De l'influence des Rayons Gamma sur le comportement des marguerites (1972) : le test complet du DVD

Béatrice Hunsdorfer, abandonnée par son mari, élève seule ses deux filles et se démène pour faire face au quotidien. Elle oscille entre l’amertume de sa condition et un enthousiasme débordant. Ses deux filles, Ruth et Matilda, se protègent à leur manière. L’une, 17 ans, délurée, se rebelle, tandis que la timide Matilda, 13 ans, étudie le comportement des Marguerites exposées aux rayons gamma…

Paul Newman réalise De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, son troisième long métrage après Rachel, Rachel (1968) et Le Clan des irréductibles (1971, bien que le cinéaste l’ait ensuite renié), pour sa femme Joanne Woodward. Ode à son talent, ce film magnifique est un véritable défi pour la comédienne, récompensée à juste titre par le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1973.

De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites est l’adaptation de la première et la plus célèbre pièce écrite en 1964 par le dramaturge et scénariste Paul Zindel, dont Paul Newman avait acquis les droits pour la mettre d’abord en scène au théâtre. Cette oeuvre avait par ailleurs remporté le Prix Pulitzer en 1971.

En mettant sa mise en scène au service de l’histoire et des comédiens, sans effets ostentatoires, Paul Newman réalise un très grand et ambitieux film sur la jeunesse perdue, les idéaux qui se sont envolés, les rapports mère/fille, le passage à l’âge adulte, le quotidien social tourmenté et la solitude d’une famille monoparentale tout en dressant un constat amer social, économique et politique de l’entrée des Etats-Unis dans les années 70 après la guerre du Vietnam.

Reposant sur le jeu de Joanne Woodward (hallucinante entre sensibilité à fleur de peau et crises d’hystérie), mais aussi sur celui des deux très bonnes jeunes comédiennes qui interprètent ses filles, Nell Potts, la véritable fille du couple Paul Newman-Joanne Woodward, et Roberta Wallach (la fille d’Eli Wallach), De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites dévoile la richesse de ces trois portraits de femmes à mesure que le récit avance.

Les personnages sont plongés dans une petite bourgade anonyme triste, renfermée, dont l’environnement semble déteindre sur le comportement, non pas des marguerites, mais de ses habitants, cloisonnés dans leurs vieilles maisons étouffantes. Tandis que la fille aînée commence à prendre le même chemin que sa mère abusive et fantasque, la cadette, timide, sensible à la beauté du monde, semble se détacher de cette emprise, de ces ondes, de ces rayons éponymes, pour développer une affectivité qui lui est propre.

Soutenu par la superbe composition de Maurice Jarre, la beauté des dialogues et la sublime photographie éthérée du directeur de la photographie Adam Holender (Macadam Cowboy), ce chef d’oeuvre dramatique, psychologique, brutal, complexe et pourtant non dépourvu d’humour cynique et d’espoir (comme l’attestent le dernier plan et la réplique finale), qui s’impose de minute en minute, de scène en scène, est à redécouvrir de toute urgence car trop souvent oublié dans les recueils dédiés au cinéma des années 70.

Un bel écrin en digipack slim et un menu d’accueil animé et musical. Potemkine soigne bien ses disques, qui sont aisément un cran en dessus de la moyenne.

En guise d’interactivité, nous trouvons un entretien (17’) indispensable et passionnant d’un des plus grands historiens et critiques cinématographique français, Jean-Baptiste Thoret. Spécialiste du cinéma américain et notamment du Nouvel Hollywood, notre interlocuteur replace De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites dans son contexte cinématographique, en croisant habilement le fond et la forme. Toujours aussi didactique, spontané et captivant, Jean-Baptiste Thoret répond aux principales questions que l’on pouvait se poser sur le film de Paul Newman, tout en exposant brièvement sa carrière atypique et méconnue de cinéaste (qui ne sera jamais vraiment reconnue), les partis-pris adoptés, le casting, les thèmes abordés. A ne manquer sous aucun prétexte !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, supplément à part entière puisqu’on y entend certains propos de Paul Newman.

Nous attendions le DVD de L’influence des rayons gamma sur les marguerites comme le Messie. Tout d’abord, merci Potemkine de nous permettre de posséder enfin ce trésor dans notre DVDthèque. Ensuite, bravo pour ce transfert élégant. Si la copie proposée est parfois marquée par de sensibles points et tâches noirs anecdotiques, le grain original ainsi que le format respecté 1.85 (16/9) créent un confort de visionnage évident, les couleurs ne manquent pas de classe, la gestion des contrastes est solide et les fourmillements limités. Dès la fin du générique d’ouverture, le master trouve un équilibre jamais pris en défaut, la restauration reste indéniable et la clarté est de mise sur les séquences en extérieur. Les partis-pris esthétiques de la photographie légèrement ouatée du chef opérateur Adam Holender sont savamment conservés et trouvent ici un très joli écrin. Un achat (ou un cadeau) indispensable pour les cinéphiles.

Seule la version originale est disponible. Elle dispose d’un mixage Dolby Digital Mono 2.0 relativement efficace. Malgré un léger souffle et quelques sifflements (voir à la 25e minute), les conditions sont remplies pour apprécier pleinement le film et ses dialogues, dynamiques et propres, ainsi que la composition de Maurice Jarre.

Crédits images : © Potemkine Films