Le Corbeau (1963) : le test complet du Blu-ray

The Raven

Master haute définition

Réalisé par Roger Corman
Avec Vincent Price, Peter Lorre et Boris Karloff

Édité par Sidonis Calysta

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 23/05/2024
Critique

Comédie fantastique écrite par Richard Matheson pour la série Edgar Poe de Corman.

Le Corbeau

Angleterre, en 1506. Le sorcier Erasmus Craven, se croyant veuf de son épouse Lénore, reçoit la visite d’un étrange corbeau : c’est le magicien Bedlo victime d’un sort jeté par le sorcier Scarabus. Craven lui rend forme humaine. En remerciement, Bedlo lui révèle avoir vu Lénore vivante chez Scarabus. Erasmus et Bedlo se rendent au château de Scarabus afin de lui demander des comptes : démarche périlleuse qui enclenche bientôt un mémorable duel de magiciens.

Sorti à Paris en novembre 1968 avec 5 ans de retard, Le Corbeau (USA janvier 1963) de Roger Corman est une curieuse comédie fantastique qui entretient davantage de liens thématiques avec The Undead (USA 1956) de Roger Corman - dont l’action se déroulait en partie au moyen-âge et mettait en scène une sorcière - qu’avec la série Edgar Poe, en dépit de son argument, de son casting et de certains de ses décors. Corman souhaitait tenter l’expérience d’une comédie à la suite de la bonne réception critique et commerciale du sketch central Le Chat noir (*) dans son triptyque L’Empire de la terreur (Tales of Terror, USA 1962) : l’écrivain Richard Matheson et lui y avaient inséré des éléments comiques tout en mélangeant un simple fragment de son histoire originale avec celle de Poe intitulée La barrique d’Amontillado / La tonne d’Amontillado. Le duo Vincent Price et Peter Lorre avait, à cette occasion, dramaturgiquement bien fonctionné.

Reste que, du propre aveu de Richard Matheson, Le Corbeau n’est absolument pas une adaptation du célèbre poème mélancolique d’Edgar Poe (paru en 1845 aux USA et chez nous traduit en prose par Charles Baudelaire avec quelques variantes entre 1853 et 1859) dont il reprend le titre (**). Bien sûr on y voit un corbeau (c’était la moindre des choses) doué de la capacité de parler, et une initiale tristesse provoquée par la perte à jamais de la belle Lénore mais ce sont de simples signes ne renvoyant plus au sens du poème : ils sont ici simplement transposés dans une continuité nouvelle qui leur confère un tout autre sens. Le nom Bedlo du personnage joué par Peter Lorre, évoque, pour sa part, le protagoniste principal d’un autre conte d’Edgar Poe, Les souvenirs de monsieur Auguste Bedloe (publié en 1844 et traduit par Baudelaire en 1856) mais là aussi, la référence de Corman et Matheson est purement homonymique, réservée auxhappy few cultivés car Matheson fait implicitement allusion, en supprimant le « e » final du nom du personnage joué par Peter Lorre, à la discussion non moins finale du conte de 1844 concernant son orthographe.

Le Corbeau

On peut relever, chez Matheson, un intérêt évident pour les contes de Poe mettant en scène le magnétisme, l’envoûtement et l’hypnotisme, donc ceux menaçant l’intégrité de la personnalité : l’année précédente, il avait adapté (**)L’étrange cas de monsieur Valdemar et en avait fait l’ultime conte du si remarquable triptyque qu’est L’Empire de la terreur. De fait, une partie non négligeable du suspense et des instants d’angoisse à l’oeuvre, par-delà son emballage comique apparent, dans Le Corbeau repose bien sur la question de savoir qui contrôle la volonté de qui, donc sur la question de l’identité et de la personnalité. La menace qui pèse sur la personnalité des protagonistes, à partir du moment où la lutte contre Scarabus est entamée, contrebalance en profondeur l’effet comique, distille une sourde angoisse et maintient le film dans l’esprit de Poe qui ne dédaignait nullement le genre comique qu’il subvertissait de la sorte : plusieurs Histoires extraordinaires, Nouvelles histoires extraordinaires, Histoires grotesques et sérieuses traduites par Baudelaire en témoignent assez. Casting célèbre rassemblant Vincent Price, Boris Karloff et Peter Lorre : on raconte que ce dernier aimait improviser alors que Karloff s’en tenait strictement au scénario et que Price adoptait une position équilibrée. Hazel Court est, certes, toujours aussi belle mais cependant moins bien employée qu’en 1962 et 1964 car son rôle demeure assez fonctionnel. Les décors du château de Scarabus furent utilisés, deux jours avant leur destruction, pour le tournage de séquences avec Boris Karloff et Jack Nicholson ensuite intégrées dans l’expérimental L’Halluciné (Le château de la terreur / The Terror, USA 1963) de Roger Corman.

NOTES

(*) Ne pas confondre ce sketch central de 1962 (qui est un moyen-métrage) avec les longs métrages cinématographiques homonymes (USA 1934) d’Edgar G. Ulmer et (Ital. 1981) de Lucio Fulci sans parler des téléfilms et des épisodes de séries TV (par exemple celui de Stuart Gordon, USA 2007).

(**) Cette utilisation sémantique et purement référentielle du titre de Poe caractérisait déjà la production fantastique Universal surréaliste qu’était Le Corbeau (USA 1935) de Louis Friedlander./ Lew Landers.

Le Corbeau

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray BD-50 région B, édité par Sidonis Calysta le 05 mars 2024. Durée film 80’. Images couleurs Full HD 1080p AVC au format original 2.35 respecté et compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF + VF d’époque. Suppléments : Présentation par Olivier Père + Richard Matheson conteur d’histoires + Corman et la comédie de Poe + Bande-annonce. Belle illustration de jaquette qui reprend le visuel des affiches originale.

Bonus - 4,0 / 5

Présentation par Olivier Père (2022, 25’28”) : bonne dans l’ensemble, mettant bien en valeur l’originalité du titre, sa filiation avec les titres antérieurs (par exemple les comédies fantastiques de 1959 et 1960 tournées juste avant la série Poe, par exemple le sketch central du triptyque de 1962 appartenant à cette série) mais attention à un point non négligeable d’histoire du cinéma : ce n’est pas ce titre de Corman de 1963 qui constitue la naissance de la parodie fantastique, contrairement à ce que dit Père. La parodie fantastique a toujours existé : voir, par exemple, la série des comédies fantastiques d’Abott et Costello dans les années 1944-1954.

Richard Matheson, conteur d’histoires par Greg Carson (« Richard Matheson, Storyteller », 2003, 6’34”, VOSTF) : bonus qu’on trouvait déjà sur l’édition DVD MGM NTSC zone 1 de 2003 et qui est intéressant en dépit de sa brièveté. Matheson y confirme qu’il n’a jamais voulu adapter le poème de Poe mais qu’il lui a simplement servi de point de départ matériel pour une histoire bien différente, qui plus est une comédie. En illustrations, quelques extraits du film.

Corman et la comédie de Poe par Greg Carson (« Corman’s Comedy of Poe », 2003, 8’11”, VOSTF) : bonus provenant également de l’édition DVD MGM NTSC zone 1 de 2003 dans lequel Corman revient d’une manière assez pointue sur cette comédie fantastique. Quelques extraits du film en illustration.

Bande-annonce originale (2’26”, VO) : en état argentique moyen mais donnant une excellente idée du film.

Les deux entretiens avec Matheson et Corman proviennent de l’édition Shout Factory de 2014 : c’est bien de les avoir inclus car ce sont des témoignages de première main d’histoire du cinéma mais pourquoi ne pas avoir ajouté en VOSTF le commentaire audio de Steve Haberman et son ample galerie affiches et photos ? Deux occasions ratées qui empêchent cette édition spéciale d’accéder au rang d’édition collector.

Le Corbeau

Image - 4,0 / 5

Full HD 1080p AVC, au format original 2.35 respecté et compatible 16/9, en Scope-couleurs. Quelques rares poussières négatives et positives mais continuité argentique globalement très bien nettoyée. Bon transfert numérique haute définition rafraîchissant les couleurs de la photographie de Floyd Crosby. Quelques plans de l’incendie du château de Scarabus proviennent, en réalité, de l’incendie final de La Chute de la Maison Usher (USA 1960) de Roger Corman.

Le Corbeau

Son - 4,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF + VF d’époque : offre complète, nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VOSTF comporte moins de souffle, dispose d’un relief sonore supérieur à celui de la VF d’époque. Cette dernière est certes honnête mais il faut préférer la VOSTF à cause des voix originales de Vincent Price et Peter Lorre, inimitables.

Crédits images : © American International Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

3,0
5
0
4
0
3
1
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
francis moury
Le 24 mai 2024
Comédie fantastique oscillant entre inquiétude névrotique, ironie, humour et rire, écrite par Richard Matheson pour la série Edgar Poe de Corman, à partir de l'argument du poème de Poe mais, pour le restant, originale. En dépit de son apparence légère, elle n'est pas si innocente et appartient donc de plein droit à la "série Edgar Poe" produite par Corman.

Lire les avis »

Multimédia

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)