Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès en couleurs + Le voyage extraordinaire (1902) : le test complet du Blu-ray

Version Restaurée

Réalisé par Georges Méliès

Édité par Lobster Films

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Avatar Par
Le 04/07/2012
Critique

En 1902, Georges Méliès tourne Le Voyage dans la Lune, dont nous connaissons tous l’image célèbre de l’obus dans l’oeil. Ce film muet, tourné en noir et blanc, fut le premier succès mondial de l’histoire du cinéma, l’équivalent de Avatar aujourd’hui, et le chef-d’oeuvre de Méliès, l’inventeur des effets spéciaux et le premier magicien du cinéma.

La découverte d’une miraculeuse copie en couleurs, malheureusement partiellement décomposée, est le début d’une épopée pour retrouver l’éclat incomparable de ce joyau. Le Voyage dans la Lune a été restauré par Lobster Films, la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du Cinéma. Une aventure de cinéma sans précédent, la restauration la plus ambitieuse jamais entreprise pour un film.

Le Voyage extraordinaire, réalisé par Serge Bromberg et Éric Lange, raconte l’incroyable épopée du film de Méliès, de son tournage à sa gloire mondiale, puis l’oubli des années 20, jusqu’au miracle de sa découverte et son incroyable résurrection. En apothéose, vous découvrirez en exclusivité la version restaurée inédite du Voyage dans la Lune dans ses couleurs d’origine, telle qu’elle fut présentée en première mondiale en ouverture du Festival de Cannes 2011.

Georges Méliès (1861-1938) est l’inventeur du cinéma populaire et a réalisé plus de 550 courts métrages en 17 ans. A l’occasion des 70 ans de sa mort, la Cinémathèque Française avait organisé une immense exposition intitulée Georges Méliès, Magicien du Cinéma. Films de magie avec effets spéciaux, films de science-fiction, de poursuite, films réalistes, coloriés, films de reconstitution d’actualité se sont enchainés pendant des années.

Cinéaste de l’illusion, de l’artifice et de la magie, Georges Méliès est le créateur du spectacle cinématographique. Tandis que les frères Lumière inventent le documentaire en filmant la réalité, Méliès devient le premier réalisateur et créateur du premier studio de cinéma (à Montreuil). Précurseur des effets spéciaux, de la science-fiction et conteur né, Méliès passe sa vie à expérimenter toutes les possibilités du Cinématographe en réalisant de nombreux trucages qu’il créait déjà à l’époque où il dirigeait et se produisait au Théâtre Robert Houdin. Ses films, inspirés entre autre par les Voyages extraordinaires de Jules Verne et par les histoires fantastiques d’H.G. Wells, explorent souvent les grands thèmes du genre fantastique : le savant fou, la machine, les véhicules divers… Méliès demeure à jamais le père des effets spéciaux et le roi du divertissement.

Après L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, Serge Bromberg, producteur, réalisateur, directeur artistique, animateur de télévision et directeur de collection, s’associe avec Eric Lang pour Le Voyage extraordinaire et dresse le portrait et la carrière de Georges Méliès. Parfaite introduction au Voyage dans la Lune, cette excursion dans l’univers fantaisiste et poétique du cinéaste donne la parole à de nombreux adeptes (Jean-Pierre Jeunet, Michel Gondry, Tom Hanks qui a produit et interprété la série De la Terre à la Lune en 1998, dans laquelle il interprète Méliès) mais également aux magiciens ayant sué sang et eau pour redonner vie à la version colorisée du Voyage dans la Lune de Georges Méliès. Nous n’énumérerons pas ici toutes les étapes ayant été nécessaires pour restaurer le film disponible en fin de programme, mais toutes les explications techniques données ici demeurent absolument passionnantes et indispensables pour tous les amoureux du Septième Art.

Le Voyage dans la Lune : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l’obus lors du voyage de retour.

Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Le Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l’UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 110 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s’agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l’alunissage avec l’obus éborgnant l’astre. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.

Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l’histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d’émerveillement.

Méliès s’inspire ici du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l’oeil, carton-pâte, projections, perspective… et la caméra ne bouge jamais ! La partie n’était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s’étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste.

Le Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis. Drôle, fantaisiste, poétique, l’oeuvre de Méliès sera un succès mondial et copié immédiatement par d’autres cinéastes. Pour cette nouvelle version colorisée, le groupe AIR a composé une nouvelle partition qui, si elle peut tout d’abord décontenancer, se révèle aussi aérienne que psychédélique, et s’incorpore tout naturellement au trip conçu par Méliès. Ceux qui ne seront pas du même avis, n’auront qu’à couper le son puisque la magie demeure malgré tout.

Présentation - 4,0 / 5

La jaquette est glissée dans un boitier classique. Le visuel reprend évidemment la fameuse Lune éborgnée par le boulet de canon. Signalons le soin tout particulier apporté au menu principal animé et musical, qui propose de visionner le film dans son ensemble (le documentaire accompagné du Voyage dans la Lune) ou séparément, le documentaire (63’) ou le film de Méliès colorisé (15’35”). La sérigraphie du Blu-ray est ingénieuse avec le trou du disque qui se positionne au niveau de l’oeil crevé de la Lune.

Bonus - 3,5 / 5

L’éditeur propose de (re)découvrir Le Voyage dans la Lune dans sa version originale N&B. Trois options acoustiques sont disponibles : visionner le film avec une version orchestre + boniments, dans une version orchestre seul, ou bien avec l’accompagnement au piano seulement. Sélectionnez la version avec les boniments, réalisés par Serge Bromberg qui ajoute une corde à son arc et se révèle un superbe bonimenteur, vivant et dynamique. Signalons que Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu’on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l’exécution d’un tour ou ici d’un film. Ce discours souligne l’action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social.

Nous retrouvons ensuite un court-métrage de trois minutes réalisé par Georges Méliès en 1898, intitulé La Lune à un mètre. Alors qu’il travaille dans son observatoire, un astronome voit apparaître un diablotin et une noble dame. Il dessine ensuite des corps célestes, qui s’animent alors sur le tableau noir. Puis ses meubles disparaissent, et alors qu’il souhaite regarder la Lune avec un immense télescope, celle-ci lui apparaît, un mètre devant lui, et mange son instrument. Elle détruit également d’autres objets, et deux enfants déguisés en Pierrot sortent de sa bouche. L’astronome veut la frapper, mais elle recule, puis se transforme en croissant, sur lequel repose une jeune fille, qui enfin apparaît près de l’astronome; elle s’envole alors. L’astronome est ensuite mangé par la Lune, qui recrache ses membres ; le diablotin joue avec et la dame le reconstitue. Puis, l’astronome revient dans son observatoire.

S’ensuit un autre film du cinéaste-magicien, Eclipse de soleil en pleine Lune, réalisé en 1907 pour une durée de 9 minutes. Nous retrouvons ici une interprétation poétique et mélancolique de l’éclipse vue par Georges Méliès, toujours aussi fasciné par l’espace et ses confins. L’éclipse se déroule sous l’observation de quelques scientifiques enthousiastes et maladroits. Munis de leurs lunettes et de leurs énormes télescopes, ils assistent au spectacle du ciel et de ses comètes : Mars et Vénus chevauchant leurs astres respectifs, croisent sous une pluie d’étoiles, une myriade de dieux et déesses suspendus. Chaque astre étant, bien entendu, représenté par des visages expressifs. Les explications scientifiques sont réalisées sur un tableau noir et l’osmose physique entre le soleil et la Lune sont pour le moins très explicites et se clôt sur… un orgasme stellaire.

Dernier court-métrage disponible sur ce Blu-ray, L’Excursion dans la Lune réalisé par le cinéaste espagnol Segundo de Chomón en 1908 est ni plus ni moins qu’un remake du Voyage dans la Lune de George Méliès. On y retrouve les mêmes séquences, parfois au décor près, à l’exception du fameux boulet dans l’oeil de la Lune qui est ici littéralement engloutit. Signalons que cette pâle copie teintée en bleue élimine la plupart des scènes sur le satellite naturel de la Terre et ne dure qu’à peine 7 minutes.

Le Blu-ray propose ensuite une succession d’interviews avec les protagonistes du Voyage extraordinaire. Michel Hazanavicius, Michel Gondry, Jean-Pierre Jeunet et Costa-Gavras interviennent donc rapidement dans un court entretien de 4 minutes chacun, et s’expriment une fois de plus sur la magie et l’héritage du cinéma de Georges Méliès, en particulier de son chef d’oeuvre Le Voyage dans la Lune. On y apprend également que Jean-Pierre Jeunet a longtemps envisagé de réaliser un long-métrage sur la vie de Georges Méliès.

Gilles Duval (Groupama-Gan) et Séverine Wemaere (Technicolor) s’expriment ensuite sur leur partenariat et leur mission ayant pour but de restaurer des oeuvres du patrimoine cinématographique, mais aussi d’aider au financement d’un premier long-métrage et de soutenir les festivals du cinéma. C’est ainsi grâce à leur travail en commun que les spectateurs ont pu redécouvrir les merveilleux films de Pierre Etaix, longtemps indisponibles et bloqués pour des questions de droits. Nos deux interlocuteurs reviennent ici sur la longue et minutieuse restauration du Voyage dans la Lune, ainsi que sur la nouvelle orchestration réalisée par le groupe AIR.

Nous retrouvons d’ailleurs Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin dans un entretien de plus de dix minutes. Confortablement installés dans leur studio, les deux compositeurs évoquent leur redécouverte du film, leurs inspirations et les différentes phases d’enregistrement de ce nouvel accompagnement.

C’est à Serge Bromberg que revient le mot de la fin à travers des remerciements aux différents partenaires ayant donné leur soutien à la résurrection du chef d’oeuvre de Méliès.

Image - 4,5 / 5

L’image vidéo du documentaire proprement dit est impeccable, détaillée et claire. Venons-en rapidement au master HD du Voyage dans la Lune, restauré dans sa version colorisée. Habituellement, les films retrouvés de Georges Méliès avaient été ressuscités à partir d’éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ici, à savoir les instabilités, les poussières, les moisissures, ont été résolus bien que le but n’était pas d’atteindre la perfection mais de rendre Le Voyage dans la Lune le plus agréable à regarder tout en conservant sa patine originale. La compression AVC consolide ce miracle de technologie et permet aux spectateurs de (re)découvrir le chef d’oeuvre de Georges Méliès dans toute sa splendeur. Le choix a été d’atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L’élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.

Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n’existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu’un film normal. Ici, les couleurs conservent toute leur fraicheur et vivacité, ainsi que leur caractère original. La copie est très impressionnante, lumineuse, le rendu de l’image est exceptionnel. Quand on voit dans quel état critique était l’élément colorisé retrouvé par la Filmoteca de Catalunya en 1993, on est en droit de croire au miracle, mais pour en savoir plus sur toutes les étapes de la restauration du Voyage dans la Lune, image par image (13795 plus précisément), reportez vous au documentaire proprement dit, proposé en première partie de séance. Sachez simplement que les images manquantes ou trop détériorées du négatif couleur, ont été  » prélevées  » puis  » colorisée  » numériquement à partir d’une copie N&B nitrate originale appartenant à Madeleine Malthête-Méliès (petite-fille du cinéaste) ainsi qu’à partir d’un contretype nitrate, propriété du CNC. A titre de comparaison, nous ne saurons trop vous conseiller de mettre en parallèle cette version colorisée avec celle en N&B disponible dans les suppléments.

Son - 4,0 / 5

Etrangement, seul le documentaire est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1 en plus d’une stéréo. Il est certain que la spatialisation demeure limitée et que l’essentiel de ce mixage 5.1 demeure focalisé sur la centrale d’où sont exsudés avec force, les commentaires du film notamment la voix puissante de Serge Bromberg. L’accompagnement musical est probant, quelques basses se démarquent, mais l’ensemble se révèle minimaliste. Il est dommage que Le Voyage dans la Lune ne soit disponible qu’en stéréo car la composition planante du groupe AIR méritait amplement une répartition acoustique dans l’espace (c’est le cas de le dire), plutôt qu’être solidement plantée sur les frontales. Cela n’empêche pas ce mixage d’être riche et saisissant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm