La Chambre des tortures (1961) : le test complet du Blu-ray

Pit and the Pendulum

Master haute définition

Réalisé par Roger Corman
Avec Vincent Price, John Kerr et Barbara Steele

Édité par Sidonis Calysta

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Le 23/05/2024
Critique

Second titre de la série Edgar Allan Poe, ici adapté d’une manière spectaculaire par Richard Matheson et Roger Corman.

La Chambre des tortures

Espagne, 1547. Le noble Francis Barnard, venu d’Angleterre, frappe à la porte du château de Don Nicolas Medina, le fils de l’inquisiteur espagnol Sebastian Medina au sadisme réputé. Barnard exige des explications sur les circonstances du décès de sa soeur Elisabeth, épouse de Don Nicolas. Le docteur Leon, médecin de la famille et Catherine, la soeur de Nicolas, lui en apportent certaines mais il ne découvrira la vérité qu’au péril de sa vie et de sa raison, lorsqu’il se retrouvera face au terrible Puits et à l’effrayant Pendule de la chambre des tortures.

La Chambre des tortures ( Pit and the Pendulum, USA 1961) de Roger Corman est le second titre de sa série cinématographique Edgar Poe. Il fut tourné dans la foulée du succès remporté par La Chute de la Maison Usher (USA 1960) mais on ignore pour quel budget précis : les déclarations de Corman ne recoupent pas les estimations de certains historiens américains du cinéma et les fourchettes comptables demeurent imprécises. En revanche, on s’accorde aujourd’hui sur le fait que c’est le titre de la série qui rapporta le plus d’argent aux distributeurs AIP. Corman employa la même équipe technique et le même acteur vedette Vincent Price qu’en 1960 mais bénéficia d’une touche d’exotisme dans le casting avec l’actrice Barbara Steele, spectaculaire et au sommet de sa beauté mais dans un second rôle. Assez curieusement, ni Roger Corman (dans sa série cinématographique Edgar Poe) ni Alfred Hitchcock (dans un épisode de sa série télévisée de 1955-1965) ne surent exploiter cette star européenne du cinéma fantastique lorsqu’ils en eurent tous deux l’occasion, à chaque fois manquée. Barbara Steele enlumine le moindre plan où elle apparaît, bien que leur nombre soit assez limité par le découpage. Il faut noter que le titre original inscrit au générique d’ouverture ne contient pas d’article défini avant le motPit, à la différence de celui du conte de Poe (publié aux U.S.A. en 1843 et traduit en français par Charles Baudelaire en 1852) alors que le matériel publicitaire américain comme anglais le mentionne aussi bien sur les affiches que sur les photos d’exploitation.

La Chambre des tortures

L’intrigue de grande ampleur construite par l’écrivain et scénariste Richard Matheson s’écarte considérablement du conte de Poe (qui ne mettait en scène qu’un seul homme) mais elle fait bien sûr reposer le suspense sur la mise en présence finale du héros avec les deux terribles instruments mentionnés dans le titre. La terreur née de la folie et du sadisme l’engendre à son tour chez Nicolas Medina, fils d’un grand inquisiteur qui tortura, sous les yeux de son fils, sa propre mère soupçonnée d’adultère. Ironie noire de Matheson : Elisabeth Medina se révèle aussi adultère et le payera d’une mort encore plus horrible. Entre ces deux révélations, l’une sous forme d’un très étonnant récit traité comme un cauchemar à l’aide de filtres colorés et d’objectifs déformants, l’autre montrée au présent mais avec un traitement non moins cauchemardesque, la peur a eu largement le temps de s’installer. Les puristes peuvent, certes, préférer la grande fidélité de l’adaptation réalisée pour la télévision française en 1963 par Alexandre Astruc. Celle de Matheson n’est cependant pas une trahison dans la mesure où on y retrouve certains grands thèmes de Poe (*) : quête de l’identité, amour d’une femme idéale morte prématurément, angoisse de la rupture de l’ordo rerum, angoisse de mort, peur et folie subvertissant le psychisme du héros. Splendeur plastique de certains décors (le pendule, effectivement utilisé par l’inquisition espagnole, construit par le directeur artistique Daniel Haller pesait environ une tonne) ; prouesses techniques récurrentes du directeur de la photo Floyd Crosby qui apporte à la grande scène du puits et du pendule une touche authentiquement expressionniste en utilisant un objectif grand angle Panavision de 40mm ; interprétation homogène de haute tenue et présence de Barbara Steele : Corman livre un des sommets de la série.

Sur le plan de l’histoire du cinéma mondial, le scénariste italien Ernesto Gastaldi aurait assuré avoir été impressionné par ce titre de Corman que certains producteurs italiens considéraient alors comme une sorte d’étalon à imiter. La trace de son influence fut sans doute plus étendue encore géographiquement : son ouverture pré-générique a probablement inspiré, sur le plan plastique, le générique d’ouverture du Kwaidan (Jap. 1964/1965) de Masaki Kobayashi. Au moins peut-on remarquer leur grande similitude. Une version TV de La chambre des tortures présentée en 1968 par la chaîne américaine ABC comporta une curieuse séquence additionnelle liminaire d’environ 5 minutes rajoutées pour des raisons commerciales de durée d’antenne. Elle était interprétée en vedette par Luana Anders qui reprenait son rôle de Catherine, la soeur de Nicolas Medina : enfermée dans un asile d’aliénés, elle racontait aux autres pensionnaires ce qui l’avait amené à y être incarcérée ; au montage, le film cinéma original de 1961 démarrait à ce moment précis.

La Chambre des tortures

(*) : Concernant la manière dont Edgar Poe utilise les thèmes et les images du roman « gothique » anglais du dix-huitième siècle d’Horace Walpole, Ann Radcliffe, Matthew G. Lewis (et de bien d’autres auteurs aujourd’hui oubliés mais qui eurent leur heure de gloire en Angleterre et quasi-simultanément aux USA au début du dix-neuvième siècle), je renvoie le lecteur à l’article de Maurice Lévy,Edgar Poe et la tradition « gothique », Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux, nouvelle série Caliban V, tome IV, fascicule 1, janvier 1968, pages 35 à 51. Ma seule réserve concerne sa conclusion qui élargit excessivement le terme « psychanalyse » en comparant la monumentale étude de la princesse Marie Bonaparte (1882-1962), Edgar Poe, sa vie- son oeuvre : étude analytique, éditions Denoël & Steele, Paris 1933 puis retirage aux éditions PUF, tomes I, II & III, Paris 1958) aux recherches de Jung et de Gaston Bachelard (bien davantage proches de celles de Gilbert Durand sur l’imagination symbolique et les structures anthropologiques de l’imaginaire que de la psychanalyse, que de celles de Freud).

PS J’ai intégré à cette critique certaines informations dont je ne disposais pas encore lors de sa première parution en 2004 sur la version originale du site internet Ecran Large du cinéma au DVD), ni en version revue en 2008 (sur le blog de Juan Asensio Stalker-Dissection du cadavre de la littérature), ni en version à nouveau revue en 2016 lors de sa projection cinéma dans la section « films classiques » du Festival de Cannes (sur le site fondé par Sandy Gillet Digital Ciné). J’en ai supprimé d’autres, dont l’importance me semble aujourd’hui secondaire ou la mention inutilement redondante. Le lecteur trouvera des éléments complémentaires dans ma critique (parue en 2022 sur Dvdfr.com) du récent coffret Roger Corman d’après Edgar Allan Poe en 8 films. La différence majeure entre le coffret des 8 titres et leur édition individuelle est l’ample livret, uniquement présent dans le coffret.

La Chambre des tortures

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B, édité par Sidonis Calysta le 07 mai 2024. Durée film 80’. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 2.35 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF + VF d’époque. Suppléments : Présentation par Olivier Père + séquence TV rajoutée + Bande-annonce. Le visuel de l’affiche du boîtier reprend celui de certaines affiches américaines et l’affiche d’époque française mais en modifiant ses couleurs originales ; les lettrines du titre sont celles de l’affiche française d’époque.

Bonus - 2,5 / 5

Présentation par Olivier Père (2022, 25’46”) : elle fournit l’essentiel des informations nécessaires à une bonne appréhension du titre et de sa place dans la série. Elle mesure bien les transformations apportées par Matheson à l’histoire de Poe. Je partage le regret de Père concernant le sous-emploi de Barbara Steele par Corman : c’est une des faiblesses du film. Le jeu ici un peu outré de Vincent Price, parfois presque expressionniste, en est une autre. Bonne remarque sur la similitude de construction narrative entre les trois premiers titres de la série. En revanche, je suis plus réservé concernant l’assertion de Père concernant la densité dramaturgique inférieure des personnages féminins au sein de la série Poe, par rapport aux personnages masculins.

Séquence TV ajoutée (5’03”, VOSTF, 1.78 compatible 16/9) : il s’agit d’une curieuse et rare séquence additionnelle d’introduction (de prologue probablement pré-générique) tournée pour une télévision américaine qui voulait augmenter légèrement la durée du métrage cinéma original. Elle est curieuse, assez bien mise en scène, jouée en vedette par Luana Anders, ici prisonnière et qui assure aux autres détenus qu’elle n’est pas folle, que l’histoire qui lui est arrivée est bien réelle. On pouvait déjà la visionner sur le Blu-ray américain édité par Shout Factory vers 2013.

Bande-annonce originale (2’27”, VO) : au format 2.35 respecté, dotée d’un grain un peu supérieur à celui du film de référence, ce qui est bien mais en état argentique moyen, ce qui l’est moins. La voix-off qui la commente fait allusion au rôle tenu en vedette par Barbara Steele l’année précédente dans le premier film fantastique de Mario Bava.

La Chambre des tortures

La Chambre des tortures revient de loin sur le plan des bonus, chez nous comme aux USA. Son histoire, sur ce plan, est typique des dilemmes absurdes que les éditions vidéo numériques successives, durant la période 2000 à 2015, posèrent au spectateur français : on disposait depuis juin 2001, en DVD M.G.M. zone 1 NTSC, d’une image 2.35 compatible 4/3 mais dotée d’un commentaire audio de Roger Corman et d’autres suppléments intéressants alors que le DVD M.G.M. zone 2 PAL, édité en France en octobre 2004, proposa le titre en 2.35 compatible 16/9 (ce qui était mieux) mais sans aucun supplément (ce qui constituait une absurde régression). Le Blu-ray américain Shout Factory édité en 2013 réalisa un autre exploit : offrir d’excellents bonus mais ne plus comporter ni VF d’époque ni VOSTF alors que les DVD MGM zone 1 comme zone 2 en disposaient tous les deux ! En somme, lorsque le Festival de Cannes 2016 rendit justement (bien que tardivement) hommage à ce titre de Corman de 1961, il était encore tout bonnement impossible de trouver une édition Full HD dans des conditions cinéphiles francophones décentes. Cette édition Sidonis Calysta compense enfin partiellement ces lacunes mais je regrette néanmoins l’absence du commentaire audio de Corman (c’était pourtant l’occasion de le proposer enfin en VOSTF) et l’absence de la galerie affiches et photos, évidemment tous deux proposés sur l’édition américaine Blu-ray de 2013.

La Chambre des tortures

Image - 5,0 / 5

Full HD 1080p AVC, au format original 2.35 respecté et compatible 16/9, en Scope-couleurs : copie argentique restaurée en très bon état. Transfert vidéo qui élimine les défauts de l’ancienne édition DVD zone 2 Pal (rémanences de noir dans certains plans, bruit vidéo sur les plans d’ensemble). La direction de la photographie en Panavision CinemaScope de Floyd Crosby, le procédé couleur Pathécolor, tout cela est correctement restitué : célèbre utilisation des filtres monochromes et des travellings mais aussi d’un objectif Panavision grand angle de 40 mm capable de restituer l’ampleur des décors du puits et du pendule. Le générique argentique ne comporte pas d’article défini au début du titre alors qu’il est lisible sur le matériel publicitaire américain (affiches et photos d’exploitation) et sur le titre du conte original de Poe.

La Chambre des tortures

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF + VF d’époque : offre complète, nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VOSTF est techniquement plus satisfaisante que la VF d’époque, comme souvent. Elle comporte moins de souffle, dispose d’un relief sonore supérieur. Les effets sonores sont soignés et participent parfois intensément au suspense. La VF d’époque est dramaturgiquement soignée. Musique, parfois dodécaphonique, composée par Les Baxter.

Crédits images : © American International Pictures, Alta Vista Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 24 mai 2024
Second titre de la série Edgar Allan Poe, ici adapté d’une manière spectaculaire par Richard Matheson et Roger Corman et respectant, néanmoins, l'esprit du conteur.

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