Réalisé par Nagisa Oshima
Avec
Eiko Matsuda, Tatsuya Fuji et Aoi Nakajima
Édité par ARTE ÉDITIONS
L’Empire des sens relate une histoire vraie qui s’est passée à Tokyo, en 1936. Kichizo, propriétaire d’une auberge, remarque la beauté de Sada Abe, une servante. Le point de départ d’un amour fou qui a défrayé la chronique et dont on parle encore aujourd’hui.
L’Empire des sens marque le retour de Nagisa Ôshima à la réalisation de fictions, interrompue depuis quatre ans par la crise qui secouait alors le cinéma nippon. Le producteur français Anatole Dauman, fondateur d’Argos Films, après avoir vu La Pendaison, proposa à Nagisa Ôshima de financer son prochain film en lui laissant carte blanche, à la seule condition qu’il réalise « un film de genre ». Voilà comment put naître L’Empire des sens dont le titre original, Ai no korîda (La corrida de l’amour) laisse entrevoir la fin tragique.
L’Empire des sens est une des pierres précieuses du cinéma érotique avec Le Dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci (1972) et Salò ou les 120 jours de Sodome de Pier Paolo Pasolini (1975).
Tout a été dit sur l’extraordinaire beauté formelle de L’Empire des sens qui l’a hissé d’emblée au rang des chefs-d’oeuvre du genre. La représentation non simulée de l’acte sexuel, brisant un tabou, en fait toutefois un film unique qui, non sans quelques péripéties, put cependant être distribué dans le circuit commercial de la plupart des pays.
ARTE Éditions ressortent L’Empire des sens, pour marquer le quarantième anniversaire du film, dans une version annoncée comme « restaurée en 4K ». Si les deux éditions de 2003, l’édition simple et l’édition prestige, étaient d’une remarquable qualité, il faut admettre qu’un autre petit pas a été fait vers la perfection avec cette restauration. C’est pourquoi on peut s’étonner que ne soit pas sortie, simultanément, une nouvelle version Blu-ray du film qui aurait permis une plus juste mesure de l’apport de la restauration.
L’Empire des sens (98 minutes) et son passionnant complément de 52 minutes tiennent sur un DVD double couche logé dans un boîtier de 14 mm, inséré dans un cartonnage avec un éventail rouge sur fond noir, dans le style des éditions de 2003. Un très beau menu musical au graphisme animé propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels (ils étaient imposés dans la précédente édition), ou dans un doublage en français, les deux au format mono d’origine (Dolby Digital 2.0).
On trouve également dans le boîtier un livret de 20 pages qui reprend trois textes figurant déjà dans l’édition de 2003, un extrait des mémoires du réalisateur sur la genèse du film, des passages (plus longs que ceux cités dans l’édition précédente) du plaidoyer qu’il a prononcé en 1978 à l’occasion du procès et un entretien dans lequel il répond à dix-huit questions. À la dernière, « Obéissez-vous à un axiome ? », il répondait : « Je rêve depuis toujours de confondre rêve et réalité ».
En supplément, Il était une fois l’Empire des sens (52’), un passionnant documentaire de David Thompson réalisé en 2010, dans lequel interviennent la romancière Catherine Millet, Catherine Breillat, et, surtout, le critique Hubert Niogret. Le documentaire rappelle les premiers films de Nagisa Ôshima, marqués par son engagement politique aux côtés des étudiants contre le renouvellement de l’ANPO, le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les USA et le Japon, puis l’offre faite par Anatole Dauman, le tournage quasi-clandestin du film au Japon, le scandale que provoqua sa sortie, surtout au Japon, ce qui valut à Nagisa Ôshima et à l’éditeur du scénario, illustré de photos du film, d’être poursuivis pour obscénité avant d’être relaxés au terme d’une procédure qui s’étira sur… six longues années !
Le supplément, recueillant plusieurs entretiens avec le réalisateur, les deux interprètes, Tatsuya Fuji et Eiko Matrsuda, montre comment le film réussit à s’imposer, parfois très vite, avec un accueil enthousiaste à Cannes dès sa sortie, plus difficilement ailleurs : programmé au New York Film Festival, il fut saisi par la douane et retiré de la programmation de la Berlinale. Aujourd’hui encore, le film est amputé au Japon et défiguré par un floutage des organes sexuels.
Malheureusement, les deux excellents bonus de l’édition de 2003, Le cinéma érotique made in Japan d’Yves Montmayeur et Sur le tournage de Florence Dauman n’ont pas été repris, ce qu’aurait permis la capacité d’un Blu-ray.
L’image, au format original 1.66:1, présente des couleurs agréablement saturées, des contrastes fermes avec des noirs très denses, un soin particulier apporté à l’étalonnage. On retrouve tout ce qui faisait la qualité de l’édition précédente avec, en plus, la disparition des rares petits parasites qu’on pouvait détecter. La restauration a scrupuleusement respecté la texture argentique originale, proscrivant tout lissage abusif, en faisant le choix d’une palette légèrement plus sombre.
Crédits images : © ARTE France