L'Oasis des tempêtes (1957) : le test complet du Blu-ray

Film fantastique d’une récurrente beauté plastique signé par un honorable artisan du genre.

USA 1957 : une expédition navale militaire, accompagnée d’une belle journaliste scientifique, doit établir la topographie d’une curieux lac réchauffé en plein continent polaire Antarctique. Alors que leur hélicoptère Sikorsky S-51 s’y dirige, il est pris dans une tempête qui l’entraîne dans un profond cratère. L’équipage y survit et découvre un monde préhistorique miraculeusement préservé mais habité par de redoutables dinosaures. Il y découvre aussi le survivant d’une expédition antérieure, disparu des années plus tôt. Ensemble, pourront-ils réussir à s’échapper ?

L’Oasis des tempêtes (The Land Unknown, USA 1957) de Virgil Vogel (1919-1996) est une variation sur le thème du roman anglais Le Monde perdu d’Arthur Conan Doyle, édité en 1912 à Londres puis adapté au cinéma en 1925 par Harry Hoydt, en 1960 par Irwin Allen sans oublier les nombreux scénarios de films fantastiques qui l’illustrèrent sans le mentionner, à commencer par le classique de M. C. Cooper et E. B. Schoedsack en 1933. Le scénario de 1957 y ajoute deux autres thèmes : celui de la problématique de l’évolution du climat (le dialogue se demande si ce monde préhistorique préservé est le résultat d’un réchauffement climatique ou bien l’avatar isolé d’un refroidissement) et celui de la régression humaine (le survivant de l’expédition des années 1940 a relativement régressé et les degrés de sa régression sont soigneusement montrés).

Tout comme Le Peuple de l’enfer (The Mole People, USA 1956) de Virgil W. Vogel, L’Oasis des tempêtes est produit par William Alland et ses effets spéciaux sont signés par Clifford Stine, deux noms importants au générique des films fantastiques Universal durant la période 1950-1960, notamment ceux signés par le cinéaste Jack Arnold. Ce dernier travailla d’ailleurs à la pré-production de L’Oasis des tempêtes mais il se retira du projet lorsque la Universal décida d’amputer le budget. Reste que l’aspect matériel de ce Vogel de 1957 est supérieur à celui de son précédent titre de 1956. La composition des plans d’ensemble en CinemaScope, alliant créatures préhistoriques, végétation démesurée, espace aquatique et être humains, recèle une belle poésie plastique jouant sur de très beaux décors, un travail soigné sur la profondeur de champ et une belle lumière dégradée par un angoissant brouillard. Les monstres sont aussi bien animés (ou simplement filmés dans le cas quasi documentaire du combat de deux lézards Varanus) que ceux de Willis O’Brien et Ray Harryhausen. Leur vision - quelles que soient les techniques utilisées par Vogel et Stine : animation, costume, animaux réels augmentés d’échelle optique - relève autant du cauchemar que de la paléontologie. Le plus original d’entre eux demeure la mystérieuse et silencieuse plante carnivore géante (alliage fantastique d’une araignée et d’une pieuvre) qui menace l’érotique Shirley Patterson (créditée « Shawn Smith » au générique et sur les affiches, y compris sur l’affiche française d’époque). Un savoureux détail d’histoire du cinéma, s’il est confirmé : le cri du Tyrannosaure de L’Oasis des tempêtes aurait été repris au mixage sonore de plans du Duel (USA 1971) de Steven Spielberg et de plans de Les Dents de la mer (Jaws, USA 1975) de Steven Spielberg. Notez que Spielberg avait débuté à la télévision en 1970 au moment où Vogel y connaissait son âge d’or en tant que réalisateur de séries TV : je renvoie ici le lecteur aux souvenirs enregistrés de Spielberg dans les bonus vidéo des éditions DVD et Blu-ray Universal de Duel.

L’Oasis des tempêtes est l’ultime film cinéma de Virgil Vogel en tant que réalisateur : il se consacrera à partir de 1959 et durant les trente-cinq années suivantes (jusqu’en 1996 date de sa mort) entièrement aux téléfilms et séries TV. C’est sans doute dommage (même si Vogel fut un honorable réalisateur et signa quelques épisodes de certaines des meilleures séries TV américaines telles que Mission: Impossible - durant les saisons 4, 5 et 7 de 1970 à 1973) car ce titre de 1957 autorisait à le considérer comme un des espoirs du genre. Non seulement L’Oasis des tempêtes héritait de ce que André Bazin nommait « les vertus anonymes de la tradition » mais encore il les actualisait sans les trahir. Si on ne devait retenir qu’un seul des deux titre de sa très brève filmographie sélective fantastique, il faudrait certainement choisir celui-là.

Edition combo contenant 1 Blu-ray BD25 multi-régions ABC + 1 DVD édités par Eléphant Films, le 11 juillet 2023. Image N&B au format CinemaScope 2.35 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio VOSTF + VF d’époque 2.0 mono. Durée cinéma film : 78 min. environ (sur Blu-ray). Suppléments : présentation du film par Fabien Mauro + bande-annonce originale + bandes-annonces de la collection. Jaquette réversible présentant une mignonne affiche américaine originale. Mêmes jolies petites photos N&B de plateau sur les deux jaquettes. On aurait toutefois pu reproduire la belle affiche originale française d’époque, aux mignonnes couleurs vives et à l’esthétique naïve.

Présentation du film par Fabien Mauro (23 min. environ) : couvrant divers aspects d’une manière précise et informée : bio-filmographie du cinéaste Virgil Vogel, acteurs principaux, trucages et effets spéciaux, situation du titre dans l’histoire du genre et dans l’histoire du cinéma, bandes-dessinées adaptées du film. Bien illustrée par de nombreuses affiches (photographiées suffisamment grandes : le fait mérite d’être noté) et des photos de plateau, ainsi que quelques photos de production montrant divers cinéastes s’étant illustré dans le fantastique chez Universal durant les années 1950.

Bande-annonce originale (VOSTF, durée 2 min. 10 secondes environ) : en mauvais état argentique et recadrée en 1.78 mais c’est un document tout de même intéressant.

Bandes-annonces : section comportant quelques films fantastiques Universal, aux formats et en états argentiques et numériques variés.

Honorable édition spéciale. Le cinéphile anglophone souhaitant accéder à des bonus supplémentaires (commentaire audio et galerie affiche et photos) pourra se reporter à l’édition américaine Kino Lorber de 2019.

N&B au format large original CinemaScope respecté en 2.35 compatible 16/9, reporté en Full HD 1080p AVC. Mis à part une dizaine de plan « stock-shots » en état parfois médiocres et provenant d’autres sources (informations et documentaires) rapportés à la continuité originale, et quelques instabilités d’émulsion ou de transfert numérique sur deux ou trois plans, la copie argentique est dotée d’une bonne définition, d’un bon contraste, d’une bonne gestion des noirs.

Son DTS-HD Master Audio VOSTF + VF d’époque 2.0 mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Aucun défaut technique relevé sur les deux pistes, mis à part, sur la VO, une occasionnelle et légère différence de niveau sonore d’une séquence à l’autre. Bonne VF d’époque aux belles voix bien adaptées, au sous-titrage bien proportionné. Musique impersonnelle mais soignée.

Crédits images : © Universal International Pictures