Réalisé par Luis Buñuel
Avec
Arturo de Córdova, Delia Garcés et Aurora Walker
Édité par Films sans Frontières
Dans Él, un quinquagénaire bigot découvre l’amour sur le tard,
et surtout la jalousie excessive qui va avec.
Dans La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz, un jeune
garçon souhaite la mort de sa nourrice ; et celle-ci, victime
d’une balle perdue, s’écroule le cou ensanglanté, sa jupe relevée
au-dessus des genoux. Devenu adulte, Archibald associera cette
envie de donner la mort au désir.
Le premier film, psychologiquement violent et plutôt sombre,
prend pour sujet une des plaies du quotidien. Le second est une
délicieuse comédie sur un sujet peu ordinaire.
Deux films aux thèmes très proches, puisque au-delà de la
jalousie et des fantasmes, ils traitent avec maestria du choc
entre les désirs de l’homme en tant qu’individu et le carcan
social dominé par la religion - l’une des cibles habituelles de
Buñuel. De ce choc naissent des comportements excessifs.
Le personnage de Él ira jusqu’à séquestrer sa femme,
prenant au pied de la lettre la formule religieuse qui veut que
la femme soit (tel un objet) sienne ; tandis qu’Archibald de la
Cruz voudra tuer toutes les femmes qui lui plaisent, peut-être
parce que l’ordre social ne lui accorde le droit de n’avoir
qu’une seule femme.
Finalement, Él finira par perdre la tête et s’enfermera
dans un monastère (Buñuel assimile le lieu d’étude religieuse à
un asile de fou où l’endoctrinement s’érige sur les ruines de la
raison). Archibald, trouvera le bonheur avec la seule femme qu’il
aura réussi à tuer (symboliquement bien sûr).
Mais c’est avant tout la verve contestataire d’un génie du
siècle, la parole d’un esprit libre, que nous font découvrir ces
deux films exceptionnels, à l’image de la carrière de leur
auteur, exceptionnelle elle aussi.
Sobre et efficace. C’est le cas pour la majorité des parutions
Film-Sans-Frontières. La jaquette est élégante. Côté recto, une
affiche recto de « La vie criminelle… », superbe ; le verso est
illustré par une photo de production du même film, sur laquelle
d’élégantes lettrines donnent toutes les informations nécéssaires.
Côté menu, c’est un peu moins heureux : des photos de production
teintes en rouge ; on aurait aimé autre chose. Mais un thème
musical est tout de même là pour égayer le tout. On ne
s’attendait de toute façon pas à un menu 3D et à des transitions
fignolées. Une édition collector ne serait pas rentable.
Moins riche que sur Olvidados, Los, ce DVD offre tout de même
deux chefs-d’oeuvre pour le prix d’un, d’où l’indulgence de la
note.
Il y a toutefois une fiche historique bien documentée qui
replace les deux films dans leurs contexte, et surtout, qui
explique le choix d’éditer les deux films sur le même disque.
On trouvera aussi la sempiternelle filmo du réalisateur,
exhaustive, comme toujours.
Peut-être ces messieurs de Films-Sans-Frontières pourrraient-ils
nous proposer une édition en coffret des Buñuel de leur catalogue
avec un DVD supplémentaire truffé de bonus.
Él présente l’image la moins bien conservée. Outre les accidents de pellicule, on notera une défaillance dans la profondeur des noirs (l’image semble palpiter), La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz est de meilleure tenue bien qu’une restauration soit nécessaire, car dans les deux cas l’image manque de piqué.
Côté son, c’est l’inverse. Él bénéficie d’une meilleure bande sonnore, bien qu’un peu étouffée, alors que La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz souffre de crépitements sur un bon quart du film, malgré un générique tonitruant (le fait que l’année de réalisation y soit mentionnée laisse à penser que les génériques de début et de fin on été conçus des années après). Ici, aussi une restauration éclaircirait à merveille deux voix qui se feront entendre encore longtemps.