Elena et les hommes (1956) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Jean Renoir
Avec Ingrid Bergman, Jean Marais et Mel Ferrer

Édité par Gaumont

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Le 27/07/2012
Critique

Elena est une princesse polonaise en exil, dont le péché mignon est de porter chance aux hommes. Elle mène ainsi au faîte des honneurs le compositeur Lionel, s’éprend d’un fringant général, et le suit jusqu’au fin fond d’une ville de garnison et participe indirectement à la tentative de coup d’État menée par l’hésitant militaire.

Après l’énorme succès populaire de French Cancan, Jean Renoir a les mains libres pour son film suivant. Désireux d’aider son amie Ingrid Bergman à retrouver les faveurs des spectateurs, le cinéaste décide de lui écrire un rôle sur mesure en usant des mêmes ficelles que son précédent film. Parallèlement, Jean Renoir est férocement décidé à conquérir les Etats-Unis malgré l’échec cinglant de sa carrière américaine. Pour une fois, il signe seul le scénario et les dialogues du film, demande à son neveu Claude, son chef opérateur, de créer un magnifique Technicolor, et s’inspire pour l’histoire de la vie du général Boulanger, bien que le scénario soit finalement épuré de réelles allusions au personnage. Pour la carrière internationale du film, il décide de tourner ses scènes en français, puis en anglais. Si Mel Ferrer et Ingrid Bergman n’ont évidemment aucun problème avec la langue de Shakespeare, les autres comédiens français bredouillent quelques mots et en sont amenés à apprendre leurs répliques phonétiquement. Les retards s’accumulent, Renoir décide d’abandonner le tournage des scènes en anglais et de s’en occuper ultérieurement en ayant recours à la postsynchronisation. Les prises de vue touchent à leur fin, tout est long, pénible et laborieux pour les comédiens et le metteur en scène.

Parti aux Etats-Unis pour trois semaines afin de s’occuper du doublage de son film, Jean Renoir ne sera finalement pas de retour avant trois mois. Préoccupé par la version anglaise de son film, le cinéaste ne se donne même pas la peine d’assister à la Première parisienne. Elena et les hommes sort aux Etats-Unis et en Europe, c’est un échec retentissant. Le rêve américain de Renoir s’effondre définitivement. Ingrid Bergman est remise en selle non pas grâce à Elena et les hommes mais grâce au film d’Anatole Litvak, Anastasia, pour lequel elle remporte l’Oscar, le David di Donatello et le Golden Globe de la meilleure actrice.

Rétrospectivement, Elena et les hommes est sans aucun doute l’un des plus mauvais films de Jean Renoir. Même si la photo de Claude Renoir demeure un émerveillement pour les yeux et que les scènes de foule en liesse impressionnent toujours autant, l’histoire souffre d’un réel enjeu, demeure poussive et s’épuise progressivement. On ne retrouve la griffe de Jean Renoir qu’à de très brèves occasions, à l’instar de la séquence se déroulant au château rappelant évidemment La Règle du jeu, les personnages principaux ne sont jamais intéressants notamment celui incarné par le très lisse Mel Ferrer, Ingrid Bergman brasse du vent, Jean Marais porte bien l’uniforme mais n’en fait rien. Heureusement, le spectateur est tiré de sa léthargie grâce aux seconds rôles (Jean Richard, Jacques Jouanneau, Magali Noël) qui pourtant n’apportent absolument rien à l’histoire mais qui finalement demeurent les seuls dont on se souvienne vraiment après la projection.

Présentation - 4,5 / 5

De la jaquette en passant par l’élégance des menus et la restauration du film lui-même, saluons le travail de l’éditeur qui n’a pas son pareil pour offrir au spectateur un bel objet à ranger dans sa collection Gaumont Classique.

Bonus - 3,5 / 5

Outre la bande-annonce de French Cancan, disponible dans la même collection, nous retrouvons un documentaire rétrospectif de 43 minutes intitulé Elena, le rêve américain de Jean Renoir. Les témoignages de Pascal Mérigeau (auteur d’un livre sur Jean Renoir), Olivier Curchod (historien du cinéma et spécialiste de Jean Renoir), Guy Cavagnac (assistant de Jean Renoir de 1962 à 1968), Claude de Givray (critique, scénariste) et Claude Gautheur (auteur de l’ouvrage D’un Renoir à l’autre) se succèdent et replacent Elena et les hommes dans la carrière de Jean Renoir. Chacun s’exprime sur le casting (le film devait relancer la carrière d’Ingrid Bergman), le contexte d’Elena et les hommes (Renoir rêvait encore de conquérir l’Amérique avec ce film malgré son échec à Hollywood), le tout étant illustré par des photos du tournage et quelques anecdotes. On y apprend entre autre que Renoir a perdu beaucoup de temps à réaliser quelques séquences en français puis en anglais (pour le marché international) mais que le réalisateur se décida finalement à s’occuper de la version anglaise en postproduction, pendant plus de trois mois. L’aspect politique est mis en exergue (l’histoire est fortement inspirée de la vie de l’officier général Boulanger) et chacun des interlocuteurs admet qu’Elena et les hommes est loin d’être le meilleur film de Jean Renoir. En effet, c’est assez rare pour le signaler, quelques réserves et même certaines critiques négatives émaillent ce documentaire. Ce segment se clôt sur l’évocation de l’échec critique et commercial du film des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que par la présentation des écrits, souvent oubliés, de Jean Renoir.

Image - 4,5 / 5

Magnifiquement restauré, le master HD d’Elena et les hommes est une vraie merveille, restituant au Technicolor ses teintes flamboyantes et sa luminosité. Les teintes rouge, jaune, bleue, verte sont éclatantes et la séquence du défilé du 14 juillet enflamme littéralement l’écran. D’une propreté absolue, ce master plein cadre respecté en met plein la vue avec ses contrastes affirmés, son piqué étonnant et son relief inattendu des scènes de foule. La compression AVC consolide l’ensemble malgré quelques sensibles pertes de la définition et de menus décrochages sur les menus enchaînés. La photo riche et colorée de Claude Renoir, neveu du réalisateur, retrouve une nouvelle jeunesse, le grain original est respecté sans lissage excessif, la copie est stable et la profondeur de champ impressionnante. Ce lifting numérique est une fois de plus sensationnel.

Son - 4,0 / 5

La piste DTS-HD Master Audio mono 1.0 n’est certes pas exempt de sensibles saturations, résonances et de quelques répliques qui paraissent étouffées, mais les conditions acoustiques sont remplies. La musique est dynamique, aucun souffle n’est à déplorer, et la cacophonie chère à Jean Renoir est bien délivrée. L’ensemble est clair et distinct, la propreté est de mise. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm