? Sur le plan des informations matérielles, concrètes, oui sans doute bien qu’il faille les recouper plus exactement avec celles des collaborateurs, souvenir contre souvenir, pour obtenir un minimum d’objectivité. Sur le plan de l’histoire littéraire, Corman n’a pas, en dépit des apparences et de son apparente sincérité, la culture nécessaire pour interpréter ou commenter Poe et Lovecraft : il a simplement transcrit d’une admirable manière certains éléments de leurs univers respectifs tout en tentant d’être fidèle à l’esprit davantage qu’à la lettre, ce qui était, dans le cadre où il opérait, impossible. Il ne faut jamais oublier que ses déclarations de l’époque étaient aussi (voire d’abord) destinées à complaire aux commentateurs et à leurs supposées attentes. Il ne faut pas les prendre pour argent comptant : elles ont une valeur documentaire davantage qu’une authentique valeur intellectuelle, en dépit, encore une fois, de leur très apparente sincérité. La seconde moitié de la présentation de Brion, purement historique, est moins intéressante, parfois même imprécise : il parle d’Elisha Cook Jr. alors qu’on lit « Elisha Cook » au générique du film mais, inversement, il ne relève pas que, encore en 1963, Lon Chaney Jr. est crédité « Lon Chaney » suivant une tradition hollywoodienne abusive qui se maintenait encore en 1963.

Un autre Edgar Poe : entretien de G. Carson avec Roger Corman (« A Change of Poe », 2003, 11’19”, VOSTF) : bonus provenant de l’édition DVD MGM NTSC zone 1. Corman ne mentionne pas le subterfuge employé afin de permettre de classer ce film parmi les adaptations d’Edgar Poe, en lui conférant le titre d’un poème de Poe (poème cité deux ou trois fois dans le film) alors que l’histoire est une adaptation (une des meilleures jamais filmées) de H. P. Lovecraft. Cet entretien de Corman provient de l’édition Shout Factory américaine de 2013 mais il aurait fallu rependre aussi le commentaire audio de Tom Weaver qui apprenait bien plus d’informations que ces sympathiques mais assez maigres souvenirs de Corman.

Bande-annonce originale (durée 2’13”, VO sans STF, 2.35 compatible 16/9) : état argentique moyen mais très bien montée et donnant une excellente idée du film.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Le Masque de la mort rouge (USA juin 1964) de Roger Corman :

Présentation par Olivier Père (2022, 34’03”) : Olivier Père est influencé par Roger Corman car il considère lui aussi ce titre comme le meilleur de la série. Il le défend très bien, à vrai dire, en examinant avec soin ses aspects principaux : genèse, place dans la série, production, tournage, les deux scénaristes américains Charles Beaumont puis Robert Campbell, les acteurs shakespeariens et les décors anglais tels que Corman et Daniel Haller les utilisèrent sur place (cette section et quelques autres de sa présentation font, inévitablement, double-emploi avec la présentation de Corman en 2002), la photo de Nicolas Roeg, et, plus inattendu mais tout à fait vrai, l’aspect Nouvelle vague du Londres des années 1965 qui influença en profondeur les cinéastes étrangers qui vinrent y tourner.

Présentation par Alain Schlokoff (2009, 14’22”) : bonus repris de l’ancienne édition DVD Sidonis de 2010. Cette présentation avait le mérite de donner le bref point de vue d’un témoin cultivé de première main, doublé d’un grand défenseur et illustrateur du genre. Je ne pense cependant pas que ces deux titres de 1964 tournés par Corman en Angleterre soient les meilleurs de la série Edgar Poe, encore moins qu’ils le soient pour les raisons que Schlokoff énonce.

 Roger Corman derrière le Masque : entretien (« Roger Corman Behind the Masque », 2002, 18’07”, VOSTF) : entretien qu’on pouvait déjà visionner, sans remonter jusqu’aux anciennes éditions DVD américaines, dans l’édition américaine Blu-ray Shout Factory de 2013. Corman considère ce titre comme un de ses meilleurs en tant cinéaste, par-delà la série Edgar Poe à laquelle il appartient. Il y consacre deux fois plus de temps que dans ses présentations MGM consacrées aux autres films du cycle. Il se souvient de sa genèse (y compris fiscale), de sa production, des acteurs anglais, des décors anglais choisis par Daniel Haller et son décorateur anglais associé pour l’occasion, de la direction photo de Nicolas Roeg. Sans oublier l’essentielle question de l’adaptation de l’histoire originale de Poe à laquelle on intégra une autre nouvelle afin d’augmenter son métrage. Encore une fois, les extraits du film de reférence, extraits intégrés et montés sur les propos de Corman, sont en 2.35 compatible 4/3, copie argentique en bon état sauf quelques poussières, et très très belles couleurs. Intéressant témoignage de première main mais pourquoi n’avoir pas repris, de cette même édition américaine, mais en le traduisant en VOSTF, le commentaire audio de Steve Haberman qui contient de nombreuses informations ?

 Roger Corman et le cinéma fantastique par Éric Paccoud (2022, 9’51”) : excellente présentation qui s’avère supérieure au long mais médiocre documentaire présenté en DVD bonus et très complémentaire de celle du dernier film par Bertrand Tavernier ; le novice qui souhaite avoir une idée générale des débuts de Corman et de la série Edgar Poe doit commencer par la visionner. Un seul reproche : les zooms avants sur les affiches n’en filment que des fragments. Cette syntaxe est héritée de la présentation du Cinéma de minuit. Il faudrait revenir à des sages plans fixes cadrant l’intégralité du matériel publicitaire présenté. Je note d’ailleurs que seules les affiches sont affectées : les magnifiques photos d’exploitation titrées House of Usher (titre original alternatif du premier film de la série) sont filmées intégralement et sans mouvement de caméra.

Bande-annonce originale (2’13”, VO) : très belle, en état argentique moyen mais dotée comme toujours de belles couleurs ; assez curieusement, aucun titre n’apparaît ni aucun slogan, seuls quelques images incrustées trahissent (outre son montage) la finalité de cette bande-annonce.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

La Tombe de Ligeia (USA novembre 1964) de Roger Corman :

Présentation de Vincent Price : curieux document inédit en France, au format 4/3 et aux couleurs acides, à la définition vidéo médiocre mais qui transforme l’acteur, durant quelques minutes, en authentique critique et historien du cinéma, apportant quelques informations de première main sur les décors, la conception du scénario, ses relations avec Corman.

Présentation par Bertrand Tavernier (2010, 35’ environ) : bonus repris de l’édition DVD Sidonis de 2010. Tavernier y parle assez bien du film vers le dernier quart d’heure mais tout le reste est consacré à la découverte de Corman en France (selon Tavernier, ce serait Robert Benayoun qui aurait découvert la série Poe à l’occasion d’un voyage aux États-Unis), à l’ensemble de la carrière de Corman comme producteur, réalisateur et distributeur. Le spécialiste n’apprendra rien mais le novice apprendra beaucoup de choses. Illustré du début à la fin par des affiches, des affichettes, des photos d’exploitation, des photos de plateau. On peut faire des pauses pour les contempler : le son disparaît mais ce n’est pas vraiment grave.

Présentation par Olivier Père (2022, 23’03”) : elle reprend évidemment certains éléments déjà racontés par Corman mais elle replace très bien le titre dans l’histoire de la série et examine en détails ses aspects stylistiques les plus novateurs ; bien sûr, tout n’est pas novateur : une partie des décors, des idées, et même certains plans proviennent de la série antérieure. Bons éclairages sur le directeur photo Arthur Grant et sur le scénariste Robert Town sans oublier Paul Mayersberg qui travailla aussi sur le titre. J’ajoute qu’il ne faut pas confondre le John Holmes dresseur du chat noir crédité au générique de fin avec le célèbre acteur rendu célèbre, dans les années 1970, par les courts-métrages de la firme Color Climax Corporation.

Souvenirs sur Roger Corman par Joe Dante (2010, 14’20”, VOSTF) : bonus repris de l’édition DVD Sidonis de 2010. Sympathique car, même si le jugement de Dante concernant le film tient en une phrase sans intérêt, c’est un témoin de première main : il a travaillé pour Corman et il raconte la manière dont il s’intégra à son organisation : bande-annonces puis réalisation. Détails que seul un ancien de « l’écurie Corman » pouvait nous révéler. Sympathique ensuite parce qu’on apprend certaines informations sur son film fantastique de 1979. Sympathique enfin parce que Dante est francophile : il se fait filmer devant une affiche française de L’Etrange créature du lac noir (USA 1954) de Jack Arnold en arrière-plan. Plus sympathique, en somme, tu meurs !

Bande-annonce originale (2’29”, VO) : les couleurs et la définition sont bonnes même si la pellicule est un peu abîmée.

Sur ce dernier titre 1964 de la série, j’aurais volontiers échangé tout cela pour pouvoir disposer (en VOSTF de préférence) des trois commentaires audio (un premier par le producteur-réalisateur Roger Corman, un second par l’actrice vedette Elizabeth Shepherd, un troisième par l’historien du cinéma Tim Lucas) que le cinéphile anglophone peut écouter (mais en VO seulement sans STF) sur l’édition Blu-ray américaine Shout Factory de 2014. Sans parler de la galerie affiches et photos, elle aussi absente.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

DVD bonus :

Le Monde de Corman, les exploits d’un rebelle à Hollywood (« Corman’s World: Exploits of a Hollywood Rebel », 2011, 86’20”, VOSTF, 1.78 compatible 16/9) : ce documentaire d’Alex Stapleton avait été édité par Anchor Bay aux USA en Blu-ray en 2012. C’est plutôt une sociologie mondaine bâclée de Corman qu’une approche cinéphile de ses films ou de sa carrière bien que son évolution y soit grossièrement retracée  : la série Poe est expédiée en quelques minutes alors que c’est ce qu’il a fait de mieux ! De nombreux témoins sont convoqués pour quelques jugements sommaires et souvenirs anecdotiques : les cinéastes Martin Scorsese, Joe Dante, Peter Bogdanovitch, Jonathan Demme, Jonathan Kaplan (à peine une minute le concernant), Peter Fonda, Paul Bartel, Ron Howard, Allan Arkush ; les acteurs William Shatner, Jack Nicholson, Dick Miller, Bruce Dern, Peter Fonda ; le producteur Gene Corman (frère du cinéaste) ; quelques autres collaborateurs moins connus enfin. Corman lui-même demeure le plus intéressant lorsqu’il est interrogé (mais ses interventions sont brèves rapportées à l’ensemble) et se souvient de ses débuts comme lecteur de scénario à la 20th Century Fox, de ses premiers titres. Celui qui a lu son autobiographie en saura cent fois plus que celui qui aura visionné ce médiocre documentaire qui retrace au pas de charge son évolution vers la mise en scène, la production, la distribution et s’achève par la remise d’un Oscar. Les extraits de la série Edgar Poe sont tous recadrés sauf quelques plans de l’avant-dernier titre de 1964 qui est au format respecté : les extraits des autres titres produits ou réalisés par Corman sont dans des états argentiques et vidéo non moins aléatoires.

Les bonus des disques individuels des 8 films sont de bonne tenue, nourris de présentations soignées, informées et pertinentes, aussi de quelques documents et témoignages intéressants provenant d’anciennes éditions (Blu-ray ou DVD, selon les cas) américaines. Mais deux reproches, tout de même : pourquoi n’avoir pas repris les galeries affiches et photos de certaines éditions américaines ; pourquoi n’avoir pas repris certains commentaires audio de Corman lui-même ? Ces deux bonus constituaient des documents d’histoire du cinéma de première main dont le spectateur français est frustré. Reste que, si on ajoute à ces bonus vidéo l’ample livret, on obtient tout de même la première édition française collector. Elle est perfectible mais constitue une première étape qu’aucun cinéphile francophone ne voudra manquer.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Image - 5,0 / 5

Full HD 1080p AVC, au format original 2.35 respecté et compatible 16/9, en Scope-couleurs pour tous les titres. Sur le plan argentique, copies restaurées en très bon état, les plus belles vues en vidéo numérique en France pour l’instant : une seule poussière blanche fugitive relevée, par exemple, sur un unique plan de La Chute de la maison Usher. Étant donné que le titre a 62 ans cette année, c’est tout de même une belle performance. Quelques poussières négatives et positives, une ou deux saletés sur la séquence du cauchemar dans L’Enterré vivant, par ailleurs impeccable. Qualité argentique des autres titres à l’avenant, globalement très bien nettoyés. Sur le plan vidéo, le transfert Full HD rehausse leur beauté plastique native, rafraîchit la vivacité des couleurs, restitue le travail sophistiqué des directeurs de la photographie Floyd Crosby (les premiers films de la série de 1960 à 1963), Nicolas Roeg (1964 avec Alex Thompson alors chef-opérateur) et Arthur Grant (le dernier titre de 1964).sur le cadre, les angles et les couleurs dominantes. Sur le plan de l’exploitation, notez que certains génériques argentiques peuvent ne pas correspondre exactement au matériel publicitaire : AIP avait, par exemple, volontairement fourni, du premier film de 1960, des copies argentiques munies de deux titres distincts : The Fall of the House of Usher et House of Usher. Ce qui explique qu’il existe un jeu de 8 lobby cards (photos américaines d’exploitation) intitulées de la seconde manière alors que tous les génériques d’ouverture connus en France écrivent le premier titre à l’écran. Même chose pour le premier article défini du titre original américain du second film : The Pit and the Pendulum. Au générique argentique, ce premier « The » n’existe pas alors qu’il est lisible sur le matériel publicitaire américain (affiches et photos d’exploitation) et sur le titre du conte original de Poe.

Roger Corman d'après Edgar Allan Poe en 8 films

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF + VF d’époque : offre complète, nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Les VOSTF sont techniquement plus satisfaisantes que les VF, comme souvent. Elles comportent moins de souffle, disposent d’un relief sonore supérieur. Les VF d’époque sont dramaturgiquement soignées, les voix françaises de Vincent Price et de Ray Milland sont honorables mais celle de La Malédiction d’Arkham ne traduit pas exactement le dialogue ni même les images : ainsi Debra Paget s’étonne en français du nom « Taverne de l’Enfer » alors qu’à l’image on voit un panneau sur lequel est mentionné « Burning man Tavern » (Taverne de l’homme en train de brûler) ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! Attention aussi aux STF qui ne traduisent pas tout ni exactement : au lieu de « situation hors de contrôle » qu’on entend en américain, on lit « situation compliquée ». Autre exemple : la VF d’époque de Le Masque de la Mort rouge modifie certains dialogue et certains effets sonores (elle supprime par exemple le premier hurlement féminin lorsque que le carrosse du prince Prospéro menace d’écraser un enfant au début de la seconde séquence). Ces réserves faites, la Mort rouge est doublée par le tragédien Jean Topart et toutes les voix françaises sont du même niveau, donc de premier choix, y compris celle qui double Ray Milland dans le titre de 1962, en dépit d’un léger chuintement technique qui porte uniquement sur sa voix, pas sur celle des autres acteurs ! Concernant les musiques, outre les partitions cormaniennes de Lex Baxter (inspiré en 1961 par le dodécaphonisme durant le générique d’ouverture), il faut mentionner les partitions de Ronald Stein (1963 considérée, selon Corman, comme son chef-d’oeuvre : elle est, en effet, souvent d’une magique beauté symphonique), de David Lee (1964), enfin de Kenneth V. Jones (1964).

Crédits images : © American International Pictures/Orion/MGM - Warner Media - Sidonis Productions - Concorde Pictures - Droits réservés

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  • Panasonic BD60
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francis moury
Le 24 novembre 2022
Les 8 films fantastiques adaptés d’Edgar Allan Poe, produits et réalisés par Roger Corman de 1960 à 1964, enfin rassemblés en édition cinéphile.

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