Meurtres dans la 110e Rue (1972) : le test complet du Blu-ray

Across 110th Street

Combo Blu-ray + 2 DVD

Réalisé par Barry Shear
Avec Anthony Quinn, Yaphet Kotto et Anthony Franciosa

Édité par Rimini Editions

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Le 15/01/2024
Critique

Film noir policier américain âpre et brutal, influencé par le documentaire et le cinéma expérimental.

Meurtres dans la 110è rue

USA, New York 110ème rue, 1972 : alors qu’ils contrôlent l’argent des loteries clandestines du quartier noir de Harlem, des comptables de la mafia sont victimes d’une attaque qui tourne au massacre et se solde par un vol de 300 000 US$. Les voleurs sont recherchés par la police mais aussi par le syndicat du crime qui a mis leur tête à prix.

Sorti à Paris le 09 août 1973, Meurtres dans la 110ème rue (Across 110th Street, U.S.A. 1972) de Barry Shear relève en partie du courant blacksploitation mais le surpasse par son ambition native : il faut aujourd’hui davantage le considérer comme un classique du film noir policier américain indépendant. Sa réception critique française fut mitigée (certains ne pardonnaient alors pas à Shear d’avoir abandonné le cinéma d’art et d’essais pour servir momentanément le cinéma populaire) mais sa carrière commerciale sur les écrans parisiens fut, en revanche, très longue : on pouvait encore le visionner plus de 10 ans après sa sortie, aussi bien en VF d’époque dans les circuits double-programme que, en VOSTF, dans les salles Arts et essais.

Le scénario, adapté d’un roman de Wally Ferris, était empreint d’une âpre brutalité efficacement traduite à l’écran. La 110ème rue de New York est la limite géographique séparant le Nord de Central Park et le Sud de Harlem : sa mention dans le titre du livre comme du film était à la fois pertinente sur le plan géographique et symbolique sur le plan social puisqu’elle constituait une sorte de ligne de démarcation entre quartier riche et pauvre, blanc et noir. L’acteur Anthony Quinn et le cinéaste Barry Shear furent des producteurs exécutif attentifs et intelligents : Meurtres dans la 110ème rue fut ainsi l’un des premiers films tournés avec une caméra Arriflex 35BL, légère, maniable et assez silencieuse pour pouvoir enregistrer en son direct. Quinn songeait initialement, concernant le casting noir, à certains acteurs d’Hollywood mais il y renonça dès qu’on lui objecta qu’ils n’auraient pas l’authenticité sociologique exigée par le lieu principal de l’action. Quinn n’avait pas l’idée de jouer l’un des rôles en vedette, celui d’un des deux commissaires de police : c’est parce que des acteurs aussi célèbres que lui (on cite Burt Lancaster, Kirk Douglas, John Wayne) avaient refusé le rôle qu’il décida de l’interpréter. Le soin accordé aux détails fut non moins remarquable : le pistolet-mitrailleur Smith & Wesson M76 (calibre 9mm Parabellum) était alors une arme, en dotation réglementaire depuis 1967, auprès des unités de commando de marine SEALS qui servaient au Viêt-Nam. On la reverra l’année suivante dans un autre film noir policier remarquable, à savoir Le Cercle noir ( The Stone Killer, USA 1973) de Michael Winner où un tueur à gages blanc ancien du Viêt-Nam l’utilise pour tuer un gangster noir lui aussi vétéran du Viêt-Nam.

Meurtres dans la 110ème rue s’avère être un film policier réalisé par un révolté, au suspense tendu, à la sincérité écorchée, alternant mise en scène fonctionnelle et mise en scène originale. Shear refuse constamment le formalisme dont il est naturellement capable. Il le met ici, lorsqu’il l’adopte, entièrement au service d’une narration linéaire, rigoureuse, simple qui atteint plus d’une fois au lyrisme le plus authentique. Sa direction d’acteurs (on n’oublie pas Paul Benjamin ni Anthony Franciosa : tous deux crèvent l’écran chaque fois qu’ils apparaissent) demeure intense et son montage est d’une belle tenue : sa tension constante, sa violence graphique demeurent, encore aujourd’hui, impressionnantes. Une anecdote cinéphile savoureuse et peu connue en France : selon The Elvis Encyclopedia (éditions Duckworth Publishing, USA 2008), Meurtres dans la 110ème rue était l’un des films préférés d’Elvis Presley qui en connaissait par coeur les dialogues.

Meurtres dans la 110è rue

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray BD50 multirégions ABC + 1 DVD9 + 1 DVD Bonus édités en combo par Rimini le 16 janvier 2024. Image format large respecté 1.85, couleurs De Luxe, compatible 16/9, en 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF + VF d’époque en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Durée cinéma du film 102 min. environ (sur Blu-ray). Bonus : « Le Nihilisme de Barry Shear » par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (2023, 32’41”) + « La Blaxploitation » par Jean-Baptiste Thoret (2023, 17’42”) + « L’Enfer de New York » par Samuel Blumenfeld (2023, 31’41”) + « Signé Bobby Womack » par Olivier Cachin, spécialiste des musiques urbaines (2023, 18’20”) + Bande-annonce (2’50”, VO).Notez que l’image servant d’illustration sérigraphique sur les disques n’appartient pas à la continuité filmique montée mais à son matériel publicitaire d’époque. On la retrouvait déjà sur la sérigraphie de l’ancien disque américain 45 tours comportant la chanson du générique d’ouverture.

Meurtres dans la 110è rue

Bonus - 4,0 / 5

« Le Nihilisme de Barry Shear » par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (2023, 32’41”) : bonne critique qui examine les divers aspects du film (sociologique, historique, politique, esthétique, casting, genèse, tournage) et note les raisons pour lesquelles le film ne relève pas autant du courant Blacksploitation qu’on pourrait le croire.

« La Blaxploitation » par Jean-Baptiste Thoret (2023, 17’42”) : titre trompeur car on ne trouvera ici aucune histoire thématique ni esthétique de cette catégorie populaire et un peu surréaliste du film noir policier américain. Il y a d’ailleurs plus d’affiches de films « Blacksploitation » montrées dans le bonus consacré par Olivier Cachin à la musique du film que dans celui-ci. Thoret répète certains arguments déjà entendus dans le bonus précédents puis esquisse une histoire noire parallèle du cinéma américain mais elle est rapide et schématique. Il y manque bien des éléments (par exemple les rôles tenus par des acteurs tels que James Edwards et Woody Strode dès les années 1950-1960),

« L’Enfer de New York » par Samuel Blumenfeld (2023, 31’41”) : non seulement c’est un bon complément mais il faudrait en réalité commencer par visionner ce bonus : genèse de la production, casting initialement imaginé par Quinn, rapports du Harlem des années 1970 avec la ville de New York et avec les émeutes raciales aux USA en 1960-1970, résumé filmographique sur Barry Shear, mention de Fouad Saïd comme producteur spécialisé dans les tournages en extérieurs. Autant de clés permettant ensuite de mieux profiter des commentaires de Thoret qui les suppose, en fait, déjà connus.

« Signé Bobby Woomack » par Olivier Cachin(2023, 18’20”) : ce « spécialiste des musiques urbaines » évoque la vie musicale postérieure du morceau entendu durant le générique d’ouverture (et qui sera plus tard repris en 1997 par Quentin Tarantino dans son film hommage à Pam Grier et à la Blacksploitation), puis il examine diverses musiques célèbres relevant pour leur part directement de la « Blacksploitation » cinématographique.

Bande-annonce(2’50”, VO) : bien montée et un peu longue, comme on les aimait à l’époque. Attention, elle révèle pas mal de plans de violence graphique donc ne pas la visionner avant d’avoir vu le film sans quoi on supprimerait l’effet de surprise. C’est le seul bonus constituant un document d’histoire du cinéma au sens strict. On aurait pu y adjoindre une galerie affiches et photos.

Meurtres dans la 110è rue

Image - 4,0 / 5

Format 1.85 respecté en 16/9 compatible 16/9, en couleurs De Luxe. Image restaurée et nettoyée correspondante à celle éditée en Blu-ray par Kino Lorber en 2014 aux USA  : on peut oublier celle de l’ancien DVD zone 2 PAL français édité en 2005 par MGM qui était moyenne et parfois sale. Ici, la définition, le contraste, la colorimétrie sont nettement améliorées. Reste que la profondeur des noirs, le niveau d’encodage des détails, le niveau même du grain pourraient encore être améliorés.

Son - 4,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo mono d’origine pour la VOSTF comme pour la VF d’époque (techniquement en un peu moins bon état que la VO) qui est bonne mais modifie un peu certains dialogues sans jamais cependant en trahir le sens. Elles sont historiquement complémentaires car c’est surtout dans les salles de cinéma de quartier (VF) que la carrière de ce remarquable film de Shear se prolongea bien longtemps après sa sortie en exclusivité. Belle musique de J.J. Johnson (dont une chanson spécialement composée pour le générique d’ouverture du film par Johnson et Bobby Woomak).

Crédits images : © Film Guarantors

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 16 janvier 2024
Film noir policier américain âpre et brutal, influencé par le documentaire et le cinéma expérimental.

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