Réalisé par Luis Buñuel
Avec
Alfonso Mejia, Roberto Cobo et Estela Inda
Édité par Films sans Frontières
Croyez-le ou non, mais « Los olvidados » marque le vrai retour de
Luis Buñuel sur le devant de la scène cinématographique. Après
treize années de silence, et un come-back en demi-teinte avec
deux commandes, le réalisateur ne retrouvera son statut de
cinéaste contestataire qu’avec la sortie de ce film, qui se
déroule dans les bas-fonds d’un Mexico pas encore aussi
tentaculaire que de nos jours, mais où se côtoyaient déjà la
plus triste des misères et le luxe bourgeois.
Noir jusqu’à l’ébène, le film retrace l’histoire de jeunes
garçons livrés à eux-mêmes, poussés pour exister à des actes
parfois barbares. Sans complaisance, Buñuel les suit et, sans
les justifier, tentera de donner une explication sociale à ces
dérives : à cause de l’alcoolisme de leurs parents, ayant été
abandonnés par des familles trop pauvres, ou tout simplement par
manque d’amour, ces garçons et ces filles se regroupent en bandes,
subsituts à tout ce qui leur fait défaut.
Et ceux qui voudront s’en sortir ne seront pas au bout de leur
peine, ils devront emprunter un chemin à la destination tragique.
En fait, plus le film avance, plus il s’enfonce dans la nuit et
le pessimisme, et c’est avec soulagement que le spectateur voit
apparaître le mot fin sur son écran. Mais avant cela, Buñuel
vous aura marqués à jamais avec le destin tragique de ces enfants.
Encore une fois, Film-Sans-Frontières fait dans le sobre et l’efficace : une affiche d’origine orne une jaquette aux mentions claires et élégantes. Le menu, quant à lui, aurait gagné à être un peu plus créatif ; le fait de teinter des photos de production en rouge n’est pas du meilleur goût, et la musique qui illustre la page d’introduction est d’un niveau un peu trop élévé. Sinon, la navigation est claire et les sous-titres bien lisibles.
Certes, ce n’est pas un collector. De toute façon, les frais
qu’implique une telle édition ne seraient jamais rentabilisés
avec ce type de film (ni couleurs, ni 16/9, ni bande-son
rentre-dedans), mais ici un bon compromis à été trouvé avec en
premier lieu « Las Hurdes » (1932). À la fois court-métrage
d’inspiration surréaliste et documentaire (très dur) sur une des
régions les plus pauvres et les plus reculées de l’Espagne
pré-franquiste. L’image en est déplorable et le son tout juste
audible, mais le génie contestataire de Buñuel est là. Un
panneau déroulant (bien documenté) précède le visionnage de ce
court.
Pièce rare, une fin alternative inédite à été retrouvée et
présentée, précédée d’une note déroulante. Optimiste, elle
soulage le film de sa noirceur (à tel point que, pendant une
fraction de seconde, on eut souhaité que ce soit la fin du film),
mais lui retire aussi tout son crédit. Fin de commande pour
rassurer le producteur, ou version filmée par le producteur
lui-même afin d’endiguer le désastre annoncé de la commercialisation
du film… qui sait ?
Une fiche historique toujours très riche en anecdotes sur les
conditions de tournage replace le film dans son contexte.
Enfin, une filmographie copieuse de Louis Buñuel fini d’enrichir
le tout.
Un petit entretien avec un spécialiste de l’oeuvre de Buñuel
aurait été la bienvenue. Des liens internet aurait pu se glisser
ici ou là. Enfin, une liste d’uvres sur le cinéaste (pourquoi
pas ?), car après avoir visionné le film, l’envie se fait sentir
de connaître la carrière de don Luis.
Une image qui a vieilli, des rayures, des taches délavées des
points blancs ou des sautes d’image. Le master manque de
définition (le master de La Grande illusion avait plus de
piqué, pour un film antérieur de quinze ans) et pauvre en
contraste. C’est certes visionnable et de meilleure qualité
qu’une VHS, mais on aimerait un bon coup de pinceau restaurateur
sur l’image de ce film, car un chef-d’oeuvre pareil ne doit pas
disparaître.
Sinon, louons la qualité de l’encodage, qui est vraiment très
bon ; pas un défaut de compression ne vient aggraver l’image
(remarquable surtout sur « Las Hurdes » qui, malgré un master
déplorable, ne souffre d’aucun artefact de compression).
Un son très correct, sans craquement ni souffle, un peu étouffé toutefois ; ici aussi une petite restauration s’impose pour le rendre plus comprehensible.